À quelques jours du premier tour de la présidentielle, la sortie de la dernière partie du sixième rapport du Giec est un petit coup derrière la tête pour nous rappeler la réalité de l’urgence climatique et surtout que la marge de manœuvre se réduit de plus en plus pour agir.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a présenté ce lundi 4 avril un volet consacré aux solutions et aux grands changements à initier au plus vite pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le temps nous est compté.
Dans ce contexte, l’association de défense des animaux L214 en a profité pour rappeler la nécessité de réduire sans attendre la production et la consommation de viande. Une idée qui va dans le sens des préconisations du Giec.
Comme l’explique cet avis scientifique de l’Inrae de 2019, envisager cette réduction est capital pour avoir un impact dans la lutte contre le réchauffement climatique :
« La diminution de la consommation de viande par tous les pays gros consommateurs permettrait de réduire l’empreinte environnementale de l’alimentation et par conséquence de la partie liée à l’élevage, en diminuant les émissions des gaz à effet de serre, en économisant sur les ressources en eau et en diminuant leur pollution par des nitrates, en réorientant des terres cultivables vers l’alimentation humaine sans augmenter la déforestation. »
Mais sommes-nous prêts et prêtes pour cela ?
Les Français prêts à changer leurs habitudes alimentaires
Selon un sondage Yougov réalisé pour L214, 64% des Français sont favorables à la mise en œuvre de politiques publiques amenant à réduire de 50% la consommation de viande et de poisson en cinq ans.
Une donnée très encourageante pour l’association de défense des animaux : « Les gens sont prêts, c’est une super bonne nouvelle », affirme Brigitte Gothière la co-fondatrice de L214 auprès de Madmoizelle qui pointe néanmoins que ce rapport du Giec est « relativement timide sur la question de la végétalisation de l’alimentation ».
Le résultat selon elle de pressions de la part de certains pays gros producteurs de viande, le Brésil et l’Argentine, qui comme le souligne le quotidien québécois La Presse, auraient insisté pour que le rapport « évoque non pas la nécessité d’adopter un “régime alimentaire végétal”, mais plutôt un “régime alimentaire équilibré” ».
Le sondage réalisé en février 2022 montre que ce sont notamment les femmes (68%) et les 25-34 ans (69%) qui sont les plus enclins à accepter ce changement dans leurs comportements alimentaires.
Mais alors qu’entend-on par « politiques publiques » ? Quelles mesures préconisent L214 ? Il y a énormément de leviers à actionner nous explique Brigitte Gothière.
« Tout le monde sait qu’on ne laisse pas couler l’eau du robinet quand on se brosse les dents. Tout le monde est conscient qu’il vaut mieux prendre son vélo que sa voiture. C’est le résultat de politiques publiques depuis des années. Alors pourquoi pas des messages qui disent “quand vous avez le choix entre plat carné et plat végé, privilégiez le plat végé” ? »
En somme, que le plat sans viande devienne la norme et le plat carné l’exception, une inversion de notre habitudes.
L’activiste insiste aussi sur la nécessité de mettre en œuvre des formations en direction des personnels présents dans les cuisines au contact des élèves dans les cantines scolaires ou en restauration collective.
Une bataille culturelle dans nos assiettes
« Il y a un boulevard sur la question de l’éducation », estime Brigitte Gothière. « Pour apprendre à manger moins de produits d’origine animale, pour découvrir une alimentation végétarienne, pour savoir comment équilibrer son assiette. Tout l’enjeu, c’est de montrer qu’on peut manger bon. Dans les collectivités, notamment, quand on a des échanges avec les mairies, elles disent que les prestataires ne sont pas formés, et que le plat végé, il est tristoune, il n’est pas génialement bon, et ça n’encourage pas ! »
Car si les repas végés se coltinent encore une image terne, fadasse et pas franchement emballante, cela dépasse même le contenu de l’assiette en tant que tel : 63% des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage Ifop considèrent qu’un repas est plus convivial quand il contient de la viande. En gros, les végétariens avec leurs légumes et leur seitan, casseraient tout simplement l’ambiance (oui, un peu comme les féministes, souvenez-vous). Un discours qui a d’ailleurs permis au candidat communiste Fabien Roussel d’être visible tout au long de la campagne.
Une affaire de perception encore très tenace, comme le raconte Brigitte Gothière : « Quand on fait des blind tests avec des produits qui ressemblent à de la viande et qu’on ne le dit pas, les gens trouvent ça bon, car on mange aussi avec nos représentations. Mais quand vous présentez à quelqu’un un repas végétarien, tout de suite ça crée une résistance. Si vous ne dites rien en arrivant avec votre plat de falafels, les gens mangent végétarien ou vegan sans s’en rendre compte et ça ne leur pose aucun problème. »
Une bataille culturelle qu’il reste à mener, notamment face à une industrie de la viande bien décidée à s’approprier le flexitarisme pour valoriser la consommation de « bonne viande », comme avec ce spot signé de l’interprofessionnelle de la filière bovine Interbev :
« L’enjeu est de faire découvrir qu’une alimentation sans viande, sans poisson, c’est une alimentation extrêmement riche, gouteuse, savoureuse, roborative », poursuit Brigitte Gothière. « Il y a cette image que si on ne mange que des légumes, on va être hyper faible. Pourtant on peut manger végétalien 100% du temps sans aucune carence et en ayant les mêmes apports. »
Retirer la viande de son alimentation, un choix qui serait forcément mauvais pour la santé, mais qui serait aussi forcément un renoncement à un plaisir. « Souvent, les gens pensent que ça va les priver de quelque chose, qu’il va leur manquer quelque chose. »
Il s’agit donc d’un virage alimentaire à accompagner impérativement pour répondre à l’enjeu du changement climatique dans les sociétés occidentales.
Dans son classement, L214 constate que seuls deux candidats à la présidentielle s’engagent sur ce terrain à travers des mesures pour sortir de élevage intensif, la fin de la pêche industrielle, ou encore la démocratisation de l’alimentation végétale : Yannick Jadot et Jean Luc Mélenchon.
Seulement deux candidats sur douze, et un président sortant tout en bas du classement qui n’obtient que la piètre note de… 0,3 sur 5 sur la question du bien-être animal.
Un signal pas franchement favorable alors qu’il reste bien peu de temps pour agir et parvenir à endiguer les effets dévastateurs du dérèglement climatique.
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Crédit photo : Allan Lainez via Unsplash
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Les Commentaires
J'avais lu certaines des études qui montraient qu'il faudrait réduire à l'échelle mondiale la consommation de viande pour pouvoir nourrir toute la population il y a 3-4 ans (donc mes informations datent et je n'ai plus les sources en tête désolée).
Les études que j'avais regardé à l'époque évaluaient l'impact des élevages sur l'environnement en considérant que les élevages consommaient des ressources pour produire l'alimentation des animaux (eau, foncier, intrants) + les ressources pour les animaux (eau, foncier, énergie...)... Ils prenaient la consommation de viande des américains, faisaient un scénario où toute la population mondiale consommait autant de viande qu'eux (et continuait de croître) et constatait qu'il n'y avait pas assez de ressource sur Terre pour cela.
Mes infos datent comme tu peux le voir mais ces méthodes ne faisaient pas la distinction entre les élevages intensifs (où les animaux sont nombreux sur une petite surface et où ils n'ont donc pas assez d'espace pour prélever directement leur alimentation dans leur environnement => ce qui implique que l'on en apporte et donc que l'on dédie des productions agricoles à cela) des élevages extensifs (où les animaux mangent de l'herbe dans des zones où on ne peut pas forcément produire d'autres denrées agricoles, et par leur présence, permettent d'ouvrir les milieux et de contribuer au développement d'une biodiversité spécifique).
A mon sens, si l'on cherche à diminuer les impacts négatifs environnementaux de notre consommation alimentaire, il vaudrait mieux consommer français (moins de transport et réglementation plus protectrice) et extensif, même pour le bœuf. D'ailleurs, j'ai pas compris en lisant pourquoi ce serait l'élevage le plus impactant d'un point de vue environnemental (si vous avez la flemme de m'expliquer mais que vous avez des sources, je prends aussi ) ? Pour info, il existe une filière de vaches à viande (dites allaitantes), dont la viande est de meilleure qualité que les laitières réformées. En fonction du type de viande que l'on achète, on ne consomme pas forcément de la viande de laitières réformées.