Il y a de fortes chances que le nouveau rapport du Giec vous rende éco-anxieux ou éco-anxieuse. Lundi 9 août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié ses nouvelles évaluations et précisions climatiques, à trois mois de la conférence climat COP26.
La première partie de ce sixième rapport, publié sept ans après le précédent, ne laisse place à aucun doute : le réchauffement climatique s’accélère, partout, et les évènements climatiques extrêmes risquent de se multiplier. Mais est-ce vraiment une surprise ? Les récentes inondations en Allemagne et en Chine, les incendies en Europe et en Amérique du Nord, l’explosion des températures au Canada nous rappellent tous les jours la réalité terrifiante dépeinte par ces études scientifiques…
Après cette première parution, deux autres volets consacrés à la vulnérabilité de nos sociétés et aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre devraient arriver en 2022. En attendant, on vous résume ce qu’il faut retenir de ce nouvel état des lieux de la planète.
Le changement climatique actuel est « sans précédent »
Premier constat peu réjouissant tiré par les experts-climats de l’ONU : le climat continue de se dérégler. « Bon nombre des changements observés dans le climat sont sans précédent depuis des milliers, voire des centaines de milliers d’années, dans toutes les régions du monde », note la climatologue française Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe de travail 1 du Giec, qui a réalisé cette première partie du rapport.
Selon l’évaluation des scientifiques, la température globale sur la surface de la Terre était plus chaude de 1,09°C entre 2011 et 2020 qu’elle ne l’était entre 1850 et 1900.
Les conséquences de ce réchauffement climatique sont déjà visibles. Entre 1901 et 2018, le niveau des mers a grimpé de 20 centimètres, « plus vite que lors de n’importe quel autre siècle depuis au moins 3000 ans ». La fonte des glaciers a causé un recul de leur surface « sans précédent depuis 2000 ans » et « l’étendue moyenne de la banquise en Arctique a atteint son plus bas niveau depuis 1850 » entre 2011 et 2020.
Les scientifiques du Giec estiment que ces phénomènes sont « irréversibles pour des siècles ou des millénaires ».
Leur rapport aborde aussi la notion inédite de « points de basculements » entraînant un emballement du système — des événements à « faible probabilité mais fort impact », comme la déstabilisation de la calotte glaciaire antarctique ou le dépérissement des forêts. Dans le pire des scénarios, par exemple, la fonte de la calotte glaciaire pourrait faire augmenter le niveau des mers de 2 mètres d’ici à 2100.
L’être humain, le responsable « sans équivoque »
Pour la première fois, le Giec affirme que le rôle joué par les activités humaines dans le réchauffement climatique est « sans équivoque ». « C’est désormais un fait, c’est une avancée majeure », commente Valérie Masson-Delmotte — dans le précédent rapport, en 2013, la responsabilité humaine avait été qualifiée d’« extrêmement probable ».
La combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) fait partie de ces activités humaines qui génèrent de fortes émissions de gaz à effet de serre, et depuis le rapport de 2013, celles-ci ne cessent d’augmenter. La concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère a atteint, en 2019, son plus haut niveau « depuis au moins 2 millions d’années » pour le CO2 et « depuis au moins 800.000 ans » pour le méthane et le protoxyde d’azote (deux autres gaz à effet de serre), déplore le Giec.
La capacité des forêts, des sols et des océans à absorber le CO2 émis par les êtres humains risque de s’affaiblir si ces émissions se poursuivent, mettent en garde les experts.
Un futur loin d’être réjouissant
Les auteurs du rapport ont adapté à la hausse leurs scénarios par rapport à l’édition de 2013 et proposent cinq trajectoires différentes d’émissions de gaz à effet de serre pour évaluer l’évolution du climat.
Sans surprise, la température va continuer d’augmenter dans les vingt prochaines années — et ce, dans tous les cas de figure. Les prévisions dépeignent une augmentation de 2,1°C à 3,5°C d’ici la fin du siècle, et de 3,3°C à 5,7°C d’après les pires trajectoires, par rapport à la période 1850-1900.
Rappelons que dans la lutte contre le réchauffement climatique, chaque degré compte : « Chaque demi-degré de réchauffement entraîne des événements climatiques plus intenses, plus fréquents et touchant plus d’endroits », rappelle le climatologue Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace et l’un des auteurs du rapport.
Pour rappel, l’accord de Paris de 2015, signé par 196 parties, vise à limiter le réchauffement climatique « bien en deçà » de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, et si possible à 1,5°C. Le Giec estime que la planète devrait atteindre ce seuil de +1,5°C autour de 2030… soit dix ans plus tôt que l’estimation faite en 2018.
Pour l’instant, seulement la moitié des signataires de l’accord de Paris ont révisé à la hausse leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les experts mettent alors en garde contre une augmentation « sans précédent » des événements météo extrêmes, comme les canicules ou les pluies diluviennes.
Est-ce que tout est perdu pour autant ?
Ce nouveau rapport d’évaluation est « une alerte rouge pour l’humanité », comme l’indique le Giec dans un communiqué. « Il n’y a pas de temps à perdre ni d’excuses à trouver », avertit Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, appelant à « l’union des dirigeants, des entreprises et de la société civile » derrière des « solutions claires ».
« Sans réduire fortement, rapidement et durablement nos émissions, la limitation du réchauffement à 1,5 °C sera hors de notre portée », prévient de son côté la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte.
Alors comment faire ? Déjà, il faut atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire arriver à un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions de CO2. Pour cela, les experts du Giec espèrent que leur rapport sonnera « le glas » des énergies fossiles, au bénéfice des énergies renouvelables.
Les scientifiques recommandent aussi le financement de politiques d’adaptation et de résilience ou encore des plans de relance post-Covid-19 qui financent la transition écologique.
« La viabilité de nos sociétés en dépend », conclut Antonio Guterres. On espère que les participants de la COP26 auront eu le temps de lire ce rapport pendant leurs vacances.
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Crédit photo : Markus Spiske / Pexels
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Les Commentaires
Pourquoi ? Parce que proposer des "bons plans" fast-fashion tous les jours, faire de la pub pour des smartphones sans aucun message du type "ne changez pas de smartphone tous les ans svp, ça pollue trop", promouvoir la consommation fun, et puis d'un coup sortir un article sur l'urgence climatique, c'est une énorme hypocrisie. Point.
Oui, je sais que vous avez déjà répondu à ces critiques par le passé. Je sais que sans la pub, plus de contenu gratuit, vous mettez la clé sous la porte. Vous vous dites sans doute que c'est une bonne façon de faire passer un message à des gens qui ne l'auraient pas eu autrement... Sauf qu'au final, vous contribuez au mode de consommation qui nous a mis dans cette "merde" (pour reprendre vos mots), et qu'à ce tarif, parler d'urgence écologique avant de retourner s'acheter un joli petit haut à 5€, ça s'appelle se donner bonne conscience. C'est ce que tout le monde fait pour se dispenser d'agir vraiment.
Je sais aussi que vous n'êtes pas un magazine militant, que vous voulez proposer du contenu pour tous les goûts et toutes les convictions. Sauf que d'après le rapport même que vous citez, l'urgence climatique n'est pas une affaire de goût ni de convictions. C'est la réalité. Et la réalité, c'est que celles de vos lectrices qui vont lire cet article, se dire "Mais c'est terrible !" puis cliquer sur le bon plan du jour et décider que tiens, bonne affaire, un smartphone à seulement 600 boules, ça tombe bien, le mien a presque 2 ans et il commence à ramer... elles auront un impact unilatéralement négatif. Pas un peu positif parce qu'au moins elles auront pris conscience, non. Juste complètement négatif, on ne va pas se mentir.
Voilà. Merci pour ces années de bonnes lectures, de réflexion, de désaccords sains parfois. Merci pour votre travail. Mais là, c'est plus possible.