— Publié le 1er mars 2012
Je me demande si c’est parce que je viens récemment de souffler une bougie me rapprochant lentement mais sûrement du quart de siècle, ou si c’est parce qu’il n’y a plus d’époque. Mais plus ça va, plus j’ai l’impression d’avoir grandi dans un espace temps très lointain.
Quand j’avais 10 ans, la 3D n’existait pas au cinéma, on n’avait pas encore connu l’hyperprésidence en France, le réchauffement climatique ne faisait peur à personne et on ne pouvait pas se connecter à Internet si Maman était déjà en train de téléphoner.
Aujourd’hui, Star Wars est ré-édité selon les règles de la stéréoscopie, il est possible d’acheter des goodies UMP sur Internet, il ne se passe pas un jour sans que l’on parle du développement durable et j’ai un truc que l’on appelle « la 3G » (qui sera bientôt de la 4G) sur mon téléphone portable.
De ce constat de socio-historienne de comptoir est née l’envie de dresser un état des lieux de l’enfance. Mais comme je ne suis pas l’INSEE, je me suis contentée d’une comparaison grossière entre mon enfance et celle de ma cousine. Garantie avec raccourcis, aigreur, manque de relativité et état d’esprit de vieux cons.
Chère cousine,
Je suis née en 1988 et je viens de fêter mes 24 ans. Tu es née en 2002 et tu as 9 ans et demi. Laisse moi te conter mon enfance, une époque qui ne date pas des dinosaures, mais vu l’ère d’hyperconnexion que ta génération traverse, te semblera sûrement bien lointaine.
Sex symbol
J’étais amoureuse de Lorant Deutsch dans Les Intrépides, un petit garçon sain d’esprit, bébé journaliste pour une radio pirate, enquêteur d’abord à ses heures perdues puis à temps plein. Un chic type, en somme.
Tu es amoureuse de Edward Cullen, soit (excuse moi mais) un mec dont le nom de famille prononcé en français ressemble à une insulte, cultive un teint pire que le mien quand j’ai la gastro, et possède une coupe de cheveux inspiré du design d’une brosse à chiottes.
Enfin, je te dis ça, mais en même temps : peut-on vraiment faire confiance à un mec qui s’est recyclé un style d’intellectuel rive gauche, avec son jean Célio 2003 et d’immondes baskets bicolores aux pieds ?
Je ne pense pas. Tu marques donc un point.
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Les grands
À 10 ans, j’envisageais mon adolescence comme un âge serein où il serait question de rejoindre sa bande de potes « au café », pour « boire des milk-shakes » et « jouer au flipper ».
Avec nos vestes en jean, nos cuirs, nos hoodies et nos bandeaux dans les cheveux, on aurait été les rois du monde et personne ne serait venu nous faire chier sur notre territoire. Bonne ambiance.
Pour toi, les grands font « la chouille ». Ils boivent, fument, et il te semble même qu’ils avalent des substances leur permettant d’être « dans un autre état ». À la fin de la beuverie, il leur arrive parfois d’avoir des rapports sexuels sans qu’ils ne s’en rappellent le lendemain.
Pourquoi pas.
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Les jouets
Ma meilleure copine avait Barbie équitation (et faisait vraiment du cheval dans la vraie vie).
La tienne joue avec des Bratz. Autrement dit, des poupées plutôt moches et qui ont constamment l’air blasé, genre « méchante dans les séries américaines ».Et puis, elles ont l’air de chausser genre au moins du 46. Ma pauvre.
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Les boissons
J’aimais bien boire du Banga. Y’avait toujours des briquettes pour accompagner les anniversaires. En général, on mangeait des gâteaux avec des Smarties dessus. Ça défonçait.
Au supermarché, toi tu as désormais l’embarras du choix. Mais ta préférence va évidemment au Fanta Château Grokiff, une terminologie que nos grands-parents ne comprennent pas.
« Saveur Citron-Fleur de sureau », hmm.
Sureau, comme la baguette dans Harry Potter tu me dis. Ce qui est pratique avec toi, c’est que tu as de bonnes références.
La bêtise
La bêtise ultime à mon époque, c’était d’enfoncer du pain dans le magnétoscope.
Ouais, que veux-tu. Je pensais qu’il était vivant depuis la fois où ma mère avait dit « je pense qu’il est fatigué » un soir où il ne voulait pas enregistrer un Envoyé Spécial.Chez toi, la bêtise ultime serait de faire tomber le iPad de ton papa. C’est-à-dire, pardon de le rappeler, mais une TABLETTE inventée par Steve Jobs avant sa mort pour faire raquer un peu plus tes géniteurs cadre-sup, et sur laquelle tu peux… faire tout ce que tu pouvais déjà faire, mais sur un ordinateur.
Tu passeras le bonjour à mon oncle, au fait.
Les chansons qu’on a en tête parce qu’elles passent à la télé
À mon époque, tout le monde avait dans la tête Mélissa, le titre phare des Minikeums. Le morceau vaut ce qu’il vaut, n’empêche : pour un public jeunesse, il présentait une critique presque corrosive de l’univers cliché des boys bands. Notons que Mélissa a été disque d’or en 1997.
Et toi, qu’as-tu entendu des centaines de fois en allumant ta télé ?
Oui, une chanson portant aux nues un petit mammifère dégueulasse, le tout via un vocoder abrutissant posé sur un beat à se pendre dans la salle de bain.
Tu me rappelleras que si un jour je dois faire la révolution, ce ne sera pas avec ceux de tes amis qui ont acheté le CD 2 titres.
Les métiers
April O’Neil m’avait donné envie de devenir journaliste. Tintin, Loïs et Clark aussi.
Toi, tu as entendu parler d’un parcours « community manager ».
C’est ta grande soeur qui t’a assuré qu’avec ce métier, tu pourrais rester sur Facebook et Twitter toute la journée.Les jeux électroniques
J’avais un Tamagotchi (un petit animal de compagnie virtuel dont tu as peut-être entendu parler, puisque l’industrie en a fait un jeu pour la Wii). Les options étaient limitées et un peu annihilantes (lui donner à manger, le laisser faire caca, nettoyer son caca, le promener) mais c’était pas mal. J’avais l’impression d’être responsable.
Tu as récupéré le vieil iPhone de ton papa. Tu joues à Fruit Ninja. Un jeu dont le but est de « faire exploser un maximum de fruits ».
C’est vrai que ça peut toujours servir, dans la vie.
Pour jouer à la grande
Moi je chipais son rouge à lèvres à Maman. Et je dansais dans la salle de bain, maquillée comme un camion, sur du Aretha Franklin. Quand Maman rentrait, elle me démaquillait immédiatement, mi-rieuse mi-inquisitrice.
(J’avoue : ce n’est pas moi sur la photo)
Toi, tu as l’impression de « faire comme Maman » depuis qu’elle t’a acheté des strings à ta taille chez Carrefour.
Bref, ma chère cousine. Puisque notre époque exige des jeunes filles qu’elles fassent de plus en plus grandes, et des femmes qu’elles fassent de plus en plus jeunes, il se pourrait bien que l’on se surprenne, au prochain repas de famille, à se ressembler un peu trop.
Enfin, pas trop quand même, j’espère. Prends le temps de grandir.
Bisous
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Les Commentaires
J'avoue que je ne me reconnais absolument pas dans la jeunesse que certaines lectrices décrivent. Une société où on pousse les filles a mettre des string ? A coucher au collège ? A sortir ?
Alors peut être que les camarades dans mon collège sont enfaite des clones d'enfants des années 90 mais personne ne va en boite. Alors oui c'est sur je ne connais pas chaque ado mais les 6e qui mettent des strings et qui fument j'en ai jamais vu. Je ne vais pas nier les différences générationelles, notamment par rapport à la sexualité qui a changé (porno, hypersexualisation des petites filles) mais le portrait des préados que certaines font est vraiment caricatural.
Je suis en 3e, il fait actuellement 35° à Paris et j'adorerai me mettre en short, mais je sais que si je fais ça on va mal parler de moi au collège, parce que qu'en t'as 15 ans et un cul bah c'est "tepu". Et j'ai couché pour la première fois avec mon mec cette année et je suis devenu d'un coup la boloss du collège. Donc votre génération à la débauche --'
Et puis autre truc, il faut savoir être un peu objectif. Les dessins animés des années 90 vous enchantent parce que vous les voyez sous le prisme de la nostalgie mais bon... Sincèrement, ils sont pas vraiment beaux. Pareil pour votre musique, etc... C'est pas non plus génialissime. Personnellement, de mon point de vue de fille des années 2000, y a pas plus kitch et je préfère largement la musique d'aujourd'hui, les dessins animé d'aujourd'hui (ce qui est normal vu que j'ai baigné dedans).
Donc j'aimerai conclure que la jeunesse libéré que certaines personnes désignent n'est pas inexistante mais ne représente pas la majorité. La presse en parle beaucoup plus car c'est cette jeunesse marginale qui fait le plus polémique. Ne stigmatisez pas les 2000, c'est assez navrant de voir à quel point cette génération est bashé sur Internet
PS : Et aussi, ça a déjà été relevé mais bon, le slut shaming n'est pas plus acceptable quand il s'agit de parler de la jeunesse.