C’est un témoignage chargé d’amertume et de colère : issue d’un recours à la procréation médicalement assistée et née en 1986, Marjorie Mendes a découvert récemment grâce à un test ADN qu’elle a une correspondance génétique avec plusieurs membres de la famille du gynécologue de sa mère.
Celui-là même qui a procédé à l’insémination.
Ce témoignage et plusieurs autres sont au cœur de l’enquête passionnante publiée sur France Info le 21 décembre : elle révèle que plusieurs médecins auraient utilisé leurs propres gamètes sans en avertir leurs patientes.
Des pratiques moralement plus que douteuses, qui révèlent ce que pouvait être le recours à un don de sperme avant l’encadrement des lois de bioéthique instaurées en 1994, et depuis révisées en 2004, 2011 et enfin en 2021.
Des patientes à qui l’on a caché la vérité
Camille Chapin-Derennes, vice-présidente de l’association PMAnonyme, rappelle auprès de Madmoizelle le premier problème de ces actes médicaux, c’est qu’ils ont été appliqués sans l’information et le consentement des patientes : « Les inséminations ont été faites contre le gré des femmes », souligne-t-elle en n’hésitant pas à parler de « violences médicales ».
L’association PMAnonyme qui défend les droits des personnes nées d’un don de gamètes, notamment leur droit d’accéder à leurs origines, n’hésite pas à parler de « scandale sanitaire » et c’est loin d’être juste pour la formule.
« On a des gynécologues qui ont donné leurs propres gamètes, ou bien celle d’un même donneur pendant plusieurs années, voire plus d’une décennie. Ce sont des cabinets en ville, avec donc une patientèle locale. Cela veut dire que les personnes nées de ces dons ont pu se rencontrer, se côtoyer, aller à l’école ensemble, être amies. C’est très problématique. »
Au sein de PMAnonyme, ce cas de figure est déjà arrivé : « On a retrouvé 32 demi-frères et demi-sœurs issus du même donneur, par le même cabinet. »
Limiter le nombre d’enfants issus du même donneur : une nécessité
Avec la législation en vigueur sur le recours à un don de gamètes dans le cadre d’inséminations et de fécondations in vitro, ces cas ne sont plus possibles depuis longtemps.
D’une part, parce que les dons sont maintenant gérés par des établissements dédiés, les Cecos, les Centres d’Études et de Conservation des Œufs et du Sperme, et d’autre part parce que le nombre d’enfants nés à partir des gamètes d’un même donneur est limité à dix. Un moyen d’éviter des risques de naissances issues de relations consanguines entre des personnes qui ignoreraient qu’elles partagent une partie de leurs gènes.
De plus, la dernière révision des lois de bioéthique a ouvert l’accès aux origines pour les enfants nés d’un don de gamètes, qui pourront s’ils le désirent obtenir des informations sur leur donneur ou leur donneuse à leur majorité.
Les histoires révélées par l’enquête de France Info agissent comme des révélateurs de la façon dont on a longtemps considéré le don de gamètes : un secret à taire dans la famille, une histoire dont l’enfant est finalement exclu. Si aujourd’hui, parler du mode de conception est davantage encouragé, il n’en a pas toujours été ainsi.
Les parents ont au contraire été incités à la dissimulation. « 90% des enfants nés d’une PMA entre 1970 et 1990 ne sont pas au courant de leur mode de conception », insiste Camille Chapin-Derennes.
Si une trentaine d’adhérents et adhérentes de PMAnonyme se savent liées par le même donneur, combien l’ignorent car pas au courant de cette partie de leur histoire ? « On peut multiplier par 10 ou 20 le nombre de frères ou de sœurs. C’est assez terrible », estime la vice-présidente de l’association.
Le tabou du don de gamètes et le serial donneur comme ressort comique
L’enquête de France Info met aussi le doigt sur l’« abus de pouvoir de la part de médecins » qui auraient agi dans le dos de leurs patientes et en toute impunité. « Quand je lis que des gens ne voient pas le problème, je m’inquiète de la société dans laquelle on vit » déplore Camille Chapin-Derennes.
Elle regrette aussi que ce type d’affaire soit vu sous l’angle de la farce loufoque. Ce n’est pas la première fois que l’idée du serial donneur fait rire et est utilisée comme une blague un peu facile, assure-t-elle en rappelant notamment le film Fonzy avec Bruno Garcia, adaptation de Starbuck.
« Mais il n’y a rien de comique à chercher ses origines, il n’y a rien de comique non plus dans le fait de pouvoir tomber amoureux de son frère ou de sa sœur. »
Et maintenant ? Le Conseil national de l’Ordre des médecins est désormais au courant des soupçons qui pèsent sur plusieurs gynécologues, pointés par PMAnonyme.
L’association souhaite que des dispositions soient prises, pour pouvoir accéder aux dossiers de ces professionnels de santé.
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Crédit photo : Nadezhda Moryak via Pexels
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Les Commentaires
Je me sentais un peu seule à être choquée car effectivement ça fait plutôt sourire les gens ce genre d'affaire.