Article initialement publié le 22 juillet 2011
Non, je ne vis pas avec une maladie grave, mais autant le balancer en bloc : mes parents à moi sont cousin et cousine germains, donc directement liés par le sang puisque mes grands-pères sont frères. Vous arrivez à suivre ? C’est consanguin.
Être consanguin : mon histoire
Ils ne sont pas tombés amoureux petits et ne se sont pas mariés à l’âge adulte après, sciemment pour embêter tout le monde (mes parents n’ont jamais été des grands rebelles dans l’âme). En fait, mes grands-pères sont les deux aînés d’une grande fratrie. Passons les détails, il y a eu et il y a beaucoup d’histoires dans la famille ; ils ne s’entendent plus très bien depuis longtemps.
Mes parents se sont donc vus rarement étant jeunes et puis se sont retrouvés dix ans plus tard et sont tombés amoureux. J’ai toujours aimé cette histoire étant petite, elle me faisait penser à ma comédie musicale préférée : Roméo et Juliette, ou l’union impossible des familles ennemies Montaigu et Capulet. Parce qu’évidemment, la relation amoureuse entre mes parents était perçue d’un mauvais oeil, notamment par mes grands-pères qui ne l’ont pas acceptée pendant très longtemps.
Ajoutez à cela la peur du qu’en dira-t-on
et ce fut un peu tumultueux. Enfin, ce n’était pas le Moyen-Âge non plus et ils ont pu se marier sans trop de problèmes (point bonus : ma mère n’a pas eu à changer son nom de jeune fille, nananèèère !). Par la force des choses, mes grands-parents s’y sont accoutumés puisque je suis arrivée très vite, puis mes frères par la suite. Nous sommes en bonne santé (même si consanguin) et mes parents forment toujours un couple uni, ce qui rassure tout le monde en fait.
Être consanguin n’est pas une tare
D’ailleurs, parlons de la santé des consanguins. A part mes pieds plats et le pavillon de mon oreille gauche non terminé, je n’ai aucune malformation, aucune maladie hors-norme : pas de pieds palmés, pas de déficience mentale avérée…
En revanche, les croyances populaires sur les consanguins ont la vie dure, et c’est bien dommage. Je n’en ai jamais vraiment souffert, mais c’est parce que c’est ma personnalité : j’assume toutes mes facettes originales, notamment ce fait particulier qui me fait sortir de la norme et je dirais même que j’en suis fière.
Ce n’est pas grand chose, n’exagérons rien (je ne me lève pas tous les matins en me répétant que mes parents partagent le même sang) mais c’est mon histoire, et quelle qu’elle soit, je défendrai toujours le choix de mes parents d’être allés jusqu’au bout, parfois envers et contre tous. Et puis stop aux croyances populaires : ceci N’EST PAS une maladie contagieuse.
Être consanguin à l’école
C’est ce que j’aurais aimé dire à quelques personnes dans ma classe cette année car pendant un cours de philo, le prof a parlé des trois interdits fondamentaux : le meurtre, le cannibalisme et l’inceste. Ce dernier mot en particulier fait mal. Le prof a expliqué que la notion d’inceste a évolué avec la dimension que l’on accordait à la famille. Je veux dire, la famille proche.
C’était l’effervescence dans la classe et à un moment, quelqu’un a demandé si se marier avec sa cousine existait. Le prof a répondu que oui et il s’est alors exclamé : « Ah mais c’est dégueulasse ! ». J’aurais alors peut-être dû leur expliquer à tous qu’on est consanguin dans ma famille. Après tout, ils ne pouvaient pas savoir qu’ils me faisaient du mal en dissertant sur ce sujet. J’aurais pu leur dire que non, mes parents à moi n’ont pas une relation incestueuse dans la mesure où ils ne se connaissaient pas comme chacun maintenant peut côtoyer son cousin ou sa cousine. A l’évidence, il ne me viendrait pas à l’idée d’épouser mon cousin parce que nous sommes proches (NDFab : ce phénomène d’évitement naturel de l’inceste se nomme l’effet Westermarck).
Parole de consanguin : l’inceste n’est pas nécessairement mal
J’ai toujours méprisé ceux qui rapportaient ce genre de discours vieux de millénaires et qui y croient dur comme fer : l’inceste c’est mal, ça fait des enfants débiles. Un peu court comme raisonnement, cela revient à juger sans connaître. Certes il y a plus de risques d’avoir des enfants malformés ou déficients mentaux quand les relations parentales sont consanguines. Peut-être que mes frères et moi avons eu de la chance : tant mieux. Peut-être aussi que je me suis sentie agressée pour un rien, par des propos trop généraux.
Mais tout de même, j’aurais aimé leur dire à mes amis, à mes camarades de CE1 qui m’ont demandé si j’étais gogole quand je leur ai présenté mon arbre généalogique avec des branches communes, à l’employée de mairie qui cherche toujours la petite bête avec les noms de jeune fille et d’épouse identiques de ma mère, aux gens en général qui posent trop de questions et lancent des regards suspicieux, à ceux qui parlent sans savoir et enfin à l’ex-meilleur ami de mon frère qui a déballé son secret à toute l’école comme on divulgue une affaire d’État : nous n’en souffrons pas parce que nous assumons ce qui fait notre histoire et que vraiment, parfois il faudrait sortir un peu de chez soi et de ses vieux carcans : la tolérance vis-à-vis des différences des autres et l’ouverture d’esprit, ça s’apprend.
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Les Commentaires
@Maud Kennedy : en effet je crois que là c'est la faute à pas de chance...
@Lolidgi : amuse-toi bien ! C'est fou d'avoir honte à ce point d'un truc qui nous concerne pas et qui n'a rien de grave. C'est pas comme s'ils avaient tué quelqu'un quoi.