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Société

« C’est un droit qui est fragile » : la France pourrait-elle revenir sur l’IVG ?

Après la révocation de Roe vs. Wade aux États-Unis, l’onde de choc pourrait-elle se propager jusqu’en France ? Y a-t-il un risque de voir le droit à l’avortement remis en cause ? Éléments de réponse avec Sarah Durocher du Planning familial.

À peine 24 heures après la révocation de Roe vs. Wade aux États-Unis, des députés Renaissance et Nupes affirmaient leur volonté de présenter au plus vite une proposition de loi qui conduirait à l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

Le signe que, contrairement à ce qu’affirmait LREM en 2018, puis en 2019, le droit à l’IVG n’est pas si intouchable en France ? Qu’une sanctuarisation s’impose, après l’indéniable retour en arrière qui s’est amorcé aux États-Unis suite à la décision de la Cour suprême ?

Source : elevert-barnes-flickr
Elvert Barnes via Flickr

Inscrire l’IVG dans la Constitution : un beau symbole à la portée limitée

« Il faut une catastrophe pour que le débat se réengage », constate amèrement Sarah Durocher, co-présidente nationale du Planning Familial, auprès de Madmoizelle.

Si elle reconnait que la constitutionnalisation peut « sécuriser la loi sur l’IVG », sa portée concrète laisse à désirer. « En rien sur la question de l’accès à l’avortement, ça ne changera quelque chose. » :

« Aujourd’hui  ce qu’on remarque, c’est qu’il y a un manque de moyens gigantesques pour l’accès à l’avortement. En France et tous les jours, on reçoit des femmes au Planning qui ont vécu des difficultés pour accéder à l’avortement, il y a des gens qui sont obligés de faire des kilomètres pour accéder à l’avortement, qui sont très peu informés de leurs droits.

Il y a un manque de moyens évident, un manque de personnel, un manque de structures, notamment. On parle de l’hôpital en permanence, mais les services IVG sont souvent ceux qui sont attaqués quand il y a de grosses difficultés au sein d’un hôpital. »

Le droit à l’IVG est une réalité en France, mais il n’en demeure pas moins menacé, assure Sarah Durocher : « C’est un droit qui est fragile, parce qu’il a des ennemis. »

On aurait tort, selon la co-présidente nationale du Planning Familial, de ne pas prendre au sérieux la décision de la Cour suprême et l’impact qu’elle pourrait avoir au-delà des États-Unis. Elle espère ainsi une « prise de conscience » :

« On ne doit pas sous-estimer les mouvements anti-choix : ils sont politiques, ils ont des moyens financiers, ils ont une communication, aujourd’hui, on peut se dire que c’est une victoire pour eux.

Souvenons-nous de tout ce qu’il y a eu avec la Manif pour tous, de toutes les attaques que le Planning vit chaque année, nos locaux sont dégradés dans certains départements. Il ne faut pas le sous-estimer, sachant qu’aujourd’hui il y a 89 parlementaires qui sont au Rassemblement national. »

L’arrivée en masse du RN à l’Assemblée nationale a de quoi inquiéter à bien des niveaux. Si certains députés montent au créneau pour affirmer qu’ils ne souhaitent pas revenir sur l’IVG, les propos passés d’autres remontent à la surface.

C’est le cas du député Christophe Bentz, qui en 2011, parlait de la banalisation du drame de l’avortement, allant jusqu’à le qualifier de « génocide de masse » lors d’une manifestation anti-IVG.

C’est le cas de Caroline Parmentier, élue dans le Pas-de-Calais, et qui en 2016 affichait son soutien à Marine Le Pen lorsqu’elle parlait de dérembourser l’IVG.

L’inscription dans la Constitution pourrait alors être un rempart contre une remise en question du droit à l’IVG, à défaut de la garantie d’un accès égalitaire.

Y a-t-il un risque à inscrire l’IVG dans la Constitution ?

Reste que cette démarche est loin d’être simple. Certains y voient un risque à l’instar du journaliste Jean Quatremer dans Libération, celui que « cette proposition se retourne contre ses auteurs ». D’abord, parce que cette modification de la Constitution pourrait passer par voie de référendum et que ce serait là risquer effectivement de raviver des mobilisations réactionnaires. Personne ne tient à revivre le cirque médiatique réactionnaire des débats sur le mariage pour tous pour une question réglée en 1974 avec la loi Veil.

L’autre possibilité est de faire réviser la Constitution via le Parlement réuni en Congrès et là encore, rien n’est joué :

« Il faudrait non seulement que le projet soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais qu’il soit adopté par les trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès. »

Beaucoup de conditions et par conséquent une issue incertaine, alors même que dans la société française, le droit à l’IVG ne rencontre quasiment plus aucune opposition (en 2021, 93% des Françaises et des Français se disaient attachés au droit à l’avortement selon un sondage Kantar pour la Fondation des femmes).

« En cas d’échec, pour une raison ou pour une autre, le droit à l’avortement serait fragilisé, l’inverse de l’effet recherché, puisque l’IVG ne serait alors clairement pas un droit fondamental » estime Jean Quatremer.

D’autant que comme le rappelle Sarah Durocher, il aura fallu « vingt ans pour augmenter de deux semaines le délai d’IVG » passé de 12 à 14 semaines en février 2022. Une avancée toute récente, qu’Emmanuel Macron désapprouvait.

Face à une possible « onde de choc » réactionnaire, elle appelle donc à la plus grande vigilance.

À lire aussi : « Les femmes qui avortent ne prennent pas de contraception » et autres idées fausses sur l’IVG débunkées

Crédit photo : Gayatri Malhotra via Unsplash


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Les Commentaires

3
Avatar de Liili
1 juillet 2022 à 15h07
Liili

Les anti-avortements en Europe sont revigorés par ce qui s'est passé aux Etats-Unis (où, ne l'oublions pas, une minorité a imposé à la majorité ses vues) et vont s'en inspirer pour insuffler une nouvelle vie à leur mouvement, avec l'aide de groupes anti-avortements américains.
Ce qui se passe aux USA peut aussi finir par arriver en Europe.
4
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