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Culture

Bollywood Superstars : une exposition passionnante sur l’histoire du cinéma indien  

Si je vous dis Bollywood, vous pensez à des films kitsch, saturés de fleurs et de couleur, où tout le monde chante et danse pendant trois heures et demi ? Avec l’exposition “Bollywood Superstars”, lancée le 26 septembre, le musée du Quai Branly retrace l’histoire du cinéma indien, pour mieux comprendre les codes du plus gros producteur au monde. 

La scénographie de l’exposition, très réussie, débute par les origines du cinéma indien, intrinsèquement lié à la religion hindouiste. Avant l’invention du cinématographe, en 1896, des spectacles itinérants rejouent les histoires des dieux indiens, qui prennent parfois plusieurs jours à être racontées ! On découvre le théâtre d’ombre, les projections de lanterne magique (dont une reconstitution à tester sur place, réalisée par Gitanjali Rao) ou encore les peintures sur rouleau. Tous ces arts narratifs, liés au milieu forain, ont largement inspiré les premiers films indiens. 

Les genres mythologique et historique s’imposent rapidement dans l’industrie naissante. L’hindouisme, religion polythéiste et l’une des plus vieilles au monde, se révèle une source d’inspiration inépuisable dans une société très attachée à ses traditions et croyances. Parmi les histoires de divinités les plus racontées, l’exposition nous conte celle du dieu Vishnou, dont les avatars Krishna et Rama sont chargés de combattre les démons pour remettre le monde en ordre. Les amateur·ice·s de mythologies seront comblés. En 1913, Dadasaheb Phalke réalise le premier film indien, “Raja Harishchandra”, qui retrace le règne du roi Harishchandra et son rapport aux dieux. Les années 1920 à 1940 sont celles de la suprématie des studios bollywoodiens, tandis que le cinéma parlant fait son arrivée en 1931 avec le film “’Alam Ara” d’Ardeshir Irani.

Krishna victorious enhanced - Art Gitanjali Rao
Krishna victorious enhanced – Art Gitanjali Rao

Un outil d’émancipation face à la colonisation

Dans un pays colonisé par l’Angleterre pendant près de deux siècles, divisé par régions, langues et religions, le cinéma indien devient un puissant outil d’unification du peuple. Après son indépendance, en 1947, la nation naissante a besoin de se rappeler son histoire commune, pour se réapproprier son identité. Les films historiques connaissent un grand succès, en particulier ceux qui retracent les grandes heures du prospère Empire moghol. 

Mughal-E Azam Kamuddin Asif 1960
Mughal-E Azam Kamuddin Asif 1960

Les années 50 et 60 constituent un âge d’or du cinéma hindi, porté par des cinéastes comme Mehboob Khan, Raj Kapoor ou Guru Dutt. Primé en 1956 au Festival de Cannes pour “La Complainte du sentier”, Satyajit Ray donne ses lettres de noblesse au cinéma d’auteur indien. La production s’industrialise dans les années 70, par régions. On parle alors de Bollywood (contraction de “Bombay” et “Hollywood”, se joue en langue hindi), mais aussi de Tollywood (langue télougou) ou Kollywood (langue tamoul). Les très populaires films “masala” (“mélange d’épices”) mixent les genres (drame, action, comédie, romance…) et contiennent des scènes de clips où le cast chante et danse au milieu de l’histoire. 

Chaque décennie contient son lot de films bollywoodiens appelés à devenir des classiques. En 2001, le film historique Lagaan d’Ashutosh Gowariker, raconte le combat de villageois dans le centre de l’Inde contre le colon anglais. Pour éviter de payer un impôt sur les céréales qui les affame, ils participent à un match de cricket et battent les Anglais à leur propre sport. C’est l’un des plus grands succès de l’histoire de Bollywood. 

On en apprend aussi davantage sur les danses bollywoodiennes, la façon dont les chorégraphies, le placement des pieds et les mouvements des mains, racontent une histoire spécifique et dévoilent les sentiments des personnages. Ces danses ont évolué au fil des décennies et connaissent de nos jours un grand succès sur les réseaux sociaux. Pédagogique mais pas saturée d’informations, l’exposition propose un parcours de plus de 200 œuvres différentes : peintures, figures d’ombre, décors, costumes, somptueux bijoux de nez, poignards factices incrusté de pierre précieuses, photographies et bien sûr des extraits de films, dont le point culminant est une projection en format panorama des moments iconiques de chaque décennie, des années 70 à 2010. 

La place des femmes à Bollywood  

La dernière partie s’attarde sur les grands noms du Bollywood moderne et évoque la dévotion des fans. A l’opposé des coutumes européennes, l’expérience cinématographique en Inde se vit en famille, entre ami·es, en chantant, en dansant et en criant devant le film ! Shashi Kapoor, Amitabh Bachchan, Silk Smitha, Rishi Kapoor, Sridevi, Rajinikanth, Kamal Haasan, Rekha ou Madhuri Dixit sont autant de superstars indiennes adulées tels des demi-dieux et déesses. 

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En revanche, l’exposition n’entame aucune réflexion sur le genre et la race. Seules quelques bios d’actrices informent sur la place des femmes à Bollywood. Les actrices, souvent d’anciennes miss comme Aishwarya Rai ou Zeenat Aman (qui a bousculé les codes de la féminité traditionnelle dans les années 70) luttent toujours contre la persistance de stéréotypes féminins datés. Les mentalités évoluent lentement dans cette société conservatrice. Pourtant, Me Too est aussi arrivé en Inde, comme en a témoigné l’actrice Kalki Koechlin. Et les femmes réalisatrices ont investi Bollywood. Pour en savoir plus, il faudra aller chercher d’autres ressources, comme le documentaire “Les femmes, au-delà de Bollywood” (2022), réalisé par Rahila Bootwala. 

Sur le fond aussi, on aurait aimé une vraie réflexion de la part de critiques ciné indiennes. Ces films apparaissent très genrés et mettent en même temps sur le devant de la scène des personnages féminins puissants. Ils contiennent probablement une part d’empouvoirement. Aucun mot non plus sur le racisme en Inde, et le fait que la majorité des superstars indiennes aient la peau claire. Ce colorisme existe aussi à Hollywood mais dans ce pays de castes au passé colonial, il subsiste sous une forme différente, qui mérite d’être explorée. L’exposition possède donc ses limites mais reste une très belle introduction au cinéma bollywoodien. 


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Les Commentaires

1
Avatar de J_Serpentine
8 novembre 2023 à 10h11
J_Serpentine
J'y suis allée parce que j'adore le sujet et j'en suis ressortie très mitigée.
D'un côté, la scénographie est top, l'expo pas trop longue et agréable à parcourir, avec pleins de supports différents. De l'autre... Ça fonce droit dans les clichés tout de même ! Les extraits choisis tournent tous autour de danses, chants et d'amour, ce qui est la vision 100% occidentale de ce ciné-là alors qu'il y a largement plus (de l'horreur, du thriller, du western... Même l'extrait de Sholay, pur film d'action, est une scène de romance).
Et la frontière Bollywood/cinéma indien est très floue car il y a beaucoup d'oeuvres qui ne relèvent pas du cinéma hindi (bollywood), mélangées sans avertissement dans l'ensemble (des films tamouls, marathi, bengali...).
Ça fait plaisir d'avoir une expo sur une industrie du cinéma largement boudée par le public français mais elle est pleine de défauts : pourquoi s'arrêter à 2010 alors que la dernière décennie est un tournant très important (films féministes, films anti-gouvernement, films de propagande) ? Comme dit dans l'article, où sont les femmes (des nouvelles productrices/réalisatrices à la figure de l'héroïne qui a beaucoup fluctué sur 100 ans) ? Où est la politique (ultra présente depuis les débuts de ce cinéma) ? Où est Fearless Nadia, LA grande icône des années 20-30 ?
Bref, je pourrais en parler longtemps
Y a un épisode de podcast qui en parle plus en détails, s'il y a des curieux.ses.
J'espère tout de même que ça aura séduit quelques visiteurs et que les gens essaieront d'ouvrir leurs horizons sur ce ciné-là ray:
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