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Société

Qui est derrière @tubandes, « le @tasjoui au masculin » ?

Sur @tubandes sont démontés des mythes à propos de la masculinité, de la sexualité des hommes et des caractères « virils ». Rencontre avec son créateur, farouchement opposé aux critères de genre rigides.

Un jour, une notification écarlate dans le coin de mon application Instagram :

@tubandes a commencé à vous suivre.

Ça aurait pu être un truc de cul chelou, mais pas du tout. @tubandes vise à déconstruire les idées reçues autour de la masculinité, notamment au niveau des rôles sexuels !

@tubandes, « le @tasjoui au masculin »

@tubandes, c’est un mélange d’illustrations assorties de légendes riches en informations…

…et de témoignages concernant la sexualité et le poids des normes genrées.

En cela, le compte ressemble à une version masculine de @tasjoui, l’initiative de Dora Moutot qui lève le voile sur ce que vivent beaucoup trop de femmes dans leurs relations sexuelles avec des hommes.

Ce n’est pas un hasard, comme me le confie Guillaume, 25 ans, le créateur de @tubandes :

« Une amie m’a montré le compte de Dora Moutot en me disant :

— Elle se pose plein de questions, elle me fait trop penser à toi !

En voyant @tasjoui, je me suis dit que je n’avais pas envie d’être la voix, de suivre la voie de tous ces hommes décrits dans les témoignages.

J’étais énervé contre eux. J’avais envie de crier qu’on n’est pas tous les mêmes.

Alors je me suis inspiré de @tasjoui, de la forme de ce compte, en me disant que c’était le moment ou jamais. »

Qui est Guillaume, le créateur de @tubandes ?

J’ai voulu en savoir plus sur Guillaume, sur ce qui l’a motivé à lancer cette initiative, et sur sa vie d’homme à lui.

Vous le savez peut-être, je tiens depuis un an le podcast The Boys Club, qui vise à mettre en lumière la diversité des masculinités. @tubandes s’inscrit parfaitement dans cette démarche !

Guillaume est un jeune homme de 25 ans, qui a longtemps suivi le chemin balisé par ses parents : faire médecine, faire du rugby, être un homme, un vrai (on y reviendra).

Puis il a pris sa vie en main, arrêté de vivre pour les autres. Il s’est consacré à sa vraie passion, celle qui le fait vibrer, en s’inscrivant dans une école de théâtre.

Vous allez le voir, son parcours l’a mené à questionner très tôt ce que veut dire « être un homme ».

Guillaume de @tubandes, un homme pas tout à fait comme les autres

Le jeune homme me dépeint l’enfant atypique qu’il était :

« Enfant, pour mes parents, je me démarquais de mes frères et sœurs. J’étais différent.

J’étais zèbre.

Qui dit zèbre dit surdoué, ce qui ne signifie pas être plus intelligent que les autres mais fonctionner avec un mode de pensée, une structure de raisonnement différents.

Si je devais me décrire, je dirais que je suis quelqu’un qui se pose 30 000 questions dans la journée ! La communauté de @tubandes me fait réfléchir, j’adore ce compte.

Je me pose des questions sur absolument tout, et je déteste les injustices. Ça me rend malade. »

Pour Guillaume, être zèbre, ça veut aussi dire être sensible. Plus que la moyenne. Plus que ce que devrait l’être un garçon, surtout… car chez les hommes, la sensibilité n’est pas souvent encouragée.

Enfant, déjà, il sentait se creuser un fossé entre ce qu’il était, et ce que le monde semblait lui ordonner de devenir.

La masculinité créée par un père machiste

Guillaume n’a pas peur de le dire : chez son père, aujourd’hui décédé, « le sexisme et le machisme étaient une norme ». Et ce fut rapidement source de conflits.

Le père poussait ses fils vers les aventures sexuelles, tout en surprotégeant ses filles. Paradoxalement, la sexualité était un sujet tabou.

« Nous n’avons jamais eu une seule conversation concernant le sexe ou les moyens contraceptifs.

Une grosse gêne régnait également lors des scènes de sexe à la télévision, que mon père zappait systématiquement, en particulier en présence de mes sœurs. »

Le père de Guillaume a essayé de le changer, de l’endurcir, mais pas pour les bonnes raisons.

« Avec ma précocité, il a toujours voulu me rendre fort. Car ma sensibilité lui faisait peur : pour lui, « sensibilité » signifiait forcément « homosexualité », ce qui l’effrayait. »

Devenir « un homme, un vrai », contre vents et marées

Guillaume s’est construit en fonction des codes de masculinité que la société lui envoyait.

Il m’explique

être devenu un « mâle alpha » : adepte du rugby, musclé, charismatique, leader, en filière scientifique. L’homme que son père voulait qu’il soit.

Mais ça n’a rien résolu à ce niveau-là.

« J’incarnais la figure du mâle que mon père avait voulu faire de moi, mais notre relation ne faisait que s’aggraver et ne s’améliorait pas pour autant.

Je ne l’aimais pas et pour moi, il n’était pas mon père : je n’avais aucun lien affectif avec lui.

Au cours de ma première année de médecine, j’ai perdu mon père. Cette perte a été difficile car je ne souffrais pas et je ne me comprenais pas.

Je m’en voulais de ne pas être triste. Je lui en voulais de quelque chose que je n’arrivais pas à identifier. J’avais l’impression de ne pas le connaître, je n’étais pas sûr de l’avoir aimé… ça me rongeait. »

C’est quelques années plus tard que Guillaume a tout plaqué pour se consacrer au théâtre et mener une vie qui lui ressemblait.

Découvrir sa sensibilité d’homme

Sur les planches, Guillaume s’est découvert. Il me cite une phrase de son enseignante, qui résonne toujours en lui :

« Tu ne te connais pas. Tu es beaucoup plus sensible que tu ne le crois. »

Après ce déclic, les choses ont changé. Le jeune homme s’est éloigné des rôles de gros durs, pour approcher des personnages plus fragiles.

Ce faisant, il a découvert sa propre sensibilité. Jusqu’alors, il « fabriquait » des émotions ; il a dû apprendre à les ressentir pleinement pour les retranscrire dans son jeu.

« Aujourd’hui j’ai une préférence pour les rôles dans lesquels je peux mettre de mes tripes, de ma personne. Et qui dit ma personne, dit moi : un homme sensible.

Je m’assume et je sais qui je suis, je n’ai pas peur de pleurer, de dire à une femme que je l’aime même si c’est pas réciproque. Je n’ai pas peur de montrer mes faiblesses et mes craintes, ni de pleurer. »

@tubandes sur Instagram, pour repenser la masculinité

Guillaume me tient le discours suivant :

« La masculinité nous ronge tous et nous n’en sommes malheureusement pas conscients.

J’ai donc créé ce compte pour délivrer les hommes des stéréotypes, des préjugés et du sexisme et de la pression qui nous emprisonne. Parce que la vision de la masculinité est fausse. »

Sur @tubandes se trouvent donc de nombreux témoignages visant à interroger le carcan très rigide de la masculinité.

Qui lit @tubandes, « le @tasjoui au masculin » ?

J’ai voulu savoir quel type de réactions recueillait @tubandes, qui cumule à l’heure où je tape ces mots plus de 14 000 followers.

Le succès est au rendez-vous !

« Je pense que depuis le début j’ai facilement dû avoir plus de 2000 messages privés !

Beaucoup de femmes qui me disent que je leur ai ouvert les yeux sur les hommes. Beaucoup d’hommes qui sont soulagés de parler de tout ça. »

@tubandes, une initiative féministe ?

Guillaume m’explique avoir rencontré une certaine méfiance.

« Au début, quelques abonnées voyaient @tubandes comme un moyen de faire culpabiliser la femme.

Elles me voyaient comme un masculiniste qui voulait éclater le mouvement féministe. Elles disaient aussi que ce n’était pas le moment pour parler de l’homme, qu’il a déjà trop de place dans la société.

Mais un mois après, elles me remerciaient pour @tubandes et adhéraient à la démarche, qui vise à montrer que le patriarcat fait du mal à tout le monde. »

Alors, @tubandes, est-ce une initiative féministe ? En tout cas, son créateur l’est !

« Pour le moment je me définis comme féministe, et les militantes du mouvement que je connais me définissent comme ça ! Je ne m’accorde pas la légitimité de pouvoir contester si elles en décidaient autrement.

Le plus important c’est de garder sa place en tant qu’homme dans ce mouvement. Moi, je me sens concerné par le féminisme. »

Je me permets d’informer Guillaume que personnellement, en tant que femme féministe, j’estime que ce n’est pas à moi d’accorder aux autres le droit de se considérer comme tel, peu importe le genre de la personne !

Après tout, si Eugénie Bastié peut se dire féministe, je ne vois pas pourquoi les hommes devraient demander la permission…

J’espère que @tubandes aura un bel avenir. Voir se multiplier des projets pour réfléchir aux diverses masculinités me ravit !

Merci à Guillaume d’avoir répondu à mes nombreuses questions. C’est à votre tour maintenant ! Que vous inspire @tubandes ? Ces témoignages font-ils écho en vous ?

À lire aussi : Les hommes vulnérables de Blossom Boys, le projet photo sur les masculinités


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Les Commentaires

21
Avatar de LittleCerys
10 octobre 2018 à 14h10
LittleCerys
@Witch'Daughter Aucun soucis, je n'aurais moi-même pas pu écrire une réponse aussi construite si je ne l'avais pas déjà fait il y a quelques temps, donc je comprends sans problème !
1
Voir les 21 commentaires

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