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Moi, moi et moi

J’ai testé pour vous… être intellectuellement précoce

Être intellectuellement précoce, ou « surdoué », ce n’est pas toujours très facile. Voici le témoignage d’une madmoiZelle au Q.I. plutôt élevé.

Tout commence à l’école primaire, les maîtresses comblent d’éloge mes parents : je comprends vite, je suis très mature pour mon âge, j’utilise un vocabulaire très riche, dès qu’un de mes camarades subit une injustice j’accours en grande justicière, j’ai des raisonnements d’une logique imparable, je suis curieuse de tout et peux passer la récréation à dévorer un livre au lieu d’aller jouer avec les autres, j’apprends à compter plus tôt, j’apprends à lire très vite, je pose des questions sur tout et cherche à trouver les réponses par moi-même en faisant des expériences ou des recherches à la bibliothèque. Bref, je suis ce que l’on peut appeler une intello. Sauf qu’à côté de ça je m’ennuie. Je peste chaque année sur les 70% de révisions pour 30% d’apprentissage. Le reste ? « Tu verras plus tard« . Du coup je chahute, je fais le pitre au fond de la classe. Je suis insolente et je joue sur les mots pour avoir toujours raison. La maîtresse peut bien me punir, je finis toujours mes contrôles deux fois plus vite que les autres et ressors avec la meilleure note ; de toute façon, le meneur de la classe, c’est moi.

En CE2, au lieu de me mettre dans la même classe que mes copains, la maîtresse de CM1 prend une poignée d’entre nous et nous place en double-niveau. CE2-CM1, je ne comprend pas. Pour qui se prend-elle ? Je ne lui ai rien demandé. Oui, ses cours sont passionnants et vont enfin à un rythme adapté mais je perds mes amis. Ils ne vivent pas dans le même monde que moi, enfin que nous. La maîtresse écrit un jour une lettre à la mère de mon meilleur ami, lui proposant qu’il passe un test de QI, il a besoin de sauter une classe. Résultat : il a 145, c’est un enfant précoce, elle s’en doutait. La mère de ma meilleure amie, une femme très fière, fait également passer le test à sa fille : 120, c’est une enfant douée ! Du coup, pour jouer, moi aussi je me fais tester. Et là, le diagnostic tombe : 150, enfant intellectuellement précoce, dite « surdouée ». Et je découvrirai par la suite qu’être « plus intelligent », ce n’est pas un cadeau.

Le collège : mathématiques, solitude et prises de bec

Au collège, les choses changent. En mathématiques, où j’ai toujours eu 20 de moyenne, je ne comprends plus tous les chapitres. Ils sont pourtant simples, et c’est ça qui me pose problème. Pourquoi chercher à démontrer que A est A ? Mes si merveilleuses capacités de logicienne semblent se retourner contre moi. Je manque de rigueur. Mes raisonnements sont incomplets. D’après ma prof, j’ai de bonnes idées mais je vais trop vite ; d’après moi, les cours sont trop lents. Du coup je n’écoute plus, je découvre les chapitres la veille du contrôle. J’ai compris que faire mes devoirs était inutile, ce qui compte ce n’est pas d’être la meilleure mais d’avoir la moyenne. Je provoque les enseignants en avouant haut et fort que je n’ai pas besoin d’eux. Ils me collent. Ça ne change rien. Des élèves moins vifs d’esprit apprennent tout par coeur : je trouve ça stupide, pourtant ils ont de meilleurs résultats que moi. Je trouve ça injuste et stupide. Je n’aime plus l’école. On hésite à me mettre en école spécialisée, mais il y en a peu et elles coûtent cher.

Je n’ai pas beaucoup d’amis et le peu que j’ai ont toujours 2 ou 3 ans de plus que moi. Je passe de groupe en groupe sans m’intégrer. Je sens que je ne suis pas comme eux. Les gens m’apprécient, bien qu’ils me trouvent étranges. J’ai l’impression d’être un zèbre dans un troupeau de chevaux : de loin nous sommes tous identiques, mais en regardant de plus près je ne leur ressemble pas

. Du coup je deviens une rebelle. J’enchaîne les bêtises pour leur montrer que je suis comme eux. J’ai 12 ans, mes parents se fâchent. Je ne comprends pas ce qu’ils me reprochent. Je n’ai pas conscience de mes actes. Leurs cris, qu’avant je comprenais parfaitement, sont aujourd’hui des agressions infondées. Cependant ils ne voient pas ma réelle incompréhension. Lorsque j’agis ainsi, je n’ai plus douze ans, mais huit. Je passe mon temps dans les musées. Je peux pleurer devant un tableau. Je pleure également dès que l’on essaye de m’aider. On me qualifie d’hypersensible.

Le lycée : je suis un alien

Arrivée au lycée, je suis totalement seule. Je ne cherche même plus à m’intégrer. Tout ce que je veux c’est avoir mon bac et partir rejoindre un ami rencontré sur Internet qui vit en Amérique du Sud. Je me passionne pour ce continent. Mais comme toutes mes passions, après en avoir fait le tour, je m’en lasse très vite. Je discute énormément avec mes professeurs, je les ai même ajoutés sur Facebook. À côté de ça, mes camarades de classe me considèrent comme une gamine immature. Je ne sors pas. Je ne bois pas. Je n’ai toujours pas eu de petit ami. Je suis une extra-terrestre. Je ne comprends pas comment des gens qui ne s’aiment pas peuvent s’amuser ensemble. Je fais peur à mes amis en les aimant trop. Je me replie sur moi-même. Je ne travaille toujours pas, cependant j’angoisse. Vais-je réussir ma vie ? Suis-je une inadaptée ? Pourquoi les gens utilisent-ils le mot « surdoué » comme compliment et se plaisent à se décrire comme tel alors que moi, je le suis, mais je souffre tant de l’être ? Pourquoi ne suis-je pas comme tout le monde ?

Les études supérieures : un caméléon parmi les extra-terrestres

Aujourd’hui, je suis étudiante et j’ai appris à passer du zèbre au caméléon. Oui, mon cerveau ne fonctionne pas de la même façon que les autres (ils ne fonctionne pas mieux ou plus vite, mais réellement différemment). Mais 2,3% de la population a un QI supérieur à 130 : je ne suis donc pas toute seule. J’ai donc également appris à reconnaître mes semblables, ceux que j’aime appeler les « extra-terrestres ». Ils ne savent pas tous qu’ils sont précoces. Ils s’en sortent plus ou moins bien. Le principal souci c’est toujours le fait que les gens ne comprennent pas notre comportement : on passe en un éclair du « moi-très mature », qui a un argumentaire solide et pertinent, au « moi-bébé » qui rit de calembours stupides et a un comportement enfantin.

Par ce témoignage je voulais surtout vous informer qu’être surdouée ce n’est pas être un génie, être une encyclopédie, avoir un avenir tout tracé, ou venir d’un milieu aisé. C’est un réel handicap psychiatrique qui réussit très bien à certains et pas du tout à d’autres. J’aimerais qu’après cette lecture vous regardiez autour de vous et compreniez que nous sommes comme vous, bien que nous soyons différents. Et à mes ami(e)s EIP (ou AIP) sachez que vous n’êtes pas seul(e)s.

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Les Commentaires

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Avatar de Mieljeanne
20 avril 2016 à 23h04
Mieljeanne
J'ai lu environ 10 pages des commentaires et expériences de chacun. Certaines m'ont beaucoup touchée, d'autre énervée.
Et même si à force ça va paraitre répétitif ou égocentrique, j'aimerais aussi parler de mon vécu.

Début de maternelle normal, même si je n'en ai pas beaucoup de souvenirs. Au milieu de ma grande section, ma famille a déménagé. J'ai dû changer d'école en plein milieu de l'année. Arrivée dans ma nouvelle classe, je ne me suis pas très bien intégrée. Les élèves faisaient un projet sur le moyen âge depuis le début de l'année et je les ai (peut-être trop) vite rattrapés en quelques semaines. J'en savais plus qu'eux, ou du moins apprenais beaucoup plus vite. Ils m'ont harcelée, sûrement plus par incompréhension que par méchanceté. Je n'ai donc pas eu vraiment d'amis en fin de maternelle. Quelques mois avant les vacances d'été, la directrice de l'école à demandé à ma mère si on pouvait me faire passer un test pour savoir si j'étais hp (haut potentiel). Je ne me rappelle de rien de ce test, à part du fait que la dame qui me l'a fait passer, brune avec les cheveux court, était désagréable. J'avais l'impression qu'elle essayait de me piéger, de prouver que j'étais nulle. Mais finalement j'ai été diagnostiquée haut potentiel. Ma maman a pleuré parce qu'elle l'est aussi et elle en avait souffert pendant toute son enfance.
J'ai sauté le cp pour arriver directement en ce1. Je me suis fait des amis, c'était chouette. J'ai passé mon ce1 et mon ce2 en étant dans les premières de classe, tout en n'étudiant pas et en jouant avec mes amis. Les injustices me révoltaient, j'aimais énormément inventer des histoires et j'avais beaucoup de vocabulaire (mais tout cela comme beaucoup d'enfants de mon âge). J'ai déménagé vers la Belgique entre mon ce2 et mon cm1. Nouveau pays, mais pas trop de mal à me faire des amis. Parfois les élèves me demandaient pourquoi j'avais un an de moins, je leur disais que j'avais sauté le cp. Quand ils voulaient savoir pourquoi j'avais sauté une classe, je leur disais que c'était parce que j'avais appris à lire plus tôt. En réalité, je ne savais pas trop pourquoi. Je ne me sentais pas différente des autres. En tous cas, pas à cause de mon âge ou de mon haut potentiel.
Pendant toute la fin de mes primaires, j'ai continué à avoir de très bonnes notes sans faire aucun effort. Je parlais un peu avec mes profs, j'ai même une fois envoyé une lettre à ma prof de 6ème pour lui expliquer que j'étais triste qu'elle ait jeté mes dessins à la poubelle. Je me faisais facilement des amis, j'étais tout le temps souriante et de bonne humeur.
Puis je suis arrivée en humanité (c'est comme ça qu'on appelle le collège + lycée en Belgique).
D'abord sur le plan social et psychologique. J'ai gardé quelques amies de primaire, et tout a continué à bien aller. Malgré quelques désagrément, bien sûr, comme le fait que tout le monde préfère parler de boys band et de films de vampires (puis plus tard de verni à ongles, de marques de vêtements et de chansons à la mode) au lieu de jouer ensemble comme nous le faisions en primaire. Mais je me suis malgré tout adaptée. J'ai joué le rôle de la fille intégrée.
Mais c'est plutôt plutôt sur le plan physique que j'ai souffert. À 11 ans, les plus âgés de l'école (dans les 18 ans) se moquaient de ma petite taille. Et pendant environ trois ans je pleurais régulièrement rentrant de l'école parce que je pensais que je n'allais jamais grandir. Évidemment, j'avais un an de moins, alors ma croissance et ma puberté étaient un an en retard par rapport à tous mes camarades. Je me sentais une gamine par rapport à toutes ces filles qui avaient déjà des hanches et des seins.
Et puis de plus en plus, je sentait qu'elles devenaient plus matures que moi. J'en savais parfois plus que beaucoup d'entre elles en terme de connaissances et de culture générale. Mais dans mon comportement et dans mon corps, j'étais encore une petite fille.
Ma mère m'a expliqué que c'était souvent le problème des hp pendant toute l'enfance et l'adolescence : le corps ne suit pas le cerveau. Les cerveau est déjà presque adulte, et a des idées bien précises, mais les mains et le corps tout entier n'ont pas encore une motricité fine suffisante pour les exécuter.
J'étais vraiment en contradiction avec les autres. À certains moments, je me sentais beaucoup matures qu'eux, mais à d'autres moments je me sentais nulle et petite par rapport à eux, qui avaient déjà des intérêts "de grands".
Vers la fin de mes humanités, j'avais enfin un corps de grande et on percevait moins la différence entre les autres et moi. Quand les gens apprenaient que j'avais un an de moins qu'eux, cela les surprenait et ils voulaient savoir pourquoi. Je répétais ce que j'avais toujours dit : Parce-que j'ai appris à lire plus tôt. Certains étaient désagréables quand je leur disaient ça, et affirmaient qu'eux aussi avaient appris à lire plus tôt, et qu'eux aussi auraient pu sauter une classe. Comme si j'avais passé un concours pour avoir "la chance" de passer mon adolescence au milieu de personnes plus âgées que moi. La plupart du temps, je ne répondais pas.
Maintenant, je suis en rhéto (la terminale belge) et presque tout le monde sait que j'ai un an de moins. J'ai 16 ans et certains en ont presque 20. Mais ça ne me dérange pas plus que ça. On s'entend tous bien, l'âge n'a pas vraiment d'importance.

Sur le plan scolaire, j'ai eu un peu plus de difficultés. Début d'humanité, aucun problème, je ne travaillais toujours pas à la maison, ou très peu. Puis les cours sont petit à petit devenus de plus en plus compliqués, de plus en plus abstraits. Je les comprenais mais je n'avais pas envie d'étudier à la maison. Ou plutôt, je n'avais jamais vraiment appris à étudier, à faire des efforts pour quelque chose de scolaire. J'ai mis quelques années à m'adapter et à comprendre que mon petit quart d'heure de devoirs quotidien ne pouvait plus suffire pour avoir des notes avoisinant les 20/20.
Maintenant, ça va de mieux en mieux. J'ai pris une option difficile sur les conseils de ma mère pour m'entrainer à étudier et à surmonter des difficultés. Je trouve toujours idiot d'étudier des choses par Coeur, et la plupart du temps je ne le fais pas. J'exige toujours de comprendre le but d'un exercice avant de le faire, sinon cela me met de mauvaise humeur. J'aime toujours jouer sur les mots. J'aime analyser les relations humaines. J'ai appris 46 décimales du nombre pi juste pour rire. J'ai des souvenirs très précis de beaucoup de moments de ma vie, ce qui impressionne souvent ma famille. J'adore lire et, comme beaucoup de personnes en témoignent sur ce forum, je papillonne d'une passion à l'autre. Quand une matière m'intéresse, je prend beaucoup de plaisir à l'étudier et à en faire des synthèses précises, ou même à chercher des compléments sur le sujet sur internet. Mais si une matière ne m'intéresse pas ou m'ennuie, cela se voit tout de suite dans mes notes. La plupart des fautes que je fais en interro sont dues au manque d'étude ou à l'inattention (je vais trop vite et zappe des détails de consignes, ou même de les lis pas de tout). J'ai aussi une hypersensibilité qui fait que je me vexe très vite et n'ai pas trop confiance en moi, et un besoin vital de me faire accepter des autres (pour cela je m'adapte et me coule le plus possible dans le moule que les autres ont construit). Ça, ce sont les points négatifs de hypersensibilité. Mais il en découle aussi une grande empathie, il est très facile de se mettre à la place de quelqu'un d'autre. Si une personne est triste à coté de moi, j'aurais aussi une boule dans la gorge. Mais cela permet de nouer facilement des relations.
Mais voilà, je crois que j'ai une vie normale. Mes soeurs sont aussi hp, et ont aussi toutes les deux sauté une classe. Ma mère (qui a fait des études de psychologue) en sait beaucoup sur les hp et peut nous soutenir et nous expliquer le pourquoi du comment. Mais le haut potentiel ne fait pas tout. J'ai plus ou moins repéré les autres hp de mon année, et je ne m'entend pas spécialement bien avec tous. D'ailleurs, dans mon groupe d'amis, je pense qu'aucun ne l'est.

Nous sommes tous différents, et par rapport à d'autres témoignages, je ne suis pas tout à fait d'accord que tous les hp (ou surdoués, ou "zèbres", ou extra-terrestres) s'entendent bien entre eux et forment une sorte de secte. C'est vrai que quand je rencontre une personne me disant qu'elle est hp, ça fait plaisir de trouver quelqu'un qui a partagé certaines de nos souffrances ou qui a les mêmes interrogations. Même si on n'en parle pas trop, ça fait un peu plaisir. C'est comme rencontrer une personne de sa nationalité dans un pays étranger. On est content, on se reconnait comme semblables mais on ne devient pas spécialement meilleurs amis instantanément.
J'ai eu une amie très proche pendant 6 ans, qui était elle aussi hp, et qui avait elle aussi un an d'avance. Mais elle réagissait différemment de moi aux "désagréments" du haut potentiel. Elle faisait sa rebelle, provoquait les profs, surjouait ses émotions, s'hyperfeminisait pour rester au niveau des autres. Souvent elle m'énervait. Pourtant elle était hp comme moi. Mais chacun réagit différemment aux événements. Ce n'est pas parce que deux personnes zozotent qu'elles vont obligatoirement devenir big potes.
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