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Comment reconnaître (et échapper à) un pervers narcissique ?

Pervers narcissique : le nom d’une psychopathologie dont on entend beaucoup parler, mais qu’on ne connaît pas forcément très bien. Émilie Laystary vous explique.

— Publié le 19 mars 2013

madmoiZelle a publié le témoignage d’une lectrice victime de maltraitance psychologique. À la suite de cet article, nombreuses ont été les réactions évoquant des expériences personnelles relevant de perversion narcissique. L’occasion pour nous de revenir sur un phénomène de manipulation mentale pernicieux et destructeur.

Dans le jargon psy, on dit « PN » par raccourci. Le pervers narcissique est un individu souffrant d’une psychopathologie complexe le conduisant à prendre du plaisir à dévaloriser l’autre pour se revaloriser lui-même.

Ce mécanisme s’explique par deux tendances : le trouble narcissique (le pervers narcissique ressent un besoin irrépressible d’être admiré et se trouve sujet à une quête excessive de reconnaissance) et la perversion (il développe une capacité à vouloir satisfaire ses désirs systématiquement aux dépens des autres).

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Catherine Tramell dans Basic Instinct

Ces dernières années, la perversion narcissique a joui d’un nouvel écho — jusqu’à être désigné comme « le nouveau mal du siècle » par Le Nouvel Observateur et devenir le sujet d’un nombre croissants d’articles.

La position de madmoiZelle est néanmoins à clarifier : nous souhaitons informer notre lectorat de ce phénomène parce que nous pensons qu’il est toujours nécessaire de savoir poser les mots sur les maux, mais nous vous invitons également à faire preuve de discernement dans votre quotidien en ne criant pas trop vite au loup.

En effet, une des dérives de la soudaine médiatisation de cette maladie se situe dans la tentation du public à « voir des pervers narcissiques partout ».

Or, une personne plutôt égoïste ou une autre un peu caractérielle, avec qui vous pourriez être en situation de conflit, n’est pas nécessairement atteinte de perversion narcissique.

Pour mieux saisir l’ampleur de ce phénomène psychologique, il est important de ne pas minimiser la maladie en la croyant être là où elle n’est pas.

À lire aussi : FRED et Marie, le spot qui sensibilise à la violence psychologique

Entre stratégie de la flatterie et harcèlement moral

C’est le psychanalyste français Paul-Claude Racamier qui la théorise le premier : la perversion narcissique est « une organisation durable caractérisée par la capacité à se mettre à l’abri des conflits internes, et en particulier du deuil, en se faisant valoir au détriment d’un objet manipulé comme un ustensile ou un faire-valoir ».

Le pervers narcissique est un prédateur social.

Pour le dire plus simplement, le pervers narcissique est un prédateur social qui agit en flattant sournoisement sa proie (souvent une personne de son entourage proche) pour mieux la déstabiliser et la contrôler en la disqualifiant de façon récurrente.

L’objectif d’un tel comportement est de gagner le contrôle sur l’affection et la dépendance de l’autre.

La perversion narcissique est une notion qui s’est largement étendue à la psychologie commune. L’emprise du pervers narcissique peut avoir des conséquences dramatiques pour sa victime.

Lucille*, jeune trentenaire qui a été en couple avec un pervers narcissique pendant 6 ans, raconte :

« Les débuts de notre relation étaient formidables, Antoine* était très présent, vif, exubérant — je suis tombée amoureuse de sa personnalité. Peu à peu, j’ai compris qu’en public, son enthousiasme calculé cachait en réalité une très faible estime de soi.

Il s’est mis à souvent me dévaloriser, sans que je ne m’en aperçoive vraiment puisque arrivé à un certain stade d’affection, il faut bien dire que les critiques formulées par la personne que vous aimez vous semblent toujours légitimes.

Progressivement, il a commencé à me reprocher toutes sortes de choses, alternant vives périodes de dévalorisation et grosses phases de flatterie.

J’en étais arrivée à me dire qu’Antoine était la seule personne à me connaître totalement, puisqu’il était capable de voir le meilleur comme le pire chez moi.

Sans m’en rendre compte, j’étais devenue prisonnière de ses sautes d’humeur et j’acceptais de lui obéir au doigt et à l’œil.

Je l’ai même écouté quand il m’a demandé de ne plus voir mes amis parce qu’il ne les aimait pas (« Si tu m’aimes, tu dois être capable de ne plus voir tes amis, sinon c’est que tu es égoïste »), au point de m’isoler complètement de mes cercles de sociabilité. Je n’ai plus vu personne à part lui. »

*prénoms modifiés

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Depuis, Lucille s’est séparée de ce compagnon destructeur :

« Je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Et ça aurait pu continuer encore longtemps comme ça si un soir, il ne m’avait pas mise à la porte parce que j’avais « oublié de lui dire je t’aime » (il considérait que je devais être la première à le dire quand il rentrait du boulot, et pas l’inverse).

Ce jour-là, je suis partie chez ma meilleure amie, et j’y suis restée plusieurs jours.

C’est en habitant chez elle et son petit ami que ma situation, par opposition à la leur, m’a sauté aux yeux : ils étaient tellement bien ensemble, riaient et se sentaient complices… une relation que je n’avais plus connue depuis plusieurs années déjà.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me séparer d’Antoine. »

À lire aussi : Les premières heures post-rupture : guide de survie

Culpabilisation, dévalorisation… Le pervers narcissique est avant tout une personne malade qui reporte son problème d’image sur autrui.

Ces manipulateurs de la vie quotidienne sont malheureusement plus nombreux qu’on ne le pense, puisque le propre de leur influence est qu’on ne parvient que rarement à la déceler.

Ainsi, le pervers narcissique peut-être un proche parent, votre compagnon ou encore un ami. Comme le résume très bien SantéMédecine.net :

« Le pervers narcissique procède par différentes étapes pour mettre en œuvre la manipulation mentale : il essaie de créer un lien avec autrui, et s’attaque à « l’intégrité narcissique » de ce dernier.

Il attaque la confiance de soi et l’auto-estime d’autrui pour créer un lien de dépendance de l’autre envers lui.

La manipulation consiste à faire croire que le lien de dépendance procède de la victime, non de lui. La victime d’un pervers narcissique est traitée comme un objet. »

Comment reconnaître un pervers narcissique

41384248_pInfirmière Ratched dans Vol au-dessus d’un nid de coucou

Ainsi, le pervers narcissique ne se contente pas d’avoir les sautes d’humeur que le commun des mortels peut naturellement avoir : il distille auprès de sa victime des propos dévalorisants et reproches en tout genre.

Éternel insatisfait très tourné vers lui-même, il refuse systématiquement de se remettre en question.

Pierre, dont la mère a été diagnostiquée perverse narcissique, raconte :

« Ce n’était jamais de sa faute, toujours de la mienne. Je ne faisais jamais rien d’assez bien à son goût, et même dans les situations où elle était de toute évidence fautive, c’est à moi qu’elle s’en prenait. J’étais la cause de tous ses maux.

Quand ça n’allait pas bien avec mon père, c’est sur moi qu’elle rejetait la faute. Quand ça n’allait pas bien à son travail, c’était encore de ma faute.

J’ai réellement passé mon enfance et mon adolescence à penser que j’étais la pire chose qu’il lui soit arrivé. C’est très douloureux. »

À lire aussi : La maltraitance infantile et ses conséquences — Témoignages et éclairages

Mais quelle est la différence entre la manipulation et la perversion narcissique ? Selon Geneviève Reichert-Pagnard, psychiatre et spécialiste de la manipulation interrogée par Le Nouvel Observateur :

« Il existe différentes façons de manipuler les autres, par exemple pour séduire, dans un but constructif.

La manipulation destructrice, en revanche, vise à détruire systématiquement les autres, notamment en mettant à mal leurs points de repères, leurs convictions, morales, politiques ou religieuses, pour mieux les fragiliser et asseoir l’emprise.

Cela relève d’un comportement pathologique. Les manipulateurs destructeurs sèment des « cadavres psychologiques » derrière eux, tout au long de leur vie.

Ils peuvent pousser leurs victimes au suicide. Les plus dangereux peuvent même aller jusqu’au meurtre physique, y compris de toute une famille. »

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Pourquoi le pervers narcissique agit-il de la sorte ? Selon la psychologue Sylviane Barthe Liberge, le PN n’a pas d’existence propre : il est comme « une coquille vide » :

« Il cherche à faire illusion pour masquer son vide intérieur. Son destin est une tentative pour éviter la mort (sa mort psychique).

C’est aussi quelqu’un qui n’a jamais été reconnu comme un être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l’illusion d’exister.

Les pervers narcissiques sont mégalomanes (ce que ne sont pas forcément les manipulateurs). Ils se posent comme juges absolus du bien et du mal, de la vérité. D’où cet air moralisateur qu’ils aiment afficher, mais aussi leur supériorité suffisante et distante.

Même s’ils ne disent rien, l’autre se sent pris en faute… »

Pourquoi devient-on pervers narcissique ?

La pathologie remonte souvent à l’enfance. Ainsi, Sylviane Barthe Liberge explique que pour être admiré par ses parents, l’enfant-pervers narcissique en devenir a dû développer des stratégies narcissiques : mentir à outrance, donner le change, faire en sorte d’être admiré…

Il ne vit que pour la reconnaissance de ses parents (qui peuvent être très durs, exigeants, voulant faire de leur enfant le premier, le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, etc., sans qu’il en ait forcément les capacités ou les possibilités) :

« En effet, souvent, le pervers narcissique est quelqu’un qui n’a jamais été reconnu dans sa personnalité propre, qui a été victime d’investissement narcissique important de la part de ses parents et qui a été obligé de se construire un jeu de personnalités (factices), pour se donner l’illusion d’exister.

Pour essayer d’avoir l’amour de ses parents, l’enfant nie ce qu’il est pour essayer de se conformer à ce qu’il pense que ses parents attendent de lui. Ce qui fait que, très tôt, c’est un enfant qui n’est pas spontané. Il devient calculateur, manipulateur, menteur, mythomane… »

Pour autant, comme nous le mentionnions en introduction, il est important de ne pas voir des pervers narcissiques partout.

Les pervers narcissiques sont dépourvus d’empathie.

La pathologie reste rare et il convient de rappeler que le narcissisme, à petite échelle et bénin, est sain en soi puisque c’est ce qui nous permet d’avancer, de s’aimer et d’aimer les autres.

Le narcissisme est donc moteur d’empathie. Empathie dont sont dépourvus les pervers narcissiques, puisque « le sentiment de l’autre » leur est totalement étranger.

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Sophie, dont l’ancienne meilleure amie est perverse narcissique, explique :

« Nous étions très proches, et pourtant, elle me vampirisait totalement. C’est un peu comme si elle avait toujours été incapable d’être heureuse pour moi.

Mes succès lui rappelaient ses échecs, et elle consacrait une énergie folle à me faire des reproches, me rabaisser, me ramener à mes défauts. Ça la rassurait.

Souvent, je me demande aujourd’hui comment j’ai fait pour rester aussi longtemps dans une relation qui me tuait de l’intérieur.

Mais avec le recul, j’ai la réponse : elle était très socialement intelligente et à chaque fois que j’étais sur le point de partir, elle savait me retenir en me mettant en valeur et en me flattant.

J’en étais arrivée à vouloir lui plaire à tout prix, la rendre fière de moi — ce qui était un cercle infini, puisque dès lors que j’avais réussi à l’impressionner, elle s’en prenait de nouveau à moi, comme pour continuellement me rappeler une chose : j’étais nulle, je n’avais aucune valeur, et surtout, je n’étais rien sans elle.

C’était très dur. De l’extérieur, les gens ne voyaient évidemment rien du tout puisqu’elle était assez maligne pour ne me rabaisser que lorsqu’on était toutes les deux. »

Personnes sans affect, comédiens-nés, infaillibles séducteurs : les PN sont de véritables dangers pour l’intégrité mentale de leurs victimes.

Selon Isabelle Nazare-Aga, auteure des Manipulateurs sont parmi nous (éditions de l’Homme, 1997), ils constituent 2 à 3% de la population, ce qui revient aussi à dire que l’on est tous amenés à en croiser dans nos vies.

Que faire face à un pervers narcissique

Si vous vous mettez en colère contre un pervers narcissique, qui plus est en société, il saura toujours habilement retourner la situation en votre défaveur, notamment en vous accusant de révéler enfin votre vrai visage. À l’inverse, laissez-le prendre de la place et il finira toujours par tenter de vous dominer.

Ainsi, le conseil le plus donné par les professionnels de la santé est clair : il faut fuir le pervers narcissique.

Isabelle Nazare-Aga, auteur du livre Les manipulateurs sont parmi nous, alerte :

« Si vous avez le sentiment de ne plus être libre, si vous parlez constamment d’une personne quand elle n’est pas là, et si en sa présence, vous n’êtes pas serein, ou que vous vous comportez comme un petit garçon ou une petite fille et plus comme un(e) adulte, vous avez probablement affaire à un manipulateur.

De même pour ces gens dont vous mettez cinq jours à vous remettre d’un simple appel de leur part. »

La première étape est donc de se rendre compte de la relation toxique. Jouer la carte de l’indifférence est une façon d’affaiblir le pouvoir de domination que le PN prétend avoir sur vous. Que le contexte soit familial, amoureux ou professionnel, il faut savoir mettre un terme à la dépendance en coupant les ponts avec le PN.

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S’ensuit alors une nécessaire phase de reconstruction, où il s’agit de reprendre confiance en soi et de regagner en estime. Sophie conclut :

« Ce n’est que lorsque j’ai décidé de ne plus jamais revoir mon ancienne meilleure amie que j’ai commencé à aller mieux. Je me suis entourée des personnes qu’il fallait, et j’ai remonté la pente.

J’ai appris à écouter mes propres envies et à ne plus me sentir dépendante d’une personne dont l’unique intérêt dans notre relation était de me manipuler.

Aujourd’hui je vais mieux. Mais on m’a dit que mon ancienne meilleure amie s’était trouvée une nouvelle acolyte. Une fille que l’on décrivait comme joyeuse et spontanée, mais qui ne vit désormais plus que dans l’ombre de mon ancien bourreau. »

Et la jeune femme de regretter son impuissance face à la situation.

« On m’a dit que si j’allais voir cette nouvelle victime, elle ne m’écouterait pas. Pire : mon ancienne meilleure amie trouverait toujours le moyen de lui dire qu’on essaye de les séparer. »

À lire aussi : J’ai été victime de maltraitance psychologique – Témoignage

En effet, les psychologues s’accordent à dire que beaucoup de personnes sont sous l’emprise d’un pervers narcissique sans s’en rendre compte.

Il n’y a malheureusement aucune solution miracle pour aider quelqu’un à s’en sortir, le pré-requis de la guérison résidant dans le constat que la volonté de rompre une relation toxique doit venir de la victime.


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Les Commentaires

49
Avatar de ChochanaRose
17 août 2017 à 10h08
ChochanaRose
Je tiens à préciser qu'il y environ 2% de la population que sont des PN et que c'est une psychopathologie à la mode et que du coup beaucoup ont l'impression que leur ex-copain/copine/ami-e en était un-e alors qu'en fait non. On oubli de dire que c'est parfois notre propre comportement qui pousse l'autre à être odieux/se avec nous. Mais il y est bien connu que ce sont toujours les autres le problème, jamais soi. Je ne dis ça pour culpabiliser quelqu'un ou autre mais pour rappeler que ce genre de personne sont rares (et c'est tant mieux !) et que cela ne sert à rien de diagnostiquer cette maladie à tout va pour essayer de justifier le comportement de l'Autre à son égard et donc par se biais de se rassurer (même si on soit, il n'y a rien de mal à ça).
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