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Comment mon emploi a failli m’achever – Témoignage

Le burn-out, c’est quoi ? C’est le fait d’arriver à un moment où le corps et l’esprit craquent. Cette madmoiZelle assistante sociale en a vécu un il y a quelques mois.

Le burn-out, avant d’en vivre un, j’en avais vaguement entendu parler. Pendant les trois années qu’aura duré ma formation afin de devenir assistante sociale, il est arrivé que les professeurs l’évoquent entre deux cours sur le respect dû aux usager-e-s, mais seulement en passant, comme si ce risque était si minime qu’il ne valait pas la peine de l’étudier attentivement. À moins que leur volonté ait été de ne pas nous décourager en nous confrontant trop tôt aux réalités du métier ?

Le burn-out, ça n’arrive qu’aux autres

J’avais alors ma propre vision du burn-out : je m’étais imaginé que pour être affecté-e par le syndrome (dit d’épuisement professionnel), il fallait – de façon logique – être âgé-e ou traîner derrière soi une longue expérience professionnelle, pénible, de surcroît. Ou détester son travail, s’y rendre quotidiennement avec les pieds de plomb, se sentir rompu par les délais intenables et une reconnaissance inexistante du travail abattu. Je croyais que pour en souffrir, il fallait remplir une série de critères. Et que ça touchait surtout les professions à risque – sans réaliser que la mienne en faisait partie, et en bonne place ! – les professions des autres, en somme.

Bref, le burn-out, ça arrivait aux autres. Pas à moi. Pas après un an et demi de boulot. Pas à mon âge.

Un métier difficile… mais que j’aimais

J’étais assistante sociale dans un service de première ligne. Ce travail est connu pour être difficile, du fait du public dont il a la charge ; mon job tenait en une foule de tâches stressantes, épuisantes et parfois dangereuses : entretiens quotidiens avec un public difficile (misère humaine et sociale, extrême pauvreté, alcoolisme, addiction aux drogues, prostitution, maltraitance conjugale, ex-taulards, SDF marginalisés

, violence verbale, menaces de violences physiques…), rencontres à domicile avec ce même public – seule chez eux, sans y avoir été préparée, servir de relais entre les différents acteurs sociaux et évidemment, un travail administratif plutôt lourd, si vous pensiez que le social pur ne suffisait pas à remplir mes journées. J’aimais ça ! Tout le temps que j’ai passé à travailler, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, ce qui tient du miracle quand on est dotée d’une personnalité très active comme la mienne. J’ai répété à qui voulait l’entendre que j’adorais mon travail, et je ne mentais pas. J’en étais même plutôt fière : je disposais d’un bon salaire, je réalisais un travail valorisant, à défaut d’être valorisé, j’avais peu de contraintes horaires et une grande autonomie au quotidien.

Je ne réalisais tout simplement pas que je confondais l’épanouissement dans un rythme effréné avec la progression d’un stress maladif, qui m’imprégnait, auquel mon corps s’était un temps habitué et qui allait finir par me ronger.

La fatigue rampante, le stress constant…

Juste après l’été, et sans raison apparente, je me suis mise à attendre le week-end avec une impatience plus forte, à prendre des petits congés tous les mois : trois jours par ci, une semaine par là. Je comptais les jours me séparant des prochaines pauses. Je ne me suis pas inquiétée une seconde : j’étais fatiguée, et alors ? Je continuais à me lever – un peu plus tard tous les matins – avec le sourire, et à me rendre au boulot le cœur léger.

C’est à cette période que je me suis mise à souffrir de migraines plus fréquentes. À ressentir physiquement les effets d’un stress qui jusque là m’avait semblé porteur et euphorisant. Et cette fatigue qui ne faisait qu’amplifier. Mes entretiens sont devenus plus maladroits, et en très peu de temps, j’ai eu la sensation de me laisser manger toute crue par mes clients. Je n’avais plus la force de m’imposer, et peu à peu, ils ont fait la loi. Il y a eu des cris, des insultes et des menaces. Je continuais à dédramatiser, à conserver ces anecdotes dans un coin de ma tête pour en faire quelque chose de rigolo, d’impromptu à glisser en pleine conversation. Mes piles de dossiers continuaient à s’accumuler, comme toujours, à la différence cette fois, qu’elles ne diminuaient plus. J’étais en train de couler, sans le réaliser. Du jour au lendemain, j’ai commencé à craindre certains de mes clients. À la fois en raison du lot de souffrances qu’ils traînent avec eux partout où ils se rendent, mais aussi et surtout, parce que mon corps ne le supportait plus.

…et le verdict, sur un quai de métro

Ça s’est fait de façon tellement insidieuse que j’ai eu la sensation que tout m’était tombé dessus le jour où j’ai tout bonnement été incapable d’embarquer dans le métro censé me déposer au boulot. Toutes les quatre minutes, le métro me passait devant, et moi, je ne pouvais pas monter à bord. C’était devenu impossible, en une nuit. J’étais épuisée, rompue, en proie à un découragement total. L’idée de me rendre sur mon lieu de travail était l’idée la plus absurde qui soit.

Je me suis effondrée. C’était terminé. Je n’avais rien vu venir, absolument rien. Par je ne sais quel miracle, j’ai fini par atteindre mon lieu de travail. J’ai passé une journée étrange : pris rendez-vous avec un médecin, rangé consciencieusement mes dossiers comme si je pressentais que je ne reviendrais pas avant longtemps, et effectué mes dernières visites à domicile. Je me suis écroulée plusieurs fois en pleine rue, en larmes, avec l’impression que je ne parviendrais pas à rentrer chez moi.

Le soir venu, au simple : « Comment allez-vous ? » de mon médecin, j’ai pété les plombs et j’ai tout déballé. Le stress, la peur, la fatigue, le découragement, l’horreur pure à l’idée d’avoir à y retourner.

C’est ce médecin, qui le premier, m’a parlé de burn-out. Et m’a fait réaliser que j’étais en plein dedans, que retourner travailler, ne serait-ce qu’une journée, serait dangereux pour moi. Elle m’a dit qu’il allait me falloir du temps, beaucoup de temps. Pour me retrouver, me reposer, et me reconstruire. Je suis ressortie de son cabinet avec des antidépresseurs et un certificat longue durée. Sonnée, mais soulagée.

Le burn-out… et après ?

Et bien… Cela fait plusieurs mois que je suis en arrêt maladie. Il y a des hauts et des bas. Des journées particulièrement difficiles, et la sensation d’être dans un brouillard épais dont on ne voit pas le bout. Je vois un psychologue, je prends mon traitement religieusement et j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé afin que cela ne se reproduise plus. J’essaie de ne pas culpabiliser (non, ce burn-out et la dépression qui l’a suivie ne sont pas de mon fait), de me remettre doucement sur pieds. Quand j’irai mieux – et pas avant – j’envisagerai une reprise de travail. Parce qu’aujourd’hui, j’en suis là : à faire des cauchemars mettant en scène les clients qui m’ont brisée, à avoir la nausée dès que je croise un collègue ou que je parle de ce que j’ai vécu – sans en avoir eu conscience au moment où je le vivais, un comble ! – et à me battre contre un épuisement constant et une tristesse envahissante.

La seule chose que j’espère, c’est que ce burn-out marquera un tournant positif dans ma vie professionnelle, me sera utile. Qu’il me permettra de cerner ce dont je suis capable, où se situent mes limites, et comment les définir. Pour ne plus jamais me laisser briser par un travail, quel qu’il soit. Parce qu’aucun travail ne mérite qu’on y laisse la santé.

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Les Commentaires

37
Avatar de LowaWobert
18 août 2016 à 10h08
LowaWobert
Relire cet article quelques années plus tard. Et se prendre un grand coup d'bambou dans la tronche après 2 petites minutes d'introspection... Merci aux Madz qui partagent leur histoire, et courage à toutes. Coeurcoeursurvous.
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