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Cinéma

Zabou Breitman, femme de cinéma et de talent — Interview

À l’occasion du Festival du cinéma américain de Deauville, Sarah a pu rencontrer Zabou Breitman, actrice et réalisatrice talentueuse et inspirante.

Publié initialement le 13 septembre 2015

Isabelle Breitman, plus connue sous le nom de « Zabou », n’est pas du genre à rester sans rien faire bien longtemps. À 55 ans, elle cumule les casquettes, comme si elle voulait tout essayer : comédienne prolifique au cinéma et au théâtre, réalisatrice ou encore metteuse en scène, Zabou marque le paysage du cinéma français depuis des années, et n’a pas l’intention de s’arrêter là.

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Il faut dire qu’elle est loin d’être fatiguée, ou lassée, et ça se voit. Lorsqu’elle arrive au Kiehl’s Club de Deauville pour notre rendez-vous, elle est déjà en train de rire et bavarder, et me salue avec un grand sourire avant de pointer mon appareil photo du doigt en me demandant si j’ai l’intention de l’immortaliser alors qu’elle n’est pas maquillée… Et d’enchaîner sur l’organisation du festival et le temps qu’il fait sans me laisser le temps de souffler. Zabou est en forme.

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Et tant mieux, parce qu’elle a été nommée présidente du Jury Révélation à l’occasion de la 41ème édition du Festival du cinéma américain de Deauville, et que ça demande de l’énergie. « Il y a un véritable travail de chef d’équipe », m’explique-t-elle.

« Il faut répartir correctement les interventions, et proposer les moments de discussion. Après, ce qui est intéressant, c’est de voir comment on va aborder un film, parce qu’on ne peut en choisir qu’un. Un seul qu’on va récompenser, qui est « révélation » c’est-à-dire un film qui peut nous avoir plu parce que l’acteur ou l’actrice était fabuleu•x•se, ou parce que le sujet était incroyable, ou parce que la mise en scène était merveilleuse, ou parce qu’il y a quelque d’innovant… »

Moui, pas simple. D’autant qu’il y a du monde en compétition. Mais pour l’instant, le Festival est loin d’être terminé, alors ce n’est pas vraiment la question. Parce que des questions, j’en ai plein pour Zabou. Et elles concernent surtout sa carrière.

Zabou Breitman, réalisatrice de talent et femme déterminée

Bon, en vrai, j’avais plein de questions, mais elle a tellement de choses à dire qu’il suffit de lui en poser une pour qu’elle réponde à toutes les autres. Pas que je me plaigne : Zabou Breitman, c’est quand même un sacré personnage, et elle me fait rire, me fascine et m’inspire tour à tour. Et d’ailleurs, pourquoi « Zabou Breitman » ?

« Zabou, parce que tout le monde m’appelait comme ça ! Et c’était tellement rapide, ça faisait petit nom court, facile. Puis un jour j’ai dit, « ben non je vais reprendre mon nom ». On m’a dit « tu vas pas reprendre Zabou Breitman ?! ». J’ai dit « ben si ». Et pourquoi pas ? »

Je comprends rapidement que s’il y a bien un truc qui l’énerve, c’est qu’on lui dise qu’elle ne peut pas faire ci ou ça. Pire, il SUFFIT qu’on lui dise ça pour qu’elle ait soudain très envie de le faire. Et qu’elle le fasse. Je la vois si bien avec un t-shirt « Fuck l’auto-censure » que ça en devient troublant. « C’est ma vie, j’ai une vie, je fais ce que je veux, il n’y a aucun problème ». Du coup, un beau jour, elle a eu une idée de film, en 2001 elle réalisait Se souvenir des belles choses avec Isabelle Carré et Bernard Campan, et recevait deux ans plus tard le César de la meilleure première oeuvre.

Bim.

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Nombre de ses pièces ou films ont d’ailleurs été récompensé(e)s, qu’elle en soit la comédienne ou la réalisatrice. Zabou, ce n’est pas que cette mère de famille à la fois fantasque et si réaliste dans Le Premier jour du reste de ta vie (même si c’est dans ce film de Rémi Bezançon que je l’ai vue pour la première fois). C’est avant tout une femme qui a plein d’idées, et d’envies, et qui ne se « voyait pas attendre » que l’opportunité se présente.

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« Parce que j’aimais ça dès le départ — je faisais des storyboards, j’écrivais déjà depuis longtemps, j’ai décidé d’écrire un film, et puis ensuite de faire une mise en scène au théâtre, et puis petit à petit, voilà ! C’est venu. Mais je suis très énergique, et j’ai beaucoup de… convictions, voilà. J’ai un engagement et une conviction assez forte pour me tenir en éveil. Parfois c’est pas facile ! Parfois je suis fatiguée.

Par exemple, cette année je n’ai pas fait de film, parce que j’ai deux sujets que je sens pas… mais à ce moment-là je travaille sur autre chose. Ça mouline toujours là-haut. »

Futures réalisatrices, « Osez ! »

Un conseil pour se lancer ?

« Je pense qu’il faut se bouger les fesses ! Mais vraiment, quoi ! Il faut s’arracher, sinon vous faites rien. »

Quand on m’a dit « tu vas pas le faire », j’ai dit « ben si ». Et pourquoi pas ?

Et quand je lui demande pourquoi il y a encore si peu de femmes réalisatrices aujourd’hui, si ce métier a vraiment quelque chose de « masculin » comme beaucoup aiment à le répéter, elle me répond aussitôt par un « Ah nononon » très éloquent. Pour elle, c’est une question de conventions nulles qui mettent du temps à changer, et elle fait même un parallèle avec le droit de vote des femmes — « Vous vous rendez compte, c’est arrivé c’était presque les années 50 ! ». Être réalisatrice, c’est avant tout être chef d’équipe… avec ce que ça implique de difficultés à l’heure actuelle.

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« Une femme, on va douter qu’elle puisse réaliser, mais parce qu’une équipe, c’est 80% de mecs, qui vont la regarder en rigolant un petit peu, genre elle sait pas réaliser. Être une femme réalisatrice, c’est compliqué. […] Il y a des mecs qui n’aiment pas trop qu’une femme leur dise ce qu’ils doivent faire, ce qu’ils supporteraient mieux venant d’un homme. »

Mais elle, elle « rouspète », de toute façon — et demeure optimiste.

« Vous savez, plus il y a de femmes réalisatrices, plus il y en aura. C’est-à-dire que si une petite fille peut se « rêver » en réalisatrice, maintenant, il y a quelques années elle ne pouvait pas se rêver ou se projeter comme réalisatrice, puisqu’il n’y en avait pas. […] Le rêve se fait avec ce qui existe. Alors c’est le serpent qui se mord la queue, faut bien commencer par un bout ! »

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Se souvenir des belles choses, premier film feel good de Zabou

Je pourrais en rester là et on aurait tout compris, mais Zabou m’avoue aussi que l’une de ses forces,

c’est de faire en sorte de ne pas se laisser influencer par le regard des autres. « Je ne lis jamais aucun article sur moi », m’explique-t-elle, non parce qu’elle se fiche de ce que les gens pensent d’elles, mais pour se « préserver », en quelque sorte.

« Je pense que c’est pas bon. Pour le travail, pour soi. C’est mauvais pour soi. C’est comme si on se voyait de dos tout le temps — déjà on se voit de dos dans les films. Comme si on était en train de se regarder de dos, ou de côté, de se regarder par le prisme des autres. Or c’est exactement ce qu’il y a dans les réseaux sociaux, en permanence. Ça… abîme la personnalité. »

Sa pire hantise, c’est qu’on lui colle un profil qui déterminerait ce qu’elle peut et ne peut pas faire. Après « tu ne vas pas faire ça », la phrase la plus assassine, c’est « tu n’as pas peur que… ». Pour Zabou, c’est du plomb dans l’aile, quand elle a surtout envie de dire « Osez ! » à toutes les jeunes femmes qui hésitent à se lancer dans la réalisation.

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« Mais non, je n’ai pas « peur que ». Jamais. On ne peut pas avoir peur de faire quelque chose. Il y a une chose qui est terrible, c’est l’auto-censure. Or je pense que cette façon d’être toujours à l’affût de ce qu’on dit de soi, c’est une manière de courir devant l’auto-censure. Pas d’auto-censure. Jamais. En tout cas c’est comme ça que ça marche pour moi. »

Et il y a des chances pour que ça marche pour tout le monde.

Artiste accomplie avant tout

J’avais une autre question à poser à Zabou, sur ce qu’elle aurait pu faire si elle n’avait pas travaillé dans le monde du cinéma et du théâtre, mais ce n’est pas simple. Selon ses propres mots, elle est « tombée dans la marmite ». Ses parents faisaient du théâtre, et son père a même été le scénariste du feuilleton Thierry la Fronde qui a connu tant de succès… et dans lequel il a fait jouer la famille, y compris Zabou, petite fille, dans un épisode.

Il y a une chose qui est terrible, c’est l’auto-censure.

Pas contrariante, elle me sort qu’elle voulait être prof d’anglais quand elle était petite. Mais que, bon, projetée dans ce milieu artistique, sans pression, elle s’y est découvert une passion comme ses parents. Alors pour savoir ce qu’elle aurait pu faire d’autre… Ça demande réflexion, mais elle finit par trouver.

« Par exemple je pourrais… Architecte peut-être pas, mais j’adorerais faire les décors d’un film, ou d’une pièce, ou la déco d’une maison… Je rêverais de décorer des hotels par exemple ! Ça m’éclaterait ! Avec des chambres… Qui soient totalement spéciales, quoi ! Mais peut-être qu’un jour je ferai ça. Qu’est-ce qui m’en empêche, finalement ? »

Accessoirement, elle se voit bien partir caméra au poing avec des potes acteurs et actrices et filmer en mode YOLO. Enfin, pfff, les gens sont pris, voyez-vous. (Mais quelque chose me dit qu’elle ne va pas lâcher le morceau comme ça.) (Combien de temps peut-on dire « non » à cette personne ?)

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Enfin, en attendant, elle continue à travailler sur de potentiels sujets de nouveaux films plus « traditionnels »… Mais n’allez pas non plus vous imaginer qu’elle a chômé en 2015 ! Ohlala, non : elle a enchaîné les tournages, dont elle me parle avec un enthousiasme qui renverse presque la table basse.

« J’ai tourné de super trucs, comme « Je compte sur vous » de Pascal Elbé. C’était un rôle gé-nial. Je me suis éclatée. J’ai rarement lu un scénar aussi extraordinaire. Ensuite j’ai fait le film écrit par Sylvie Testud et réalisé par Diane Kurys, C’est le métier qui rentre. Avec Josiane Balasko, qui fait ma meuf. On fait un couple de productrices abominables. On s’est é-cla-tées. »

Elle a aussi re-joué une maman pour un film de Rémi Bezançon, Nos Futurs (que vous avez déjà vu, n’est-ce pas), tourné dans un film d’Oliver Baroux, Entre amis, et un autre de Kheiron, Nous trois ou rien… Mais si son année professionnelle semble la satisfaire pleinement, c’est travailler avec Pascal Elbé qui l’a comblée par-dessus tout en tant qu’actrice :

« On a été loin, un peu « irrévérencieux » avec les scènes — plutôt que de faire une scène plan-plan, genre les gens sont assis, discutent, on a fait des trucs, on est allés chercher des idées, on s’est marrés… C’était absolument formidable. C’est inventif. Et intelligent. […] Et c’est un rôle qui n’est pas énorme. C’est comme dans « L’Exercice de l’État ». Pareil, c’était un tout petit rôle, et je me suis sentie hyper libre ! Il n’y avait rien sur le papier. C’était minuscule. Et j’ai dû tout inventer. »

Avis à la population : en plus de guetter la sortie de tous ces films courant 2016, vous allez pouvoir attendre une collaboration entre Zabou et Pascal Elbé. Parce qu’elle lui a proposé d’écrire un film ensemble, et je pense que vous avez fini par comprendre qu’on ne dit pas « non » à la dame…

À lire aussi : REPLAY — Pio Marmaï & Rémi Bezançon (« Nos Futurs ») parlent d’amitié


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Les Commentaires

5
Avatar de Haynee
14 septembre 2015 à 11h09
Haynee
Zabou Breitman!! Quelle chance tu as eu de la rencontrer! C'est une femme et un artiste extraordinaire, belle talentueuse... Je l'aime encore plus après ton interview, une nana forte, qui ne laisse personne lui dicter ses rêves ^^
"Se souvenir des belles choses", est l'un de mes films préférés , j'ai du le voir presque 10 fois, même s'il me brise le cœur à chaque visionnage
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