Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects… féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière (en couple ou solo) et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Rosalind qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Rosalind
- Âge : 23 ans
- Métier : Étudiante en alternance dans un institut de recherche
- Salaire mensuel : 995€ par mois
- Lieu de vie : Un appartement près de son université, qu’elle partage avec son conjoint et un appartement près de son lieu de travail, où elle vit seule.
Les revenus de Rosalind
Pour subvenir à ses besoins, Rosalind cumule plusieurs sources de revenus. La première est son salaire : en tant qu’apprentie ingénieure en informatique et étudiante en M2, elle effectue un contrat d’apprentissage dans un institut de recherche. Pour ce poste, elle gagne 995€ par mois, le minimum légal pour son niveau d’étude.
À cela s’ajoutent les aides de l’État auxquelles elle a droit, soit 190€ de prime d’activité, 272€ d’APL et 100€ d’aide mobili-jeune. Grâce à cela, elle peut assumer les dépenses parfois coûteuses que nécessite son alternance :
« Je pense que j’ai un salaire correct car je dois payer deux logements et les frais de transports entre mon travail et l’université qui ne sont pas remboursés. Sans les aides de l’État, je ne pourrais pas assumer toutes mes dépenses. Avec celles-ci, j’arrive à épargner. C’est la combinaison des deux qui fait que je me considère chanceuse de pouvoir être indépendante tout en finissant mes études. »
Mais pour les percevoir, il a fallu mener des batailles administratives :
« J’ai dû me battre avec la Caf pendant des mois pour obtenir mes APL et je dois actuellement me battre pour obtenir ma prime d’activité. C’est une perte de temps et une source de stress. »
Rosalind compte aussi une moyenne de 80€ par mois issus de revente d’affaires en ligne ou auprès de ses proches. En tout, cela constitue un budget de 1 637€ par mois.
L’organisation financière de Rosalind et de son compagnon
Pour accéder à son lieu de travail, et à son lieu d’études, Rosalind doit pour l’instant louer deux appartements. L’un est en région parisienne où elle vit seule trois semaines sur cinq, et l’autre en Normandie où elle vit avec son conjoint les deux semaines restantes, avant de recommencer.
Parce qu’ils vivent ensemble une partie du temps, Rosalind et son partenaire gèrent une partie de leurs finances ensemble. Ils ont chacun leur compte bancaire, et se répartissent à 50/50 la part de leur loyer commun, leurs dépenses alimentaires, et leurs vacances ensemble. Pour le reste, chacun paie pour soi. Avec ses APL, sa bourse, sa gratification de stage et ses économies, son conjoint a un budget d’environ 950€ mensuels.
Cette organisation n’est pas celle que Rosalind, qui gagne le plus gros salaire du couple, aurait choisie, mais elle pallie certains manques :
« Idéalement, j’aimerais diviser nos dépenses au prorata de nos revenus, ce qui fait que je payerais plus que lui, puisque je gagne plus. Sauf que je travaille aussi plus (j’ai un contrat de 35 heures, en plus du temps de révision des examens), et je m’investis plus dans les tâches ménagères, tandis que mon copain a un emploi du temps plus léger.
Cela crée un déséquilibre que je compense en lui imposant 50/50 sur nos dépenses communes. »
Un arrangement qui la satisfait peu, mais qu’elle espère voir évoluer dans le temps :
« Ma charge mentale a drastiquement augmenté avec mon M2, mon travail, les tâches ménagères et les problèmes de jeune adulte indépendante. Je préfèrerais qu’il fasse sa part de corvées pour que je puisse avoir plus de temps libre, et je bataille pour qu’on arrive à une égalité du partage des tâches domestiques, pour ensuite établir une équité des dépenses communes. C’est en cours d’acquisition. »
Les dépenses de Rosalind
Avec deux logements, Rosalind paie 595€ de loyer chaque mois, dont 100€ pour l’appartement qu’elle partage avec son copain, un 50 m2 proche d’une grande ville normande, où elle réside deux semaines sur cinq, et le reste pour le loyer de son 25m2 en Île-de-France, près de son lieu d’alternance. Pour ce lieu de résidence, elle paie 50€ de facture d’électricité mensuelle.
Tous les mois, elle compte aussi 150€ pour ses courses alimentaires, dont 45€ de cantine pour déjeuner sur son lieu de travail. Quant à ses frais de transport pour aller d’un logement à l’autre, ils lui coûtent 105€.
À ces charges s’ajoutent 13€ pour sa mutuelle, 12€ de facture pour son téléphone et Internet, 20€ de frais de santé, et la même somme pour d’autres dépenses diverses.
Des économies sur ses loisirs
Rosalind essaie d’économiser autant que possible, en rognant notamment sur son budget plaisir. Pour ses loisirs, 50€ par mois sont dédiés au sport, et 25€ pour les sorties :
« J’ai déjà réduit mes postes budgétaires au maximum, alors j’aimerais plutôt en augmenter certains : l’alimentation où je ne m’autorise pas à augmenter en qualité, les dépenses plaisirs où je me refuse des sorties ou des achats, les dépenses du quotidien où je me force à me débrouiller avec ce que j’ai à l’appartement…
Mon dernier craquage était le mois dernier, 40€ dans des habits de fast fashion. Ce n’était pas écologique, pas éthique, pas de bonne qualité et finalement seulement la moitié des habits me vont donc ça m’a calmée. »
L’étudiante a en effet pour objectif d’économiser 552€ par mois, et a quelques astuces pour ça :
« Je squatte l’abonnement Netflix de mes parents, je suis passée sur une banque en ligne pour ne pas payer de frais bancaires, je profite des avantages de mon CE pour payer moins, j’offre les cadeaux que je reçois par mon entreprise, je fais mes produits d’hygiène et d’entretien 100% maison…
J’économise 552€ par mois sur mon livret A et mon PEL. Cet argent est une épargne de précaution en cas de problème. Lorsqu’elle sera suffisamment importante, j’en utiliserais une partie pour m’acheter une voiture. J’économiserais ensuite pour mon mariage, et pour acheter une maison. Je mets aussi de côté 45€ par mois pour nos vacances d’été. »
Le rapport à l’argent de Rosalind et son conjoint
Si elle tient à avoir de l’argent de côté en cas de coup dur, c’est en partie à cause de mauvais souvenirs liés aux finances :
« Je n’ai jamais été à découvert même durant mes études, je dépensais raisonnablement mais sans trop regarder. J’ai pris mon indépendance financière avec mon travail d’apprentie et au même moment j’ai eu des problèmes avec les finances publiques, un propriétaire peu scrupuleux et les aides de la CAF. Cela m’a angoissée et mes parents ont dû m’aider.
Du coup, je me suis mise à réduire au maximum mes postes de dépenses pour acquérir une solide épargne de précaution et pouvoir parer à ces problèmes. Je m’oblige à respecter un budget global de 1 050€ mensuel et je suis chaque poste de dépenses sur un fichier Excel. Ce que j’ai trop dépensé sera imputé à mon budget global du mois suivant, et inversement si je n’ai pas tout dépensé. Aujourd’hui, je trouve que je me restreins trop mais j’attends d’avoir un travail stable avec un salaire “complet“ pour augmenter mon niveau de vie. »
Un rapport à l’argent très différent de celui de son partenaire, qui a tendance à moins regarder ses dépenses :
« Il ne veut pas se prendre la tête avec l’argent, contrairement à moi. Sans être trop dépensier, il mange et sort à l’extérieur dès qu’il en a envie : pour lui, on ne devrait pas avoir à réfléchir à comment dépenser moins ou si une dépense est vraiment utile, car nous avons les moyens de nous faire plaisir.
Au vu de ce que j’épargne chaque mois, il a raison et je pourrais être moins regardante sur mes dépenses… Mais mon besoin de sécurité est plus fort et je continue à me restreindre. »
Deux philosophies qui peuvent être source de tensions, notamment au moment des courses :
« Lorsqu’il me voit regarder tous les prix au supermarché ou hésiter longtemps avant de faire mon choix, il me dit qu’il préfère payer entièrement plutôt que de me voir faire ça. Mais je ne veux pas qu’il le fasse et le voir s’énerver me stresse, du coup je fais les courses seule.
Ce n’est pas un sujet de dispute pour autant, seulement il aimerait que je sois plus souple… Et j’ai hâte de le devenir, dès que j’aurai un travail stable. »
Merci beaucoup à Rosalind d’avoir répondu à nos questions.
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Pour participer à la rubrique, écrivez-nous à l’adresse : jaifaitca[at]madmoizelle.com en indiquant en objet « Règlement de comptes » et en vous présentant en quelques lignes.
Image en une : © Pexels/Anna Tarazevich
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Les Commentaires
Et comme @Sophie L ce qui me fait tiquer ce n'est pas le fait qu'elle a "imposé" le 50/50 dans les dépenses, mais la moindre implication que son compagnon lui impose et qui impacte très directement sa qualité de vie. Ce alors même qu'elle ne vit que les 2/5 de son temps dans cet appartement commun, et subit un emploi du temps plus lourd !
Ton expérience te fait dire que ça peut s'arranger, mais ça peut aussi ne pas bouger ; et même si ça change, on ne peut pas se satisfaire que ce soit au prix d'une lutte de plusieurs années, avec ce que ça implique de fatigue mentale, morale et physique