La situation qui suit te sera peut-être familière : tu as pris ton envol il y a de cela quelques mois, ou même quelques années, et en raison des vacances / d’un stage / d’un job / de la crise (rayez la mention inutile), tu te retrouves à rentrer dans le domicile familial, pour une durée dépassant les 48 heures.
Mes parents je les adore, là n’est pas la question. Mes parents sont des adultes, et… moi aussi. Sauf que pendant très longtemps, ils ont eu du mal à comprendre ça.
Et de mon côté aussi, j’avais sans doute du mal à me comporter en adulte, qui plus est face à eux.
Cette ambiguïté réciproque a provoqué un nombre inquantifiable de situations désagréables, parfois humiliantes, souvent conflictuelles entre eux et moi.
Et ça a été LONG pour sortir de cette relation mal définie, où j’avais le sentiment qu’ils me traitaient toujours comme une gamine, tandis que de leur côté, ils devaient avoir la sensation que je me comportais encore comme une gamine.
Les torts étaient sans doute partagés. Mais si j’écris cet article aujourd’hui, c’est parce que mes parents et moi avons enfin une relation d’adulte à adulte. Ça été long et difficile, raison pour laquelle je vais m’empresser de partager les leçons que je tire de ce parcours, dans l’espoir qu’elles servent au plus grand nombre.
Et donc à toi qui lis cet article, et qui es peut-être présentement en train de te préparer mentalement à un retour en famille peu épanouissant.
Comment faire pour que mes parents me traitent en adulte ?
La première étape est de soi-même se comporter en adulte. Pendant trop longtemps, je me suis auto-considérée comme une adolescente attardée. J’ai moi-même présenté certains de mes choix de vie comme des caprices, défendant un espace de liberté provisoire, au lieu d’assumer pleinement mes envies.
C’était surtout parce que j’avais en tête l’imagerie d’Épinal de l’adulte parfait : un travail sérieux (donc en CDI), un logement, un·e partenaire de vie, des projets sur le long terme. Et aussi, un style vestimentaire sage, une coiffure triste, des passe-temps d’adulte.
Il se trouve que j’aime le maquillage à paillettes, les vêtements excentriques, les Van’s et les Converse, et que mes passe-temps favoris outre le sport restent jouer à la console en binge-watchant des séries.
Peu adulte. Et alors ?
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Je suis une adulte et je l’assume
Ce n’est pas le hobby qui fait l’adulte. La première étape de ce long cheminement vers la réconciliation familiale était de mon côté : accepter que je suis l’adulte que j’ai envie d’être, même si ça ne colle pas à ce que la société attend d’une adulte.
Si moi-même je doute de ça, si moi-même je ne respecte pas l’adulte que je suis, comment veux-tu que mes parents respectent cette adulte ?
Je suis une adulte qui met des T-shirt Alice au Pays des Merveilles et qui écrit au stylo bic sur la semelle de ses Converse. Je ne suis pas une ado attardée, j’étais une adulte précoce quand j’étais au collège, tout simplement.
Respecter l’adulte que je suis en ignorant les réprimandes
Peut-être te sens-tu confortablement adulte, mais pour plein de raisons différentes, tes parents te font sentir comme une ado lorsque tu rentres chez eux.
Il va falloir articuler un plan de résistance en trois axes, sans quoi, tu vas effectivement te laisser enfermer dans le rôle de l’ado.
La première étape a consisté, pour moi, à mettre en place une « poker face » à toute épreuve. Plus aucune réaction émotionnelle à toutes les remarques qui sont adressées à l’ado que j’ai été.
De « Ah bon, tu te ressers, tu es sûre ? », à « Tu vas pas mettre ça quand même ! », en passant par « Tu serais quand même mieux avec quelques kilos de moins ! » : plus aucune de ces phrases ne provoque la moindre réaction chez moi.
Même si ça me touche, même si ça me blesse, la première étape pour moi est de renforcer la distance, la différence entre l’ado et l’adulte : l’ado n’est plus là, c’est à elle que s’adressent ces remarques, et c’est elle que ces remarquent blessent.
L’adulte que je suis est blessée uniquement parce que ses parents lui parlent comme à une ado. Donc je n’écoute pas, je ne prends pas en compte.
Et j’arrête de me laisser affecter par ces remarques qui ne me sont pas adressées, au fond.
Moi dans ma concentration
Faire respecter l’adulte passe par le conflit
Spoiler alerte : la technique ultime pour être respectée en adulte, c’est la confrontation.
Les adultes ne retiennent pas leur respiration jusqu’à ce qu’on leur achète une sucette, ils ne se roulent pas par terre pour que la file d’attente aille plus vite à La Poste, et (normalement) ils ne hurlent pas les uns sur les autres pour régler un problème.
Les adultes se disent en face les choses qui leur posent problème, et règlent ce problème.
À la lecture de ces lignes, tu te diras sûrement : damn, je connais beaucoup de faux-adultes… Et tu auras raison.
Ça confirme que toi, tu es vraiment adulte, capable de te comporter en adulte, contrairement à beaucoup d’adultes autour de toi…
Donc aller au conflit ne marche pas avec tous les adultes, et surtout, ça ne marche pas forcément du premier coup avec les parents qui te voient encore comme une ado : ils peuvent interpréter ton ouverture frontale comme une effronterie, et hausser le ton, comme s’ils pouvaient te punir parce que tu leur manques de respect.
Alors même que c’est eux qui viennent probablement de te manquer te respect, et l’adulte que tu es refuse de laisse filer.
Je vais donc te conseiller d’user de la merveilleuse méthode dite du « pourquoi » afin d’opérer une transition douce et efficace vers le conflit.
Faire respecter l’adulte par la technique du pourquoi
La technique du pourquoi est simple, indolore, et redoutablement efficace. Elle consiste à répondre « pourquoi » à toute question, commentaire, remarque, critique déplacée.
Il n’y a pas besoin de hausser le ton, et il ne faut surtout, surtout pas mettre de dédain, de colère ou d’agacement dans la voix. Cf premier point juste au-dessous : la poker face est de mise pour que la technique du pourquoi produise ses meilleurs résultats.
Plus tes questions sont neutres, et plus ton interlocuteur sera déstabilisé. Exemple pratique :
« Ah bon tu te ressers ? Tu es sûre ? — Pourquoi tu me poses la question ? — Parce que tu as assez mangé, je pense. — C’est bizarre, si j’avais assez mangé, je ne me resservirais pas. Pourquoi tu penses que j’ai assez mangé ? — Non parce que… parce que… »
Parce que je suis grosse, c’est ça ? Certains parents n’iront pas au bout de leur pensée : bingo, c’est gagné, ils sont en train de faire le cheminement mental « je n’ai pas à surveiller son poids, c’est une adulte, plus une enfant ».
D’autres finiront leur pensée : je pense que tu as assez mangé, que tu manges trop, parce que tu es trop grosse.
Toutes les batailles méritent d’être menées
C’est l’heure du conflit mesdames et messieurs. Ça ne veut pas dire lâcher ses couverts, claquer son assiette sur la table et se lever en hurlant. Ça veut dire froncer les sourcils, avoir un mouvement de recul/surprise, et rebondir calmement :
« Je suis une adulte, vous savez. Je sais ce qui est bon pour MON corps, rapport que c’est moi qui habite à l’intérieur. »
Cette attitude.
Toutes les batailles ne durent pas jusqu’à l’aube, n’épuisent pas les troupes, ne déciment pas les réserves. Toutes les batailles ne finissent pas en victoires, ne voient pas l’ennemi capituler ni partir en retraite.
Mais toutes ces batailles méritent d’être menées, car toutes les batailles que tu ne déclares pas sont des batailles que tu perds, et des semaines de captivité que tu ajoutes à ta peine.
Être adulte, faire respecter l’adulte que tu es, c’est au quotidien, ne pas laisser tes parents t’enfermer dans le souvenir qu’ils ont de toi.
Donne-leur l’opportunité d’apprendre à TE connaître, la toi qu’ils n’ont pas vue grandir depuis qu’elle a quitté le domicile familial.
Eux aussi sont déçus lorsque tes attitudes, tes paroles ne correspondent pas à leurs attentes. Mais ton rôle n’est pas de correspondre à leurs attentes.
C’est toi qui serais déçue, d’eux et de toi-même, si tu t’oubliais pour mieux t’inscrire dans l’image qu’ils ont gardée de toi.
Ils sont peut-être nostalgiques, mais c’est parce qu’ils ne te connaissent pas.
Tu es la best.
Assume l’adulte que tu es !
Le conflit est nécessaire, le conflit est précieux dans cette transition vers une relation d’adulte à adulte. Mon conseil est donc de ne pas laisser des conflits inutiles polluer l’atmosphère.
Ça rejoint ce que j’expliquais dans le premier paragraphe, mais : tu n’es plus une ado. Donc quand tu rentres chez tes parents, c’est chez eux, suis leurs règles ou discute-les avec eux, mais ne les enfreins pas !
Si chez tes parents, on dîne à 19h15, et que tu es attendue à dîner, respecte ça. Si tu es en vacances et que leurs horaires ne sont pas les tiens, c’est une discussion à avoir. C’est peut-être un conflit à faire éclater, d’ailleurs.
Mais si tu enfreints leurs règles sans avoir avec eux une discussion d’adulte à adulte, tu t’enfermes dans le rôle de l’ado qui claque la porte de sa chambre.
C’est pas facile mais ça vaut le coup
Rien de ce que j’ai écrit dans cet article n’a été facile à mettre en place, pour moi. Les règles de vie chez mes parents étaient si « normales » pour eux qu’elles étaient implicites. Je les enfreignais sans le savoir. Et hop, un conflit larvé parasite…
Je me suis longtemps trollée en ne me considérant pas adulte : aucune chance pour que mes parents le fassent. J’ai attendu longtemps qu’ils soient fiers de moi, alors que je n’étais pas moi-même fière de moi : une équation impossible.
Mais si ta relation avec tes parents devrait être bonne, s’il n’y a pas de raison pour que ça se passe mal, et que tu as juste le sentiment qu’ils ne te traitent pas en adulte : tu fais sans doute le bon diagnostic, et la solution n’est pas insurmontable.
Besoin de soutien psychologique et de conseils, de gens qui sont dans la même situation que toi ? Viens échanger dans les commentaires !
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