« Dur d’avoir 20 ans en 2020 »… et en 2021. Depuis le début de la crise sanitaire, l’isolement et la précarité ont particulièrement touché les étudiants et étudiantes. Le virus les a privés de leur vie sociale et des jobs qui arrondissaient leurs fins de mois ; résultat, la plupart n’ont plus de quoi manger correctement… Une enquête menée par l’association Co’p1-Solidarités étudiantes révèle que 79% des élèves sondés auraient eu recours à une aide alimentaire pour la toute première fois à la rentrée universitaire 2020-2021.
Depuis fin janvier 2021, les Crous proposent des repas à 1€ à l’ensemble du public étudiant, sans condition de revenus. Mais les critiques pleuvent sur les réseaux face à des portions trop maigres et obtenues après trois heures de queue.
Le compte Twitter @1repas1euro, créé en avril, relève le défi du Crous à sa façon. Le concept : partager des idées de repas sains, rassasiants et à moins d’un euro par personne. Marina Sba, 22 ans, est derrière cette arobase suivie par 29.600 personnes en moins d’un mois.
Réduire la charge mentale des personnes précaires
La jeune Lilloise passionnée de cuisine était étudiante en psychologie avant de décrocher au premier confinement. Pour rompre l’ennui, elle ouvre alors un compte Instagram où elle publie des recettes à bas prix et réalisables sans four.
Les retours sont positifs mais les témoignages d’étudiants en détresse s’accumulent dans ses DM : « Certains me disaient qu’ils se couchaient tôt pour ne pas ressentir la faim, d’autres qu’ils devaient choisir entre acheter à manger ou du papier toilette », se désole-t-elle.
Désireuse de leur venir en aide, Marina Sba partage des « menus de la semaine » complets qu’elle calcule au centime près, puis elle s’éloigne d’Instagram quelques temps.
Un an et un deuxième confinement plus tard, la précarité étudiante s’accentue et les files d’attente pour les distributions de paniers solidaires n’ont pas désempli. En avril 2021, Marina ouvre cette fois un compte Twitter avec l’ambition d’aider les étudiants et étudiantes précaires en réduisant leur charge mentale.
« Manger correctement peut être un défi angoissant, dès lors que cela demande de la réflexion et de l’organisation en amont. J’aimerais faciliter la tâche aux étudiants afin qu’ils aient plus de temps pour leur travail », explique la jeune femme.
« Bien manger, même fauché »
Désormais assistante de communication, Marina Sba gère ce compte sur son temps libre. Elle y publie des « threads anti-charge mentale » ultra-détaillés comprenant recettes, menus et listes de courses hebdomadaires pour « bien manger, même fauché ».
Concocter des repas à moins d’un euro requiert tout de même quelques astuces, comme l’explique la jeune femme à Madmoizelle :
« Certains produits sont particulièrement abordables, comme les légumes surgelés ou les pommes de terre. J’essaie alors de les cuisiner différentes manières : en frites, en purée, en gratin… ce qui diminue le panier de courses. »
Ses propositions font mouche comme le prouve le succès de la « briochette fourrée à la poêle », déclinée à foison par ses followers.
https://twitter.com/1repas1euro/status/1384753932413673476
Marina se veut aussi inclusive : elle décline ses recettes pour les personnes en situation de handicap ainsi que pour les régimes végétariens et végétaliens. « Dans tous les cas, l’alimentation omnivore est très coûteuse et je refuse de mettre de la viande à tout prix au détriment de la qualité », argumente celle qui est elle-même végétarienne.
Aux haters qui dénoncent la présence d’œufs premiers prix dans ses menus, elle répond :
« Je fais mes paniers pour les personnes précaires. Si les gens ont les moyens d’acheter du bio, ils sont libres de reproduire mes recettes avec des produits plus éthiques. »
https://twitter.com/1repas1euro/status/1382395222005547010
Agir durablement contre la précarité alimentaire
En moins d’un mois, le compte @1repas1euro rencontre un succès fulgurant et gagne des followers à chaque heure — « c’est un peu effrayant mais surtout, ça révèle l’ampleur du problème », nous confie Marina Sba. La jeune femme espère professionnaliser son initiative via la création d’un site Internet et d’une collaboration permettant de basculer, en un clic, de ses listes de courses à un panier drive de supermarché déjà rempli, toujours dans l’idée de « réduire la charge mentale ».
Si elle ne s’attendait pas à de telles retombées, Marina Sba veut alerter sur la gravité de la précarité alimentaire : « Mal se nourrir a des conséquences sur la santé et la concentration des étudiants, ce qui renforce les inégalités. » Elle en appelle notamment à l’action des Crous :
« Quand on voit que quelques threads font une différence, on se dit que des choses simples peuvent être mises en place, comme l’installation de congélateurs dans les logements étudiants ou la mise à disposition d’un livret de recettes.
Ça devient urgent. »
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