J’aime bien connaître les raisons qui poussent les autres à se jeter dans le vide depuis un avion en parfait état de voler. Je veux dire, quand on se pose trois secondes et qu’on y réfléchit, il n’y a aucune logique là-dedans !
J’ai passé ma plus tendre enfance à regarder mes parents sauter en parachute depuis un terrain de saut.
Je crois dur comme fer à l’instinct de survie de l’espèce humaine et cet instinct n’est pas du tout compatible avec l’action d’ouvrir une porte coulissante à 4 000 mètres de hauteur du sol, de passer ses jambes par-dessus bord et de donner un petit coup de bassin pour sauter dans le vide.
Moi, c’est différent. Je suis tombée dedans toute petite comme on dit. Mes deux parents sont parachutistes et j’ai passé ma plus tendre enfance à les regarder sauter depuis un terrain de saut (tu peux dire une « DZ » – Drop Zone – si tu veux te la jouer un peu).
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai passé mes week-ends le nez en l’air à contempler les dizaines de petites voiles multicolores tomber du ciel. Mais en France, la loi n’autorise la pratique du parachutisme sportif qu’à partir de quinze ans (pour des raisons physiques et psychologiques).
Il y a plusieurs manières de débuter en parachutisme. Trois, pour être précise :
- La première et la plus connue est le tandem. C’est pas vraiment une école, le tandem. On pourrait dire que ça te met un pied dans le truc mais sans te former. C’est plus un « tour de manège » qu’un réel saut en parachute. Ok, tu te lances dans le vide mais à part flipper et essayer de pas vomir — question de respect pour la personne derrière toi, et histoire de pas te trouver dans le bêtisier annuel du terrain où tu sautes, t’as rien à faire.
- La deuxième option — qui tend à devenir la plus populaire — est la P.A.C, acronyme de Progression accompagnée en chute (ou Piège à cons, c’est comme tu veux). Tu débutes direct à 4 000 mètres au-dessus du sol, tout•e seul•e, mais des moniteur•trices te suivent pendant plusieurs sauts pour te former, jusqu’à l’autonomie. C’est l’option la plus coûteuse mais celles et ceux qui la choisissent disent souvent qu’elle est moins violente psychologiquement que l’ouverture automatique.
- La troisième et dernière option est donc l’ouverture automatique ou OA (on aime bien les acronymes en para si t’as pas remarqué). C’est celle par laquelle j’ai débuté ce sport. Ton premier saut est à 1 200 mètres, après trois secondes de chute libre TOUT•E SEUL•E, ton parachute s’ouvre comme par magie (grâce à une sangle reliée à l’avion). Petit à petit, tu montes en altitude, ton temps de chute libre s’allonge et tu déclenches toi-même ton parachute. L’OA est assez dure pour le moral, et je pense que des deux méthodes de formation (PAC et OA), c’est celle qui demande le plus de mental.
Parachutisme et dépassement de soi
Le parachutisme n’est pas trop physique (du moins au début). Lorsque l’on débute, on a un peu mal en haut du corps car on oblige certains muscles à effectuer des mouvements qu’ils ne sont pas habitués à faire. Bah oui, c’est pas tous les jours qu’on reste plusieurs minutes les bras en l’air.
On a des bleus aussi entre les cuisses (à cause de l’ouverture du parachute), ce qui peut éventuellement poser quelques soucis si vous êtes amené•es à vous mettre en maillot en public. Mais à part ça, les débutant•es n’ont pas de courbatures comme peuvent l’avoir celles et ceux qui se mettent au… jogging par exemple !
Position en « chutass » — en chute assise
Ce qui est compliqué, quand on débute, ça n’est pas que le physique tienne mais plutôt que le mental suive. Dans la majorité des cas, les néophytes ont l’impression qu’ils vont mourir. Réellement mourir. Encore aujourd’hui, alors que j’ai plus de 400 sauts dont 98% sans aucun pépin à mon actif, j’ai parfois cette impression paralysante.
Avec l’expérience, on arrive à reconnaître la sensation et à la rationaliser pour la mettre de côté, mais au début, c’est autre chose !
Quand on débute, le plus dur est que le mental suive. Dans la majorité des cas, les néophytes ont l’impression qu’ils vont mourir. Réellement mourir.
Déjà, le parachute débutant pèse très lourd (surtout si t’es une ado de 15 ans pas trop robuste). Ensuite, il y a l’attente. Comme tout sport d’extérieur, nous sommes tributaires des conditions météorologiques et on peut parfois attendre des heures et des heures avant de sauter. L’attente est le pire ennemi de la motivation !
Une fois dans l’avion, il y a le bruit, la proximité (l’entassement), le chaud en été et le froid en hiver. Avion, d’ailleurs, qui n’a rien à voir avec un Boeing et qui « tombe
» dans chaque trou d’air, chaque variation de chaleur, qui vibre et qui s’ébranle. Il y a aussi le stress communicatif des autres. La porte qui s’ouvre et le vent glacial et bruyant. Les ami•es de galère qui se font un•e à un•e aspirer par le vide.
Et puis vient le moment où l’on descend de la banquette pour aller mettre ses jambes dans le vide. Je vous le dis, il faut avoir de la volonté pour donner l’impulsion qui nous fait tomber de l’avion !
Le parachutisme, l’école de la vie
J’ai un caractère réservé et timide au premier abord. Malgré mes 23 ans, je suis une blondinette qui n’a toujours pas l’air majeure et comme on dit, on me donnerait le Bon Dieu sans confession. Mais derrière cette apparence de jeune fille sage et rangée, je suis une casse-cou !
J’aime la sensation d’adrénaline que je ressens quand je me dépasse et que je réussis à vaincre mes peurs : surf, kitesurf, catamaran, planche à voile, skate, plongée sous-marine, kayak de rapides, saut à l’élastique… je suis sans cesse partante pour de nouvelles sensations. Mon credo, c’est que s’il y a une fédération et que c’est légal, alors on assure ma sécurité par derrière.
Je pense être une femme libre dans ma tête et dans mon corps et je sais que c’est grâce au parachutisme.
Le parachutisme est apparu à une période charnière de ma vie. Il m’a permis de m’épanouir et de prendre confiance en moi en pleine adolescence. Je pense être une femme libre dans ma tête et dans mon corps et je sais que c’est grâce au parachutisme.
Le fait de grandir au milieu d’hommes qui ne cachaient pas leurs peurs, de pouvoir faire un sport « extrême » où les femmes sont minoritaires mais où j’étais acceptée sans problème… je me suis toujours sentie légitime sur un terrain de saut et lorsque je foire une figure, je suis traitée de la même manière que les autres mecs de la bande.
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Enfin, je voudrais conclure là-dessus parce que c’est indissociable d’une vie sur un terrain : mes histoires d’amour et de fesses n’ont jamais été jugées.
Plus jeune, j’ai passé beaucoup de mes étés à faire des formations qu’on pourrait assimiler à des immenses colos, et forcément, des affinités se créent. N’essayez même pas de garder un secret sur une DZ ! Pourtant, on ne m’a jamais regardée de travers.
À mon avis, c’est grâce à cette ouverture d’esprit et à cette liberté que j’ai pu devenir la femme forte et fière dont je suis fière.
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