Là tout de suite, j’en veux au correcteur orthographique de mon logiciel de traitement de texte favori qui souligne en vert la fin du titre du film. Cette chose n’a aucune culture. Bon, entre nous, je dois dire qu’avant d’aller voir le film, je n’avais qu’une vague idée de l’histoire d’Omar Raddad et, sans dire que j’aurais jeté mon Bescherelle à la tête du premier pourfendeur de la grammaire capable d’écrire une telle ignominie, je ne me serais pas sentie à l’aise et j’aurais de manière totalement subtile détourné la conversation. Exemple : « Bla bla bla Omar m’a tuer… » « Oh non, jure ?! Y a des tomates cerises là-bas… attends je suis désolée mais je peux vraiment pas passer à côté de ces tomates cerises, quoi… ». Pour celles qui se demandent, ça marche avec tous les légumes, fruits, pour peu qu’il y en ait devant vous.
Donc, pour celles du fond qui n’osent pas le demander et celles qui à l’époque n’étaient pas nées, voici un petit résumé. Le 24 juin 1991, la très riche Ghislaine Marchal est retrouvée morte dans la cave de sa villa de Mougins (06). Sur une porte, près d’elle l’inscription « Omar m’a tuer » est écrite en lettres de sang. Son sang. Les enquêteurs, estimant qu’une dame éduquée et cultivée a le droit de faire une faute de grammaire dans son propre épitaphe après avoir plongé à plusieurs reprises le doigt dans ses entrailles, ne vont pas bien plus loin et décident d’arrêter le seul Omar qu’elle a dans ses parages, son jardinier.
C’est le coupable parfait, il ne comprend ni ne parle correctement le français, il dépense son argent au casino, a souvent demandé des avances sur son salaire et puis c’est un Arabe. Et les Arabes ont le sang chaud, ils peuvent être violents, la preuve, ils tuent des moutons (clichés inside). Omar Raddad, bien qu’il clame son innocence, est condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle. Son avocat, Me Vergès scandera la phrase suivante : « Il y a cent ans, on condamnait un officier car il avait le tort d’être juif, aujourd’hui on condamne un jardinier car il a le tort d’être maghrébin ».
Au moment du verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard, un écrivain convaincu de l’innocence du jardinier, décide d’effectuer sa propre enquête. Il s’attarde sur les points d’ombre de l’accusation, interroge de nouveaux témoins et tire certaines ficelles afin de dessiner les rouages de ce qu’il pense être une erreur judiciaire. Le film de Roschdy Zem est tourné de façon intelligente d’après le point de vue de l’écrivain, admirablement joué par Denis Podalydès (celui qui incarne le Président dans La Conquête).
https://www.youtube.com/watch?v=aR2_hRz7IlI
Alors bien sûr, le résultat n’est pas neutre mais il a le mérite de se plonger dans l’une des affaires criminelles qui a chamboulé la France. On ne s’ennuie pas, la réalisation est adaptée (difficile de faire des coups d’éclat avec ce genre de scénario), elle est dense mais laisse respirer le spectateur et les acteurs sont bons, notamment Sami Bouajila qui est sublime dans le rôle titre. Et surtout, ce film a le mérite immense de mettre à disposition du public les éléments clefs pour la compréhension de l’affaire.
A voir donc pour les curieuses, les philanthropes et les amatrices de tomates cerises.
En salle depuis le 22 juin.
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Les Commentaires
Alors bien sûr le message est loin d'être neutre (en même temps, aucun film ne peut l'être : il y a toujours une opinion divulguée même si c'est inconscient), bien sûr le but est d'émouvoir le spectateur afin qui soit révolté !
Mais de toute façon, c'est le genre de film qu'on va voir en sachant tout ça : il ne faut pas tout prendre pour argent comptant... Mais ça n'empêche que oui, on en sort révolté et rien que pour ça : chapeau bas !