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Féminisme

Et si j’étais… une mauvaise féministe ?

Naya nique les complexes, est farouchement en faveur de l’égalité des genres et a des envies de violence quand des inconnus la sifflent dans la rue. Mais parfois, elle se sent… « mauvaise féministe ».

Depuis toute petite, je m’intéresse aux droits des femmes, à l’égalité des genres, notamment dans le monde du travail. Je me sentais toute remuée lorsque les médias m’apprenaient de nouvelles violences et injustices à l’encontre des femmes. J’impressionnais parfois les autres, quand je parlais des combats de célèbres féministes et me permettais de remettre certains à leurs places quand ils sous-estimaient l’importance du harcèlement de rue.

Mais malgré mon investissement, il m’arrive parfois d’avoir des points de vue et des réactions qui ne collent pas forcément avec mes revendications féministes. Est-ce grave ? Dois-je me sentir coupable ?

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— Merci à Tomdapi pour l’illustration ! Retrouvez son travail sur son blog et sa page Facebook ♥

Un homme viril, c’est un homme galant

J’ai toujours voulu me foutre royalement de qui paie l’addition au restaurant. Mais lors de notre premier rendez-vous, plus Robert me regardait droit dans les yeux en attendant une réaction de ma part au moment de payer la note, plus ses chances de me pécho s’amenuisaient.

Ça n’était pas une question d’argent, loin de là : les biens matériels d’un homme ne m’ont jamais intéressée plus que ça. Je ne lui en voulais pas, à Robert — je lui avais parlé de mon féminisme pendant une bonne partie du rendez-vous ! Je lui avais expliqué à quel point je croyais en l’égalité des salaires, j’avais même fièrement brandi la photo de moi prise avec Chimamanda Ngozi Adichie, écrivaine féministe.

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« Je pèse assez pour admettre que je suis souvent ma propre inspiration. »

Après ces multiples démonstrations d’engagement envers la cause féministe, Robert avait bien compris que j’étais une femme indépendante, qui n’avait pas besoin de l’aval d’un homme en ce qui concerne ma vie, ou mes choix professionnels… et qui n’avait surement pas besoin qu’on lui offre son casse-croûte. Le seul problème c’est que SI, je voulais que Robert paie ma salade quatre saisons et mon jus d’abricot ! Son « capital sexy » s’est évaporé à l’instant même où j’ai dégainé mon portefeuille.

L’égalité sociale entre les genres, j’y crois dur comme fer. Alors pourquoi cet idéal ne s’applique-t-il pas à ma vision de la séduction ? Des fleurs et des chocolats pour la Saint-Valentin, l’ouverture de portière d’une voiture… autant de gestes, certes désuets, mais que je trouve séduisants et virils chez un homme. Certains me diront que cela est dû à mon éducation, faite à grands coups de dessins animés Disney et de films de l’après-midi.

Ainsi soit-il : je suis féministe, et je ne me vois pas poser un genou à terre pour demander un homme en mariage.

À lire aussi : Harcèlement de rue ou compliment ? — Je veux comprendre

Une femme doit « être la plus belle pour aller danser »

Très tôt, j’ai été passionnée par la mode, les vêtements, les beaux rouges à lèvres. Rien ici qui s’oppose au féminisme, me direz-vous ! Le véritable problème se trouve dans le fait d’émettre un espèce de jugement interne à la vue d’une fille qui n’éprouverait pas le besoin d’être bien apprêtée. L’unique vision d’une femme aux cheveux décoiffés ou arborant un mono-sourcil me hérissait le poil.

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Et puis il y a eu ma copine Jeannette.

Ma copine Jeannette ne se maquille jamais, elle a le cheveu rebelle et a décidé de déclarer la guerre (froide) aux esthéticiennes. En été, elle arbore fièrement des débardeurs multicolores qui mettent en avant la toison de ses dessous de bras. Elle s’en fiche, Jeannette, de plaire.

À lire aussi : La coloration des aisselles, une nouvelle tendance beauté ?

Elle et moi nous croisions aux détours des couloirs de fac et sans même la connaître, je la raillais dans mon for intérieur. En apprenant à la découvrir, j’ai eu honte de mon comportement, j’ai compris rapidement mon erreur… et je l’ai même enviée un peu d’être aussi libre et détachée du regard des autres. À cette époque, je croyais dur comme fer qu’en se levant le matin chaque femme devait tout donner pour ressembler à Beyoncé.

Cette vision despotique d’un esthétique féminin parfait est maintenant révolue, mais il m’arrive de sursauter ou de regarder un peu trop longuement une femme qui aurait mal assorti son chemisier à ses escarpins. Un « mais qu’est-ce qui lui a pris ? » traverse ma pensée à la vitesse éclair… avant que je me souvienne…

À lire aussi : Et si on arrêtait de s’insulter ?

La culture de mes parents… et moi

Je viens d’une famille croyante et pratiquante. L’héritage culturel de mes parents, je le chéris, il a eu un impact important dans mes choix et mes décisions. Mes parents m’ont élevée « à l’ancienne » : « Apprends à préparer du bon ragoût et n’ouvre pas ton vagin aux inconnus » (les inconnus étant toute la planète à part mon futur mari).

 

À lire aussi : La religion, l’enfant que j’étais… et l’adulte que je suis devenue

Malgré moi, j’ai hérité de mécanismes découlant d’un mode de vie où la femme est sacralisée par l’unique fait d’être vierge. Chez moi, on est fille de bonne famille jusqu’à devenir épouse aimante. Ces mécanismes se sont traduits par la honte de ma sexualité. Tout ce qui se rapprochait de près ou de loin au sexe était un sujet tabou chez moi. En famille, à la seule vue d’un homme embrassant les lèvres d’une femme à la télévision, mon corps s’engouffrait de lui-même dans les tréfonds de mon vieux canapé afin de fuir le regard de mes parents.

Parfois, en couple avec des hommes pendant plusieurs mois, je n’osais sauter le pas, même si l’envie y était : mon cerveau avait assimilé l’idée qu’une femme qui pratiquait le sexe sans promesse de mariage, d’enfants, et de pavillon en banlieue avait moins de valeur qu’une autre.

C’est en lisant davantage de livres sur le féminisme et en rencontrant des personnes ouvertes d’esprits que j’ai réussi à décoincer mon cul et surtout à me rendre compte que le sexe n’était pas sale ou rabaissant pour la femme. Dorénavant je m’envoie en l’air dans la joie et dans l’allégresse !

À lire aussi : Lettre ouverte à tous ceux qui voudraient faire de moi une « fille facile »

Et maintenant ?

Même si aujourd’hui, certains de mes avis concernant les hommes ou la sexualité sont totalement différents, il m’arrive d’avoir des idées non compatibles avec mes convictions féministes. Cela fait-il de moi une mauvaise féministe ?

Dans son livre Bad feminist, l’auteur Roxanne Gay se qualifie de « mauvaise féministe » car elle ne lutte pas contre toutes les aliénations subies par les femmes. Elle met clairement en avant la contradiction entre le fait d’être féministe et le fait de ne pas vouloir se conformer à une ligne de conduite visant à lutter pour une égalité permanente et totale entre les hommes et les femmes. Avec ironie, elle traite de ce sentiment de culpabilité qu’elle éprouvait face aux « féminisme idéal » après lequel elle courait… mais qu’elle ne respectait pas toujours.

À lire aussi : Je suis féministe, mais… c’est pas toujours évident

Je pense à Lena Dunham, considérée comme beaucoup par une icône féministe, retouchée sur ses photos Vogue. Les médias ainsi que plusieurs féministes avaient critiqué son double discours : d’un côté, sa lutte contre le modèle de beauté unique que nous renvoient les magazines, et d’un autre, le fait qu’elle veuille entrer dans le modèle contre lequel elle se bat.

Parce que moi aussi, je suis un peu une Lena Dunham, j’accepte aujourd’hui de ne pas toujours être une féministe parfaite. Et vous, êtes-vous une « mauvaise féministe » ?

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Les Commentaires

101
Avatar de Moonshade
30 décembre 2015 à 00h12
Moonshade
Y'a juste un truc qui me gêne dans cet article, c'est le "elle s'en fiche, Jeannette, de plaire".
Ben, peut-être qu'elle ne s'en fiche pas du tout, mais qu'elle a compris qu'on peut plaire avec des poils sous les bras et la tignasse en broussaille unno:
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