Mardi 12 septembre, Marlène Schiappa, actuelle Secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes était face à Jean-Jacques Bourdin, sur RMC.
Ces interviews politiques ressemblent beaucoup à une forme de « grand oral », durant lequel le journaliste « cuisine » son invité•e, en enchaînant différents sujets.
Marlène Schiappa a donc été interrogée sur l’actualité brûlante — la journée de mobilisation contre la réforme du code du Travail, qui avait lieu mardi, comme sur des polémiques qui ont agité les premiers mois suivants sa nomination.
La Secrétaire d’État a répondu aux questions du journaliste sur le budget alloué à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais également sur la polémique « l’accusant » d’avoir écrit des romans érotiques.
J’écris « accusant » entre guillemets car je ne vois toujours pas la faute qu’il y aurait à écrire des romans érotiques, et Marlène Schiappa non plus : elle remet d’ailleurs les points sur les i en dénonçant le sexisme et le slut shaming derrière ces « accusations ».
Le harcèlement de rue, bientôt verbalisé ?
Marlène Schiappa a également été interrogée au sujet du congé menstruel : pour ou contre ?
Pour la Secrétaire d’État en charge de l’égalité, le débat est ouvert. Elle a refusé de donner sa position personnelle, pour qu’elle ne soit pas interprétée comme une position officielle.
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Mais au cours de cet entretien, Marlène Schiappa a surtout affirmé sa volonté d’aboutir à la verbalisation prochaine du harcèlement de rue.
« JJB : — Est-il vrai que vous souhaitez verbaliser le harcèlement de rue ?
MS : — C’est non seulement vrai, mais nous allons le faire.
JJB : — Soyons concrets, expliquez-nous.
MS : — On est en train de travailler dessus avec Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, vous voyez à quel point c’est un sujet interministériel.
L’idée c’est qu’actuellement il y a d’un côté la séduction, qui est consentie, et de l’autre, l’agression sexuelle, qui est caractérisée, qui est un délit pour lequel les femmes peuvent porter plainte.
Au milieu, il y a une zone grise. »
Ce point mérite un commentaire.
Entre séduction et harcèlement : « au milieu, il y a une zone grise » ?
Entre séduction et harcèlement, il n’y a pas de zone grise pour la personne qui est victime du harcèlement. Soit on est à l’aise dans un rapport de séduction qu’on initie ou qu’on relance, soit on a exprimé ou manifesté un refus, une volonté de couper court aux échanges.
Lorsque l’autre insiste à partir de ce point, malgré les refus répétés de la personne, c’est du harcèlement.
Un rapport de séduction est donc basé sur le consentement mutuel : j’aborde quelqu’un, et je lui laisse l’opportunité d’accepter ou refuser le dialogue. Refuser, c’est son droit.
Jusque là, pas de problème, même s’il peut y avoir beaucoup d’agacement lorsque c’est la ènième fois de la journée qu’un quidam tente d’initier un rapport de séduction avec vous.
La « zone grise » ne se trouve pas à la frontière entre harcèlement et séduction, la distinction EST claire, et longuement expliquée dans cet article : Harcèlement de rue ou compliment ? — Je veux comprendre. Extrait :
« Je n’ai jamais, jamais, jamais de ma vie pu confondre un homme qui m’abordait parce qu’il avait envie de me parler avec un homme qui m’abordait uniquement parce que j’étais une femme, visiblement seule, et donc « pourquoi ne pas tenter un truc ? »
Je vais vous livrer ici le secret de la drague VS le harcèlement (c’est une exclusivité madmoiZelle.com).
Si vous n’aborderiez pas un homme hétérosexuel de cette façon, n’abordez pas non plus une femme (dont vous ignorez au passage l’orientation sexuelle !) de cette façon. »
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De quelle « zone grise » parle-t-on ?
La difficulté consiste à qualifier juridiquement les faits de harcèlement.
Si le phénomène ne date pas d’hier, sa reconnaissance est extrêmement récente à l’échelle des politiques publiques. C’est en 2012 qu’on en parle pour la première fois, avec la vidéo de Sofie Peeters.
Depuis, la prise de conscience au sein de la société a été progressive. En novembre 2015, une campagne officielle est lancée par le gouvernement, pour sensibiliser les témoins comme les victimes de harcèlement dans les transports.
Son démarrage a eu lieu un certain 13 novembre… ce qui explique son écho relativement faible. Mais les prises de paroles médiatisées d’activistes comme Paye Ta Shnek, ou encore d’associations féministes comme Stop harcèlement de rue, Osez le féminisme, ont largement contribué à faire bouger les lignes.
Malgré cette mobilisation continue, le harcèlement de rue reste un mythe ou un mystère pour une partie de la population, qui n’en est souvent ni victime, ni témoin…
Il reste encore un travail de sensibilisation et de pédagogie à poursuivre sur le sujet.
C’est pour ces personnes qu’il existe encore une « zone grise » entre harcèlement et séduction.
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Comment caractériser le harcèlement rue ?
C’est tout l’objet du travail que Marlène Schiappa explique effectuer en coordination avec le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, et qui sera laissé aux mains des parlementaires.
Au micro de RMC, la Secrétaire d’État prend un exemple concret, et explique le processus qui devrait aboutir à la caractérisation de l’infraction :
« MS : — Vous êtes dans le métro, vous êtes une femme, je suis un homme et je vous suis dans le métro. Vous descendez, je descends. Vous remontez dans un autre métro, je remonte.
Je vous demande votre numéro de téléphone. Je vous redemande votre numéro de téléphone. Je vous re-redemande votre numéro de téléphone.
Vous vous sentez oppressée ? C’est du harcèlement de rue.
JJB : — Mais qu’est-ce que je fais ?
MS : — Vous allez voir un policier, il verbalise et met une amende à la personne qui vous a harcelée, qui vous a suivie, qui vous a demandé votre numéro de téléphone avec assistance.
JJB : — Je suis une femme, je suis sifflée dans la rue, je suis abordée dans la rue. Je vais voir un policier, et il verbalise l’homme qui m’a approchée ?
MS : — Là on anticipe un peu, car tout le travail de la création de cette infraction va être de caractériser le harcèlement de rue.
Les parlementaires et un groupe de travail vont se réunir, et vont nous dire ce qui caractérise le harcèlement de rue, de la même manière qu’en son temps, les parlementaires avaient caractérisé le harcèlement moral, en disant « ça c’en est, ça ce n’en est pas ».
Là, ils caractériseront ce qu’est le harcèlement de rue pour que ce soit inscrit dans la loi, et qu’on dise que les lois de la République française ne tolèrent pas le harcèlement de rue.
Que les corps des femmes ne sont pas des biens publics, et que ça n’est pas parce nous sommes dans la rue en train de marcher que nous sommes à disposition du tout-venant ».
Le harcèlement de rue, bientôt en débat à l’Assemblée Nationale?
Ce sera donc à nos élu•es, député•es, sénateurs et sénatrices, de définir juridiquement les faits de harcèlement, afin de pouvoir sanctionner cette pratique.
Ce travail parlementaire risque d’être long. À titre d’exemple, il s’était écoulé un an et demi entre l’annonce du projet de loi pour l’égalité réelle en juin 2013, et son adoption définitive en août 2014.
Mais à l’échelle de l’évolution des normes dans la société, la prise en compte du harcèlement de rue par les pouvoirs public aura été rapide. Si, en 2012, on m’avait dit que 5 ans plus tard, il serait question d’une loi pour sanctionner cette épuisante banalité, je ne l’aurais pas cru.
Reste à réussir à caractériser effectivement les faits de harcèlement de rue ; qu’en penses-tu ? Comment définirais-tu le harcèlement de rue si tu étais députée ? Viens en parler dans les commentaires !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je note également qu'il n'a jamais nié être effectivement un homme, et personnellement, je ne l'ai plus croisé sur le site depuis.