C’est la douche froide pour Loujain Al-Hathloul et sa famille, mais aussi pour les militantes des droits des femmes en Arabie Saoudite.
Détenue depuis près de trois ans pour avoir réclamé le droit de conduire et de circuler sans un tuteur masculin dans une prison à vingt kms de Ryad, la jeune femme de 31 ans vient tout juste d’être jugée devant… Le tribunal antiterroriste de la capitale.
Ce lundi 28 décembre, elle a été reconnue coupable de « diverses activités prohibées par la loi antiterroriste » et condamnée à cinq ans et huit mois de prison. Or la peine ayant été assortie d’un sursis de deux ans et dix mois, la militante pourrait être libérée en mars 2021.
Car les autorités répètent à l’envi que les poursuites judiciaires n’ont rien à voir avec son activisme féministe mais plutôt pour des menaces liées à la sécurité intérieure.
Alors qu’elle encourait vingt ans, le verdict est loin d’être satisfaisant pour sa famille, et à juste titre.
Des sœurs au front pour sa libération
Suite à l’annonce de la condamnation, sa famille accuse le coup mais refuse de baisser les bras. C’est le cas de ses deux soeurs Lina et Alia Al-Hathloul qui depuis son arrestation enchainent les prises de parole afin de mobiliser sur le sort de la militante.
Dans un tweet, Alia sa soeur raconte que
« Loujain a pleuré en entendant le verdict. Après près de 3 ans de détention arbitraire, de torture, d’isolement cellulaire – ils la condamnent maintenant et la qualifient de terroriste. Loujain fera appel de la condamnation et demandera une nouvelle enquête concernant la torture. »
En attendant l’appel, les deux soeurs continuent d’être actives notamment sur les réseaux sociaux où les hashtags #DontKillLoujain et #FreeLoujain sont largement partagés. Une mobilisation de tous les instants qui a porté ses fruits notamment à travers la remise du prix Liberté du Forum mondial Normandie pour la paix 2020 en octobre 2020 à Loujain Al-Hathloul.
Lina, sa sœur, venue recevoir le prix en son nom, a déclaré :
« En lui décernant des prix, les gens la protègent. Parler et faire parler, ce sont nos seuls pouvoirs. »
A l’échelle internationale, les maires de Paris et New York ont refusé de participer, en septembre dernier, au sommet des grandes villes du G20 organisé en Arabie Saoudite en soutien à Loujain Al-Hathloul.
Des actions qui sont bienvenues alors que la famille entend maintenir la pression. Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur des soutiens venus de l’étranger.
La nécessité de faire entendre sa voix à l’international
Parler de Loujain Al-Hathloul est essentiel tant l’opacité règne dans le royaume. Déjà lors d’une première arrestation en 2014 pour avoir tenté d’entrer en Arabie saoudite au volant d’une voiture en provenance des Emirats arabes unis, elle en était sortie 73 jours plus tard, à la suite d’une campagne internationale.
Suite à la condamnation de ce lundi, plusieurs ONG ont réagi, dont Amnesty international qui dénonce « un procès inéquitable ». Quant au bureau des droits de l’Homme des Nations, il évoque un verdict «profondément dérangeant.»
La France et l’Allemagne ont appelé les autorités saoudiennes à « une libération rapide ». Aux Etats-Unis, Cale Brown, porte-parole du département d’Etat, a affirmé dans un tweet :
« Nous sommes préoccupés par les informations selon lesquelles un tribunal saoudien a condamné la militante Loujain al-Hathloul à la prison. Nous avons souligné l’importance de la liberté d’expression et du militantisme pacifique en Arabie saoudite afin de faire progresser les droits des femmes. »
De son coté, ses proches et sa famille s’activent sans relâche afin d’alerter sur la situation et le traitement qu’elle subit.
Une féministe dévouée malgré la répression
Alors que c’était encore interdit pour les femmes il y a deux ans, Loujain Al-Hathloul a conduit dans les rues de Ryad… Une action qui lui a valu d’être placée en détention. Or depuis son arrestation, le droit de conduire a été accordé.
Face au traitement injuste qu’il lui est réservé par les autorités saoudiennes, l’activiste avait entamé une grève de la faim depuis le 28 octobre pour dénoncer ses conditions de détention alors qu’elle affirmait être torturée et privée de sa famille.
Difficile de ne pas souligner l’hypocrisie d’un pays qui se vante d’avoir levé l’interdiction de conduire aux saoudiennes en 2019… Mais maintient et condamne en prison celle qui s’est battue pour ce droit en invoquant d’autres chefs d’inculpations. Paradoxalement, ce verdict tranche avec l’ouverture que le pays revendique avec l’arrivée au pouvoir de Mohamed ben Salmane, prince héritier et vice-Premier ministre d’Arabie saoudite.
En 2019, le royaume a mis en place de nombreuses mesures de libéralisation des femmes du pays dont la possibilité de voyager sans l’aval d’un homme. En effet, les Saoudiennes de plus de 21 ans peuvent désormais voyager sans l’autorisation d’un tuteur.
Toutefois, malgré ces réformes, la réalité est bien différente : une situation dénoncée par Lina Al-Hathloul. Elle a confié à Paris Match :
« Il y a toujours des clauses dans les réformes de MBS, qui de fait les rendent sans effet. (…) Mais rien n’a changé en Arabie saoudite : les femmes sont toujours aussi réprimées. »
A l’évidence, le verdict prononcé est à l’image de l’ambivalence entretenue par le régime face au droit des femmes, entre ouverture et répression. Une dureté dont Loujain Al-Hathloul est aujourd’hui la victime.
Afin de soutenir Loujain Al-Hathloul, la mobilisation doit se poursuivre : signez la pétition ici.
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