Cet article a été publié dans le cadre d’un partenariat avec Jour2fête. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
Avant de démarrer, les madmoiZelles donnent leur avis à la sortie du CinémadZ :
J’ai la chance d’avoir fait de ma passion mon métier.
Le cinéma, je l’aime à en mourir. Il est à la fois mon époux, mon amant et mon ami. Il est celui qui m’accompagne dans tous mes déplacements, blotti dans mon iPad. Il veille sur moi la nuit, lové au creux de mon écran de télé.
Je passe un temps considérable dans ses salles obscures. Pour madmoiZelle bien sûr, mais également en dehors de mon activité professionnelle.
Le problème (ou l’immense atout, je ne sais pas), c’est qu’on devient très vite accro aux émotions. La tristesse, la joie, la peur distillées tout au long des images deviennent un besoin journalier.
La Belle et La Meute fait partie de ces oeuvres profondément utiles, qui ont comblé mes envies d’un septième art puissant. Et surtout humaniste.
J’ai pris une leçon de cinéma. Et il me faut vous en parler.
La Belle et La Meute, un sujet alarmant
La Belle et La Meute, je vous en parle depuis quelques jours sur Instagram et dans mes sélections de films.
Réalisé par la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania, et adapté du livre éponyme (de Meriem Ben Mohamed paru aux éditions Lafont), il fait le récit d’une nuit cauchemardesque.
Lors d’une fête étudiante, Mariam craque pour Youssef. Elle sort de la boite de nuit pour se promener avec lui quelques instants sur la plage.
Seulement voilà, des policiers l’interpellent et l’obligent à monter dans leur voiture. À bord, les représentants de l’ordre la violent. À l’image, rien n’est visible. La réalisatrice utilise une ellipse pour suggérer plutôt que de montrer.
Une fois sortie de la voiture, Mariam va vivre une longue nuit durant laquelle il lui faudra se battre pour faire valoir ses droits et conserver sa dignité.
J’ai vu La Belle et La Meute il y a sept semaines. Je n’en ai pas oublié la moindre minute. Chacune des paroles des policiers ont infiltré ma mémoire.
Impossible de ne pas s’en souvenir, tant elles sont graves. Tout comme l’est le sujet même du film.
En posant son regard sur un thème peu abordé par le cinéma, Kaouther Ben Hania dénonce. Pour ce faire, elle a la plus efficace des armes : sa caméra.
L’art se fait alors porte-parole de la justice.
La Belle et La Meute, un huis-clos douloureux
Mariam est bringuebalée d’hôpitaux en commissariats jusqu’à se retrouver seule face à ses bourreaux. Commence alors un huis-clos qui s’apparente presque à une séquence de film d’horreur, mais une horreur psychologique.
Je n’ai pas cessé, depuis que je travaille chez madmoiZelle, de crier mon amour pour le cinéma d’épouvante. Un genre qui est selon moi largement sous-estimé, voire un peu moqué, alors qu’il s’agit d’un cinéma puissant à multiples lectures.
En utilisant les codes du cinéma de genre, La Belle et La Meute met l’horreur au service de la conscience humaniste.
Pour moi, c’est un peu l’aboutissement d’une vie passée à attendre de voir le drame social se mêler à la fiction noire.
La Belle et La Meute, un casting époustouflant
La Belle et La Meute tient sur les épaules de Mariam Al Ferjani, une actrice époustouflante de sincérité. Pendant 1h30, Mariam subit les pires sévices. Du viol au mépris en passant pas les menaces, elle endure la férocité d’hommes sans loi.
Pendant 1h30, la caméra est braquée sur son visage. Le constat est sans appel : Mariam Al Ferjani a un talent immense. Elle ne fait plus qu’un avec son personnage.
Mariam devient Mariam (eh oui, le personnage principal a le même prénom que son actrice). Dans chacun de ses pleurs se niche la justesse. Dans chacune de ses révoltes se cache l’exactitude.
Je me rappelle avoir été bouche bée en sortant du cinéma.
J’aurais voulu rester sur mon fauteuil de velours, réfléchir longuement à ce que je venais d’ingurgiter. J’aurais aimé parler avec les femmes autour de moi pour continuer à faire vivre cette bataille même après que les lumières se sont rallumées.
Seulement, le générique de fin s’est mis à défiler, et tous les spectateurs sont sortis en trombe rejoindre leur réalité. Seule dans la petite salle feutrée, il m’a fallu du courage pour m’en aller, prendre le métro et retourner au travail comme si de rien n’était.
La performance de Mariam m’avait marquée au fer rouge.
La Belle et La Meute, une prouesse technique
J’avais déjà été conquise par un des précédents films de Kaouther Ben Hania, intitulé Challat de Tunis. Un film impétueux dans lequel elle dénonçait le machisme de son pays avec courage.
Je savais qu’il me fallait suivre de près cette réalisatrice, qui s’imposait déjà comme l’étoile montante du cinéma tunisien. Kaouther Ben Hania passe un cap en signant La Belle et La Meute.
Outre son propos, ce nouveau long-métrage relève de la prouesse technique.
Le film est en effet formé de 9 plans-séquences séparés par des ellipses et entièrement filmés caméra à l’épaule. Ces plans ressemblent à des segments de temps réel et nous plongent dans une réalité fictive.
Risqué ! Couillu !
La Belle et La Meute, l’éveil d’une conscience politique
La loi du silence règne sur une société tunisienne qui demeure machiste. Dans Coupable d’avoir été violée, l’opprobre est jeté sur la victime.
Sauf que Mariam ne compte pas rester esclave du silence. Contre vents et marées, elle va se battre.
Un élément du film m’a laissée complètement haletante face à l’écran. Mariam a noué un voile autour de son beau visage, mais elle finit par le retirer et le faire glisser sur ses épaules (je ne vous spoile rien, c’est dans la bande-annonce).
Le voile devient une cape ! En quelques secondes seulement, la victime se mue en super-héroïne. Une image forte, peut-être la plus forte du cinéma arabe qu’il m’ait été jamais donnée de voir. C’est la promesse d’un affrontement.
Comme une super-héroïne, Mariam s’en ira lutter pour la justice. Drapée de sa seule dignité, elle partira tordre le cou à une société mutique.
À l’instant où je vous écris, mon corps réagit toujours à ce récit d’une puissance révolutionnaire.
Bien plus qu’un simple film, La Belle et La Meute est le symbole d’une conscience politique qui cherche à s’éveiller !
Allez-voir La Belle et La Meute. Faites-le pour vous, pour Mariam, pour vos amies, vos soeurs, vos mères. Faites-le pour toutes les femmes.
Car ce thriller féministe rompt le silence sur les violences sexistes, et bordel il était temps !
La Belle et La Meute, : quand Mariam Al Ferjani nous parle du film
À lire aussi : 6 films pour comprendre la culture du viol
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Les Commentaires
Je suis d'accord que la scène avec la cape (que j'ai adorée aussi) et sa tirade dans la scène d'interrogatoire sont très écrites mais en même temps ça faisait tellement du bien d'entendre ça. Pour le coup ça m'était égal que ce ne soit pas crédible, ce qui comptait c'était de faire passer ce message de courage et de justice. Un peu comme quand tu vis une situation désagréable et qu'après tu te dis "ah putain j'aurais dû dire/faire ça". Pour moi là c'est pareil, elle n'a peut-être pas prononcé ces phrases quand elle était entrain de le vivre, mais en racontant son histoire, elle avait la possibilité de transmettre un message plus grand que sa propre expérience: la justice pour les femmes. Et j'ai trouvé que c'était très réussi