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Irlande : la femme enceinte en état de mort cérébrale va être débranchée

Une femme enceinte, en Irlande, est maintenue en vie contre la volonté de sa famille, car son fœtus est viable. Ce tragique fait divers relance le débat sur l’IVG, sujet très sensible dans ce pays.

Mise à jour du 26 décembre — Le verdict est tombé en début d’après-midi : la Cour Suprême d’Irlande a établi que la femme enceinte en état de mort cérébrale serait débranchée. Ils ont conclu que le meilleur intérêt de l’enfant n’était pas que sa vie soit prolongée étant donné qu’il ne serait pas viable. Cependant, ils ont aussi statué en vertu de la loi que lorsqu’une femme serait cérébralement morte et enceinte, le droit de l’enfant prévalait et qu’il serait donc maintenu en vie tant qu’il serait viable. Le texte dit :

«When the mother who dies is bearing an unborn child at the time of her death, the rights of that child, who is living, must prevail over the feelings of grief and respect for a mother who is no longer living.»

« Quand la mère qui meurt porte un enfant qui n’est pas né au moment de sa mort, les droits de cet enfant, qui vit, doivent prévaloir sur les sentiments de deuil et de respect pour une mère qui ne vit plus. »

La Cour est arrivée à ce jugement après avoir examiné toutes les preuves prouvant avec certitude que la vie de l’enfant ne pouvait être maintenue dans de bonnes conditions. Précisons que cette décision n’a rien à voir avec une autorisation de l’avortement :  ici la question n’est pas le choix de la famille ou encore de sauver la vie de la mère au détriment de l’enfant (puisqu’elle est morte, les éventuelles mesures pour sauver la mère en danger ne sont même pas en question). C’est le fait que le fœtus n’était pas viable ou n’avait aucune chance de naître en bonne santé qui a motivé cette décision d’arrêter les machines.

Les avocats ont argumenté que le droit à la dignité pour la mère ne pouvait pas s’appliquer puisqu’elle était déjà cérébralement morte. Ses droits étaient donc inexistants puisque sa personne n’était plus. Or, la Cour de justice a clairement signifié que de tels arguments n’étaient pas recevables, que la dignité de la mère et la peine de la famille étaient à prendre en considération.

Cependant, la loi ne change pas et si un cas similaire se produit et que l’enfant a des chances de survivre, alors la grossesse sera prolongée. 

— Plus d’informations sur le site IrishTimes.com.

Mise à jour du 24 décembre — Hier, pendant toute la journée, la Haute Cour d’Irlande a entendu les différentes parties représentées dans l’affaire de la femme enceinte en en état de mort cérébrale. On en sait un peu plus sur les volontés de la famille et la santé du fœtus.

Je vais résumer les informations et les faits établis lors de l’audience, longuement reprise par l’Irish Times, pour qu’on comprenne où les choses en sont, et les positions de chacun dans l’affaire. C’est important pour comprendre quelles seraient les raisons derrière la décision finale de la cour (dans un sens ou dans l’autre).

  • Déjà mère de jeunes enfants, catholique non pratiquante, la jeune femme n’a jamais abordé la question de la mort cérébrale, ni celle de l’avenir du bébé dans de telles conditions.
  • Victime d’une attaque cérébrale le 29 novembre, son cerveau a été déclaré « mort » le 3 décembre. Le diagnostic a été établi avec certitude après une batterie de tests. Les services médicaux n’ont pas su que faire de l’enfant qu’elle portait, dont on pouvait encore percevoir la fréquence cardiaque.
  • Elle et son mari étaient très heureux de l’arrivée de ce nouvel enfant, mais la famille reste contre un prolongement de la vie artificielle de la mère et de l’enfant sans garanties que ce dernier sera en bonne santé.
  • Elle était enceinte de 15 semaines lors de sa mort cérébrale, donc le fœtus n’était pas assez développé pour être extrait et mis en couveuse.

L’audience s’articule autour des trois parties impliquées dont les « intérêts » sont en jeu : la mère, le fœtus, et le père (joint par le mari) de la victime.

  • Des membres du personnel médical ont détaillé l’état du corps de la mère, qui serait en mauvais état et couvert de machines : une vision perturbante pour ses jeunes enfants. Elle présenterait des signes d’infection aux poumons, de méningite et d’autres pathologies graves plutôt courantes lorsqu’une personne est maintenue artificiellement en vie, qui n’iront pas en s’arrangeant.
  • Les experts médicaux semblent douter de la viabilité du fœtus : il est trop petit pour que l’on puisse confirmer ou infirmer de possibles retards ou malformations le rendant non-viable, mais l’état physique de sa mère est préoccupant et pourrait engendrer des maladies et malformations chez lui. De plus, les médicaments qui lui sont administrés ne sont normalement pas utilisés sur des femmes enceintes : on en ignore les effets à terme. Les médecins pensent qu’il y a peu de chances que l’enfant naisse, de surcroît sain et suffisamment développé pour survivre.
  • Les médecins ont indiqué qu’ils souhaiteraient ne pas prolonger la vie de la mère contre l’avis de sa famille.
  • Des experts ont planché sur les possibilités de prolonger la grossesse à 24 semaines, puis 28 pour plus de chances de survie et enfin 32 semaines. Il est peu probable selon eux que le corps puisse être maintenu en bon état (alors qu’il ne l’est déjà plus) ; les chances de voir naître un enfant en bonne santé avec l’espoir qu’il survive sont nulles.

On remarque donc à l’issue de cette audience que l’on parle plutôt de l’état du fœtus, de sa potentielle viabilité et de l’état du corps de la mère. Le but est d’établir si ce corps pourrait continuer d’être alimenté par des machines (la réponse est non) et si le fœtus est condamné, ou pas (la réponse serait qu’il n’a aucune chance de naître viable). Les juges vont donc voir si la loi s’applique au cas, si on peut arrêter de prolonger la vie de la mère et respecter les volontés de la famille sans spolier les droits de l’enfant à naître. Il n’est donc pas question de changer la loi mais de statuer sur la manière dont elle va être appliquée : cette jurisprudence ne s’appliquerait qu’à de tels cas, très rares.

La question centrale n’est donc pas l’avortement au sens propre. Il ne s’agit pas d’effectuer une IVG, mais de mettre fin à une grossesse déjà interrompue par la mort cérébrale de la mère et le développement anormal de l’enfant qui mènera à sa mort certaine.

Le verdict sera rendu vendredi

 ; il sera intéressant de voir si le débat autour du droit à l’avortement se poursuit ou si il s’agit plus de réactions envers une situation exceptionnelle, glauque, et « grotesque » selon les médecins.

Article initialement publié le 22 décembre 2014 — Posée telle quelle dans The Irish Times, la question peut choquer :

« Peut-on débrancher une femme enceinte en état de mort cérébrale ? »

L’avortement, sujet délicat en Irlande

En Irlande, la question est compliquée car elle concerne à la fois les droits constitutionnels et le droit à l’IVG.

Revenons un peu sur l’actualité récente du débat sur l’IVG en Irlande. Il y a un peu plus d’un an, un fait divers avait défrayé la chronique : une femme enceinte était morte de septicémie après une fausse couche. Son état de santé nécessitait un avortement : le problème, c’est que le cœur du fœtus battait encore, et qu’il était donc hors-la-loi d’interrompre la grossesse. Une fois le cœur du fœtus arrêté, la mère avait été opérée et était décédée d’une infection généralisée quelques jours plus tard.

En effet, la loi irlandaise indique que la mère et enfant à naître ont les mêmes droits. C’est inscrit dans la Constitution irlandaise depuis 1983 : en gros, « le fœtus a autant le droit de vivre que sa mère », ils sont à égalité sur le plan médical. Il serait possible en cas de danger pour la mère de recourir à une IVG selon une décision de la Cour Suprême d’Irlande datant de 1992, qui n’a pourtant jamais été votée. La loi est donc très floue sur le sujet. Depuis cette histoire, la législation avait été assouplie et permettait un avortement en cas de danger pour la mère. Sauf que là encore, cette décision n’est pas forcément appliquée dans tous les cas…

Un vide juridique donnant lieu à un terrible fait divers

Un nouveau cas à caractère plutôt exceptionnel vient relancer ce débat qui dure depuis 30 ans. Cette histoire fait couler beaucoup d’encre en Irlande depuis quinze jours : une femme en état de mort cérébrale est maintenue artificiellement en vie afin que son fœtus puisse vivre et se développer jusqu’à être viable hors de l’utérus de sa mère. Or, sa famille souhaite qu’elle soit débranchée et sa grossesse interrompue.

La loi pose problème ici : la femme est morte cérébralement, et le fœtus vit. Sur le papier, l’avortement est hors-la-loi. Donc, la femme et son foetus sont dans une sorte de no man’s land juridique, une situation très épineuse. Le problème est que la législation ne prévoit pas ce genre de cas extrêmes, complexes à gérer pour le personnel médical au niveau de la déontologie, de l’éthique et du respect des patient•e•s et de leurs volontés.

Cette affaire s’avère être très similaire à une autre datant de janvier 2014. Ça c’était passé au Texas : une femme enceinte était en état de mort cérébrale et son corps alimenté par des machines, contre l’avis de sa famille. La vie était maintenue par obligation légale alors que les dernière volontés de la femme en question étaient de ne pas vivre reliée à une machine. Au final, elle avait pu être « débranchée » car le juge avait déclaré que la loi ne s’appliquait pas au cas de Marlise Munoz (c’est son nom), et les médecins avaient constaté que le foetus présentait des malformations le rendant non-viable.

À lire aussi : Au Texas, un foetus est plus important que les dernières volontés de sa mère (MÀJ)

Ce cas irlandais fera l’objet d’une éventuelle jurisprudence par la Haute Cour d’Irlande mardi 23 décembre (demain, donc), qui permettrait de statuer légalement sur cette affaire et de régler la question pour l’avenir. L’opinion publique est extrêmement partagée sur le droit à l’IVG et ce fait divers relance une controverse qui n’en finit pas…

À lire aussi : Le formidable discours d’une femme enceinte face à des manifestants anti-IVG

Pour aller plus loin…

À lire sur Courrier International :


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Les Commentaires

33
Avatar de MsOriginalDoll
26 décembre 2014 à 13h12
MsOriginalDoll
Il s'agit ici d'un cas bien compliqué et surtout très controversé dans le sens où faut-il laisser l'enfant vivre,... etc.

C'est un sujet épineux, car dans les deux-cas, si l'enfant née avec des malformations et peut possiblement mourir par la suite de cela, ça voudrait dire que l'"opération" n'aurait rien et dans l'autre, s'ils le laissent "mourir" au sein du ventre de la mère alors qu'il est "sain", cela porte à préjudice. Toutefois, dans le cas qui est présenté ici, le bébé a très peu de chances de survivre puisqu'il est trop jeune. C'est une question de déontologie, mais personnellement, si j'étais dans le même cas et que mon foetus serait aussi jeune, je préfèrerais avorter pour son bien, pour ma conscience (même si dans ce cas-là... Humour noir à prendre au millième degré) et pour le bien de mes proches.
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