Je m’appelle Caroline, j’ai 26 ans et je suis « dreadlock designer » en Irlande. J’ai ouvert mon propre salon où je fais des dreads synthétiques et m’occupe des locks naturelles, c’est ma passion depuis huit ans et mon taf à plein temps depuis six mois !
Petite fille créative et ado rebelle
Dans mes souvenirs, l’envie de vivre de créations artistiques est venue assez tôt. Déjà, enfant, je voulais vendre mes bracelets en perles sur le marché estival chez moi en Bretagne. Plus tard, pendant mon adolescence, je savais déjà que je voulais être mon propre boss. J’étais en rébellion contre tout et n’envisageais simplement pas de devoir obéir toute ma vie à un patron. J’imaginais dans mon futur être une jeune fille indépendante avec une vie pleine d’aventures, loin des préoccupations sociales, ni intéressée par l’argent, l’amour ou une stabilité rassurante.
J’étais sans cesse à la recherche d’un look différent de celui des autres : je portais mes bracelets à pics en cachette de mes parents et arborais mes t-shirts de groupes préférés en essayant de survivre à la période collège/lycée tant bien que mal.
Puis est arrivé le bac et la fatidique question « tu veux faire quoi plus tard ? ». Un peu hasardeusement, je me suis dirigée vers un IUT information-communication. C’est durant l’été précédant ces études que j’ai commencé à faire des atébas et dreads synthétiques, alors que je passais des heures sur Internet, passionnée par les blogs de mode gothique et look alternatifs.
À l’IUT j’ai mis à profit les cours que j’avais pour développer ce qui était devenu mon projet personnel : vendre mes dreadlocks pour me faire un peu d’argent. Je me suis fait des flyers et un site, et suis devenue autoentrepreneuse. L’idée commençait à faire son chemin.
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Du master communication au CAP coiffure…
Quatre ans plus tard, lors de mon stage de master, j’ai décidé de ne pas retester un énième festival de musique et j’ai tenté ma chance auprès d’un salon de coiffure huppé connu pour organiser expositions, concerts et performances. Contre toute attente, j’ai été prise.
Ce stage m’a permis de dépasser les clichés de ce milieu tout en développant mon inspiration et ma créativité. À l’issue des trois mois, mon boss m’a proposé de rester tout en démarrant un apprentissage. Ce fut une décision décisive mais dure à prendre : passer d’un master communication à un CAP coiffure était pour moi une chance à saisir, mais pour mes parents, c’était une catastrophe.
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Cette année-là, mon quotidien se divisait entre la communication du salon, l’apprentissage coiffure et la gestion de mes clients qui devenaient de plus en plus nombreux. Au salon de coiffure, j’étais en effet officiellement apprentie coiffeuse : j’étais en cours avec des adolescents une fois par mois, et le reste du temps j’étais au salon, à être formée à la coupe de cheveux, les colorations, la prise de rendez-vous, etc. Officieusement, je passais aussi du temps sur l’ordinateur au poste de chargée de communication (je gérais la page Facebook, créais des cartes de visite, des brochures, proposais de nouvelles idées…).
Enfin, lorsque j’avais du temps, je pouvais faire mes dreads dans un coin et accueillir mes clients pour faire la pose de dreadlocks.
Et ce n’étaient pas les idées qui manquaient (photo d’Arthur Janin).
Je ne cessais de cogiter à la manière de développer ma petite entreprise. Mon boss était mon inspiration. Il avait commencé à 20 ans et trente ans plus tard, il avait un salon de 200 m² et toujours des idées plein la tête. En fermant la porte du salon le soir, je ne pouvais qu’imaginer le sentiment de satisfaction qu’il devait ressentir, cette fierté d’avoir réussi. J’avais approché de près la réussite d’un « self-made man » et avais trouvé mon inspiration.
L’aventure en Irlande
Une fois mon CAP coiffure validé, j’ai décidé de faire un break et de quitter la France pour voyager. J’avais prévu de passer trois mois au Canada, mais je m’en suis faite renvoyer car je n’avais pas de visa. J’ai donc décidé de prendre le premier avion pas cher que je trouvais afin d’avoir quand même des vacances à l’étranger. J’ai donc débarqué en Irlande, j’ai aimé et décidé d’aller y vivre.
J’ai trouvé directement un travail en call center (centre d’appel) car ils recherchaient massivement des étrangers parlant plusieurs langues. J’ai donc directement décroché un contrat permanent à 1500€ par mois en une semaine… La France ne m’aurait jamais fait un tel cadeau. J’ai ensuite fait du wwoofing sans plus vraiment penser aux dreads. Un an après, j’ai fait la rencontre d’une tatoueuse qui cherchait quelqu’un avec qui ouvrir un salon. Par pur hasard.
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Tout s’est alors passé très vite : j’avais économisé plus de 5000€, Galway – une ville moyenne connue pour son tourisme et ses festivals — semblait le bon endroit où s’établir, et j’avais quelqu’un avec qui partager les frais. Nous avons signé le contrat quelques jours après s’être rencontrées, pour un bail d’un an.
Il faut dire que la vie est dans tous les cas beaucoup plus facile et agréable en Irlande : les mentalités y sont ouvertes et positives. Il y a beaucoup moins de paperasse à gérer qu’en France, et c’est ce qui m’a poussée à me lancer ! Les Irlandais•es étant un peu mal organisé•e•s eux-mêmes, le bénéfice du doute est toujours en notre faveur ! J’ai pris un comptable car la fin de l’année avec les taxes et divers papiers qui vont arriver m’effrayent un peu, mais ce n’est rien par rapport à ce qu’on peut imaginer en France. Une amie m’a par exemple expliqué que sa soeur avait bataillé plus d’un an pour ouvrir une librairie alors que de mon côté, on ne m’a jamais demandé un seul papier, ni assurance ni carte d’identité pour quoi que ce soit. Cette sorte de laisser-aller fait parfois un peu peur, mais d’un autre côté… ça m’arrange.
Un mois entier de travaux plus tard, nous avons créé The Inked Octopus. Très rapidement, tout s’est déroulé comme prévu et très bien : mon travail se divisait entre la promotion du magasin, la création des dreadlocks et la gestion de mes clients. Toujours menée par une passion dévorante et une créativité insatiable, j’ai mis du temps à réaliser ce que j’avais pu créer. Mon rêve devenait réalité, j’avais enfin un lieu dédié à mes créations et un espace professionnel pour travailler.
J’avais eu raison de croire que je pouvais ouvrir mon propre business, j’étais organisée et j’avais réussi. Ce studio est devenu mon bébé, ma raison de me lever, d’aller de l’avant et une raison de croire que je pouvais mener mes projets à bien sans pour autant mener une vie standard. Mon travail est devenu ma fierté et la conséquence d’un cerveau en perpétuelle ébullition – parfois trop. Six mois après le début de l’aventure, je prends toujours quelques secondes avant de fermer la porte le soir, pour me rappeler que cet endroit est la réalisation d’un rêve et que, même si je commence tout juste à rentrer dans mes frais, je ne dois pas baisser ma garde.
Je profite enfin de deux jours de week-end consécutifs et j’arrive à me laisser du temps « off » en semaine pour faire d’autres choses. Pourtant c’est dur pour moi d’être loin de mon studio. C’est presque une peur difficile à gérer, comme un parent lorsqu’elle doit laisser son enfant à la crèche pour la première fois.
Le début d’une longue aventure
Pour la suite, j’ai envie de créer davantage de pièces uniques pour des performeurs, acteurs ou troupes artistiques. La rentrée arrive avec des événements qui j’espère, me permettront de développer encore plus mon réseau et ma clientèle. J’ai des idées de shootings photo avec différents thèmes, et j’essaye de me créer de nouveaux challenges régulièrement ! Certaines dreadeuses me font rêver car leur travail est magnifique et j’ai sans cesse envie de m’améliorer. Ce shop, c’est presque le début de l’aventure pour moi, même si concrètement, cela fait huit ans que je fais des dreadlocks.
J’imagine difficilement pouvoir retrouver un job d’employée par la suite pour des raisons évidentes. Le fait d’avoir mon propre studio, de gérer mon travail et de n’avoir de comptes à rendre à personne sont des libertés que j’aurais du mal à abandonner même si je sais que j’y serai sûrement amenée un jour.
En conclusion
Dernièrement, un ami m’a dit :
« Lorsque tu as ouvert ton shop, cela m’a fait beaucoup réfléchir à ce que je voulais dans la vie. Je ne veux plus gâcher mon temps, je veux suivre mes rêves. »
Et ça m’a touchée. Car il y a des jours évidemment où le moral est bas, la confiance en soi pas vraiment là et où on se pose beaucoup de questions sur ce que l’on fait. Le travail en partenariat est également difficile à certains moments, et la remise en question est perpétuelle.
Mais avant tout, je pense que chacun devrait croire en ses rêves et projets. Évidemment parfois, cela paraît impossible et une des difficultés est aussi de savoir ce que l’on veut vraiment faire dans la vie. Nous sommes dans une société où on est élevés avec le schéma « études/carrière/retraite », et cela m’a paniquée plus jeune car je ne me voyais pas choisir un travail à 25 ans pour le reste de ma vie ni prendre des décisions qui conditionneraient toute mon existence.
Je suis contente de prouver qu’on peut faire des études, voyager, faire des stages, s’établir, partir, revenir, et tout recommencer dans un autre pays, même plusieurs fois d’affilée.
Souvent je me dis que je suis chanceuse, et que j’ai rencontré les bonnes personnes aux bons moments et que je suis née dans la bonne famille. Mais un jour une amie m’a dit : « Non, ce n’est pas de la chance, tu te donnes les moyens de faire ce que tu veux. » Et je réalise que oui, durant ces huit dernière années, de ma chambre d’ado à mon shop, j’ai fait du chemin, j’ai passé des heures à penser et à développer ma petite entreprise. Et ce que j’ai maintenant, c’est la réalisation d’années de travail pour poursuivre une passion malgré les bâtons dans les roues !
Maintenant, je me dis que si je décide d’arrêter dans six mois, je pourrai retrouver ce vieux journal intime où j’avais écrit ma liste de rêves, rayer « avoir un dreadshop », passer à la ligne suivante et me dire que si je m’en donne les moyens, je pourrai sûrement réaliser beaucoup de choses.
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Retrouvez le travail de Caroline sur son site, sa page Facebook et celle de son shop The Inked Octopus !
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Les Commentaires
@Ghost wind je comprends que ce sujet te tienne à coeur, mais reste calme. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais tu as été agressive dans tes derniers posts alors que les madz en face de toi tentaient de dialoguer (de manière construite et argumentée). Tu as le droit de ne pas être d'accord mais essaie de ne pas réagir chaud ainsi. Merci
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