Quand j’ai commencé à écrire cet article, j’avais évidemment une petite liste de films en tête mais je voulais aussi me renseigner un peu. Problème… les trois quarts des livres qui parlent de travestissements, les trois quarts des liens qu’on trouve sur Google ne traitent que d’un travestissement : celui des hommes qui se griment en femmes.
Pourtant, le travestissement inverse, femme en homme, est tout aussi intéressant ! C’est un symbole fort, une forme d’émancipation par l’appropriation des codes du dominant… Et puis, personnellement, je ne trouve rien de plus troublant qu’une femme à moustaches et favoris. Voilà, c’est dit !
Bref, je n’avais pas énormément de choix mais j’ai quand même fait une sélection, alors voici pour vous mes Drag Kings de cinéma préférés.
Julie Andrews dans Victor Victoria
Julie Andrews est une actrice fabuleuse quelles que soient les circonstances, donc ce n’est pas une surprise de la voir dégouliner de charisme lorsqu’elle adopte le costard pingouin.
Dans Victor Victoria, elle n’est pas nécessairement crédible en homme, mais en homme travesti en femme, elle serait presque trop crédible. Comment ça, je vous ai perdu-e-s ?
Victor Victoria, c’est l’histoire d’une artiste qui retrouve le succès en se faisant passer pour un Drag Queen dans une revue. Double niveau de travestissement donc ! Même dans La Nuit des Rois de Shakespeare, on ne faisait pas mieux !
Barbra Streisand dans Yentl
Autre actrice outrageusement fabulous : Barbra Streisand a aussi enfilé le costume d’homme dans un film moins vaudevillesque et plus dramatique, Yentl.
Elle y incarne donc Yentl, une jeune juive polonaise qui, par ambition et soif de connaissance, se travestit pour intégrer une école religieuse juive. Là où, dans le livre dont le film est adapté, Yentl finissait mal, châtiée pour avoir osé transgresser les normes genrées, dans le film, ses revendications sont plutôt montrées comme positives, ce qui est nettement plus cool.
Sans compter que l’interprétation de Barbra Streisand est carrément chouette et que « je la trouve vraiment très beau »…
Valérie Lemercier dans Le derrière
Attention : ce film est un sacré ramassis de clichés sur les homosexuels un rien difficiles à digérer.
Néanmoins, Valérie Lemercier en petit jeune homme maniéré, je ne sais pas pourquoi, mais ça marche. Y a un côté décalé vraiment assumé. Elle a un truc. Et puis, je dois avouer que je l’aime bien, Valérie Lemercier, même quand je la croise au détour d’une rediff de comédie française.
Là, je la trouve assez crédible en jeune homme… et très mignon !
Kim Sun-young dans Land of Scarecrows
Attention bis : film bizarre de chez bizarre, mais aussi très beau, hypnotisant, contemplatif, silencieux, à la fois zen et plein de tension…
J’étais allée voir cet OVNI par hasard parce que j’avais acheté un pass pour un petit festival et qu’en fait, quasiment aucun film ne m’inspirait. Je me suis donc dit : « Alea jacta est : le prochain film qui passe, je vais le voir ».
Et je suis tombée amoureuse, profondément amoureuse de Ji-Young, la transgenre laconique. J’avais déjà croisé l’actrice dans Le Bon, la Brute et le Cinglé où elle joue apparemment un petit rôle, mais là…
Jetez un coup d’oeil à ce film à la fois magique et étrange, vous ne serez pas déçu-e-s !
Hilary Swank dans Boys don’t cry
Hilary Swank a beau être super sexe quand elle se tortille dans des pubs pour parfum, elle a beau m’avoir fait pleurer des torrents de larmes dans Million Dollar Baby, je la préfère pour toujours et à jamais en transsexuel sensible dans Boy’s Don’t Cry.
Je déconseille bien entendu ce film un jour de tristesse mais sinon, foncez ! Vous n’en sortirez pas indemnes.
Glenn Close et Janet McTeer dans Albert Nobbs
Ce film est adapté d’une pièce de théâtre (elle-même adaptée d’un roman) que Glenn Close, qui joua le rôle principal sur scène, mit des années à porter à l’écran. Les deux Drag Kings du film sont les deux faces d’une virilité fantasmée : l’impassibilité de Glenn Close, Albert, se heurte à la volubilité de Janet McTeer, Hubert, qui s’impose en macho sensible.
Les deux personnages campés par les actrices sont terriblement attachants et portent vraiment ce film, dont l’intrigue très Downton Abbey passe finalement au second plan.
Andrée Debar dans Le Secret du chevalier d’Eon et Claire Nebout dans Beaumarchais, l’insolent
Le chevalier d’Eon, un espion français de la seconde moitié du XVIIIème siècle qui vécut comme une femme pendant des années, est une des figures historiques qui me passionne le plus.
Dans Le Secret du chevalier d’Eon, le travestissement s’inverse : d’un homme changé en femme, le chevalier devient une femme poussée à se travestir… Et j’aurais pu accepter cette idée, même si ça ôte un peu de la réalité du personnage (et en plus, à l’époque du chevalier d’Eon, il y avait beaucoup de femmes travesties dans l’armée, donc quitte à prétendre coller à l’histoire, autant vraiment coller à l’histoire). Mais le film est en réalité une fade romance peu crédible, à l’exemple du Calamity Jane avec Jane Russell, où le caractère subversif du personnage est adouci par un maquillage impeccable et une plastique parfaite.
N’empêche qu’il reste quelques bonnes scènes et que… mince, c’est le chevalier d’Eon !
Dans le même rôle, mais avec une apparition assez furtive, j’ai trouvé Claire Nebout fascinante dans le film Beaumarchais, l’insolent. Si seulement on faisait un film sur le chevalier, dans lequel elle tiendrait le rôle principal !
Amanda Bynes dans She’s the man
J’évoquais La Nuit des Rois de Shakespeare pour parler de double travestissement (le personnage de Viola était joué par un homme et se travestissait elle-même en homme) mais ce film, qui est une transposition moderne de la pièce, simplifie les choses en faisant jouer Viola par une actrice.
Si on a osé la qualifier de Playmobil Porcin dans la typologie des films guimauve, je trouve qu’Amanda Bynes tient son meilleur rôle dans ce long-métrage, qu’elle est atrocement choupi/sexy en petit garçon coiffé comme un Beatle et que malgré ses singeries et caricatures, cette comédie conserve une certaine légèreté !
Cate Blanchett dans I’m not there
Quand on demande aux gens ce qu’ils ont retenu de I’m not there, c’est avant tout la performance de Cate Blanchett qu’ils citent. Il faut dire qu’elle porte le segment le plus puissant du film, l’acmée de cette mosaïque délirante inspirée de la vie de Bob Dylan… Et elle est extraordinaire.
Magnifique, et sacrément sexy en Jude, le rocker désabusé.
Larissa Golubkina dans Goussarskaïa Ballada (La Ballade du Hussard)
J’ai déjà parlé de Nadejda Dourova dans mon article sur la littérature russe et comme ce personnage me passionne autant que le Chevalier d’Eon, j’en remets une couche.
Le film Goussarskaïa Ballada (????????? ???????), inspiré librement de la vie de Nadejda Dourova, raconte l’histoire d’un soldat travesti dans l’armée du tsar au début du XIXème siècle. Si, comme pour le Secret du Chevalier d’Eon, on a transformé le tout en gentille bluette, le personnage demeure toujours aussi frappant et étonnant.
Larissa Golubkina, qui a des faux airs de Shirley McLaine soviétique, campe ici une Nadejda Dourova espiègle au visage d’adolescent mutin. Irrésistible.
Katharine Hepburn dans Sylvia Scarlett
Ce film fit un flop au moment de sa sortie, et des critiques ont suggéré depuis que ses thématiques liées au genre étaient en avance sur leur temps. Aujourd’hui cependant, le traitement semble désuet et caricatural et si Sylvia Scarlett ne méritait certainement pas de sombrer, ce n’est néanmoins pas le film du siècle.
Sauvons malgré tout la remarquable Katharine Hepburn, bien plus à l’aise en garçon qu’en fille (elle minaude atrocement dès qu’elle enfile une robe), et le reste du casting qui se défend très bien !
Voilà pour vous, mes agneaux. Sur le même thème, je recommande aussi Tomboy bien sûr, La Reine Christine avec la magnifique Greta Garbo, Marlène Dietrich dans Morocco, et même une scène de Charlie’s Angels où Cameron Diaz et Drew Barrymore arborent de chouettes fausses moustaches…
Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas à commenter : le sujet me passionne !
Pour conclure, voici un clip avec la chanteuse coréenne Lee Hyori en Drag King macho. Et si ça, ça ne vous donne pas envie d’enfiler un costard et d’aller tester le pisse-debout, je veux bien manger ma cravate !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
J'ai déjà vu FtX et MtX aussi pour les personnes qui ne se genrent pas. La notation reste à l'appréciation de la personne, quoi