C’est l’histoire d’une maladie qui tue les gens qui s’aiment. L’histoire d’une pandémie qui court encore aujourd’hui, même si celle de Covid-19 nous la ferait presque oublier. C’est, aussi, l’histoire d’une pièce de théâtre culte aux États-Unis qui a enfin débarqué en France.
Larry Kramer, l’homme derrière la première asso de lutte contre le VIH et la pièce The Normal Heart
Dans la vraie vie, au tout début des années 1980, alors que survient ce qu’on ne connaît pas encore comme l’épidémie de VIH/sida, le jeune producteur de cinéma Larry Kramer s’en inquiète et co-fonde l’organisation Gay Men’s Health Crisis en janvier 1982 pour accompagner les premiers malades qui en meurent de façon fulgurante. Ce, dans une indifférence suitant l’homophobie structurelle.
Ce militant écrit en 1984 — et crée l’année suivante — The Normal Heart, qui raconte l’émergence du virus et la création de cette association pionnière, avant qu’il ne co-fonde ensuite ACT UP (AIDS Coalition to Unleash Power, soit Coalition contre le sida pour libérer le pouvoir) en 1987.
Perçu comme un alarmiste porteur de mauvaises nouvelles par une partie de ses pairs au tout début de l’épidémie de VIH/sida, Larry Kramer a pu déplaire — notamment à cause de ses méthodes de communication coup de poing.
Et c’est ce qu’il dépeint, sans se glorifier, dans sa pièce de théâtre autofictionnelle, extrêmement poignante, qui commence à faire figure de classique depuis près de quarante ans aux États-Unis (et a même inspiré un téléfilm HBO).
Près de 40 ans après sa création, The Normal Heart se joue enfin en France
Pour la première fois en France — d’abord au théâtre du Rond Point en septembre 2021, et maintenant au théâtre La Bruyère à Paris depuis le 20 janvier 2022 et jusqu’au 15 avril 2022 — The Normal Heart continue de jeter le coeur au bord des lèvres.
En plus d’être une leçon de militantisme et de communication de crise, c’est surtout une histoire de drame médical qu’on a refusé de voir venir, d’injustice sanitaire et sociale, sur fond d’amitiés brisées et d’amours arrachées.
Forcément, ça donne encore plus le vertige de la voir aujourd’hui, alors que la pandémie de Covid-19 s’éternise, qu’on feint d’oublier le tri entre celles et ceux qu’on veut bien laisser mourir ou non, et d’ignorer que les morts continuent encore aujourd’hui de s’accumuler.
Pendant que des personnes vulnérables s’inquiètent de la levée des mesures sanitaires en France depuis le 28 février 2022, The Normal Heart nous rappelle qu’on apprend aussi à vivre avec les pires pandémies. Mais qu’on ne devrait pas pour autant les banaliser, encore moins les oublier.
Des personnages nuancés pour une histoire qui résonne encore plus fort, 40 ans après
Dans cette brillante adaptation et mise en scène de Virginie de Clausade, Dimitri Storoge tient le rôle principal de Ned Weeks, cet écrivain gay qui voit ses amis et amants mourir un à un dans le New York du début des années 1980. La médecin en fauteuil roulant Emma Brookner, jouée par une magistrale Deborah Grall, l’encourage à sensibiliser la communauté gay.
Loin d’être secondaires, les autres personnages, que la lutte divise peu à peu, n’ont rien de manichéen : un golden boy (interprété par Andy Gillet) qui préfère rester dans le placard pour continuer à cumuler publiquement les millions et discrètement les garçons ; un journaliste mode (Jules Pelissier) qui cache son romantisme derrière du cynisme ; ou encore le frère (Michaël Abiteboul) hétéro, un peu beauf, beaucoup avocat, de Ned le héros.
Comme autant de grenades dégoupillées, prêtes à exploser d’amour et de rage, tous ces personnages s’agitent dans un effroyable compte à rebours pandémique.
Qui aurait cru que l’écho d’une telle explosion dans le New York des années 1980 résonnerait tant encore aujourd’hui, à Paris, en 2022 ?
Réservez The Normal Heart, jusqu’au 15 avril 2022.
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Crédit photo de Une : Photo presse © Théâtre La Bruyère.
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