Comme beaucoup de gens, j’ai très mal vécu ma scolarité au collège et au lycée. Certains professeurs me trouvaient un peu stupide, me parlaient lentement avec la tête penchée comme si j’étais un cas désespéré. Pourtant, j’ai toujours su que je n’étais pas bête. Ce n’est qu’arrivée en troisième année de fac, quand j’ai commencé à faire ce que j’aime, que j’ai compris ce qui clochait : les notes.
J’ai grandi dans une école primaire sans notes. De la petite section au CM2, j’ai découvert une autre façon d’apprendre. Peut-être était-ce parce que ma mère était l’une des professeur•es, mais je me suis extrêmement bien adaptée à ce système : je n’étais pas la meilleure élève de la classe, mais j’étais à l’aise et persuadée que je pourrais faire à peu près ce que je voudrais dans la vie. Bon, j’étais quand même nulle en maths (hé, on se refait pas).
Un petit point sur le fonctionnement de mon école
Mon école était un établissement « normal » : ce n’était pas une école Steiner par exemple, les enseignants avaient juste décidé de faire autrement. On n’avait pas de notes, mais des épreuves. L’élève choisissait lui-même quelle matière il voulait approfondir et à quel moment.
Quand il parvenait à valider toutes les épreuves d’une matière, il gagnait une ceinture, comme au judo. Cette récompense, c’était ce qui nous poussait à nous dépasser, à travailler aussi les matières qui nous plaisaient moins. L’idée : récompenser la réussite, au lieu de punir l’échec.
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Arrivée au collège, le choc
C’est donc pleine d’assurance et de confiance que je suis arrivée au collège. Cette période fut comme une baffe en plein figure pour l’enfant que j’étais. Déjà, je me heurtais à la méchanceté démesurée et commune de tout un tas de pré-ados (c’est ma façon poétique de parler d’harcèlement scolaire).
Mais en plus, mes bons résultats à l’école furent vite réduits à néant. J’ai réalisé que le système « classique » ne me permettait absolument pas de m’épanouir, ni de progresser. Tout le monde devait avancer à la même vitesse, avoir le même niveau d’intelligence, de réflexion, et même de créativité… Un truc totalement impossible !
Mes résultats plongeaient de plus en plus. J’étais minée par l’absurdité de ce qu’on me demandait, et j’en étais même à me saborder moi-même. J’étais tellement en colère que je faisais le strict minimum.
Je ne voyais pas l’intérêt d’apprendre une quantité infinie de trucs par cœur, pour les oublier une fois le contrôle passé. Je ne comprenais pas pourquoi en quatrième je faisais des maths d’un niveau si élevé que même mes parents (qui avaient fait beaucoup d’études) ne pouvaient plus m’aider. Alors que je savais pertinemment que JAMAIS je ne me lancerais dans une carrière scientifique.
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Si j’avais déjà l’impression de vivre dans une maison de fous, je n’avais pas encore réussi à mettre le doigt sur ce qui me gênait vraiment. À ce stade, j’étais convaincue que c’était moi qui étais… « dysfonctionnelle ».
La prise de conscience
J’avais drôlement hâte d’arriver à la fac. Ma mère m’avait expliqué que c’était bien plus épanouissant parce que si t’étais très mauvais•e dans une matière, tu pouvais te rattraper en étant très bon•ne dans une autre. En troisième année, j’ai intégré un cursus de journalisme et je m’y suis sentie beaucoup mieux.
Pourquoi ? Hé bien tout simplement parce que chaque cours était une découverte. On était jugé•es sur notre implication, notre participation. À la fin de chaque semestre, on avait pratiquement tou•tes entre 12 et 15 de moyenne : les notes ne comptaient plus. On était là pour apprendre, pour évoluer, plus pour faire les meilleurs scores chiffrés.
C’est de cette façon que j’ai compris ce qui clochait jusqu’à maintenant. On est comme dans cette illustration, qui m’a tout de suite parlée.
Pour une sélection juste, tout le monde doit passer le même examen : merci de grimper à cet arbre.
On est tou•tes logé•es à la même enseigne, tou•tes jugé•es et (constamment) sur les mêmes critères.
Des critères arbitraires qui n’aident pas à notre développement pour notre vie professionnelle, ni à notre épanouissement.
Motivation et performance, deux notions bien différentes
Il y a quelques années, j’ai rencontré une fille qui avait postulé à la même école que moi en terminale. J’avais 10 de moyenne et une volonté de fer : j’étais rédactrice en chef du journal de mon lycée, administratrice d’une association nationale et j’écrivais régulièrement pour un blog participatif.
Mon dossier avait été rejeté d’emblée, je n’ai même pas pu passer le concours écrit. Naïvement, je me suis dit que j’avais été recalée parce que je n’avais pas fait de stage en entreprise.
Et puis j’ai rencontré cette fille, qui avait été admise dans cette école que je briguais. Je m’étais exclamée « ouah, ton dossier devait être blindé ! ». Pas du tout. Elle n’avait pas fait de stage, elle n’avait pas la moindre expérience dans le milieu. Mais elle avait 14 de moyenne.
Cette fille est donc restée un an dans la formation, avant de la quitter parce qu’elle s’est rendu compte que le journalisme ne l’intéressait pas. Quand à moi, c’est devenu mon métier. Et mon chef ne m’a pas demandé ma moyenne à l’épreuve du bac.
Une autre école est possible
Cette semaine, on vous parlait d’Ayla, qui n’est pas allée à l’école. Dans les commentaires, vous étiez nombreuses à vous interroger sur cette solution. Pour ma part, je trouve qu’il faut se permettre d’envisager d’autres solutions que l’école classique. Parce que même s’il y a des personnalités qui y sont totalement adaptées, comme on est tou•tes différent•es, on ne peut pas tou•tes s’y épanouir.
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Mais quid de ceux et celles dont les parents n’ont pas de temps à leur consacrer ? Ils et elles sont voué•es à vivre dans un système qui leur fera croire pendant toute leur scolarité qu’ils et elles sont nul•les ? Dans Demain, l’éducation est l’un des piliers essentiels du changement. Et si on commençait enfin à accepter que chaque individu est différent ?
En 2015, Najat Vallaud-Belkacem évoquait l’idée de supprimer les notes au collège. Une proposition qui a été accueillie par une pluie de tomates mûres (…c’est une image hein, vous m’avez comprise). Pour beaucoup de monde, pas de notes = pas d’enseignement. Il faut en finir avec ces préjugés.
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Les Commentaires
En plus en tant que prof particulier les notes de mes élèves n'ont souvent pas de sens pour moi. Je demande leur niveau, l'on me répond sa moyenne de notes. Ça n'a aucun sens, ça ne m'informe pas sur ce qu'il sait ou pas, ni sur la raison pour laquelle il a cours avec moi. D'ailleurs je n'en mets presque jamais (juste des scores pour des interrogations de vocabulaire pour motiver à dépasser le score précédent)
Et au delà de ça pour en faire des jeunes heureux et des adultes heureux c'est quand même mieux de faire de l'école un lieu de plaisir. Je veux dire la vie est courte, c'est pas la peine de l'empoisonmer plus que ça. Et justement peut être que la vie adulte serait moins naze si on était plus heureux à l'école.