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Société

Comment Google ralentit l’accès à l’IVG aux États-Unis

Le 6 février, une étude du Tech Transparency Project a révélé la manière dont Google aide les cliniques anti-avortement américaines à cibler des femmes enceintes en situation de précarité.

La scène se joue aux États-Unis, dans la ville d’Atlanta, un matin de janvier. Une jeune femme aux revenus bas se tourne vers Google pour trouver une clinique d’avortement près de chez elle. Elle cumule plusieurs mi-temps et ne gagne pas assez pour pouvoir assumer un enfant qu’elle ne désire pas. Dans l’État de la Géorgie, où elle vit, les délais légaux pour avorter sont fixés à six semaines. C’est une véritable course contre la montre. Seulement voilà : ce matin, les publicités qui lui sont présentées lorsqu’elle tape sa requête dans la barre de recherche sont en réalité de fausses annonces pour des cliniques anti-IVG. Elle ne le sait pas, se plie en quatre pour prendre rendez-vous entre ses trois jobs, se déplace pour rien… Et repousse un peu plus le moment de la prise en charge dont elle a tant besoin, au risque de se retrouver hors délais.

Ce scénario vous semble scandaleux ? Pourtant, il est bien réel, à en croire une étude publiée cette semaine par le Tech Transparency Project qui révèle comment Google aide les cliniques anti-avortement à cibler des femmes à faibles revenus aux États-Unis. 

Des annonces qui renvoient vers des cliniques anti-avortement

Les chiffres sont criants : à Phoenix (Arizona) par exemple, 56 % des publicités montrées à des femmes en situation de précarité qui cherchent à avorter sont pour des Crisis pregnancy centers, ces lieux médicaux très peu régulés, emblématique de la croisade anti-IVG aux États-Unis. Le personnel y a notamment pour mission de persuader les patientes de mener leur grossesse à terme par le biais de tactiques douteuses, comme le fait d’offrir des couches ou des biberons à foison, de divulguer de fausses informations sur l’avortement pour effrayer les patientes, ou de refuser d’effectuer des tests de grossesses aux femmes susceptibles d’avorter. Le Tech Transparency Project révèle également que plus les revenus sont élevés, plus le nombre de publicités pour ce genre de lieux baisse : les femmes de classe moyenne n’ont que 41 % d’annonces du genre, contre 7 % pour les femmes aisées. 

Katie Paul, directrice du Tech Transparency Project est catégorique : « En ciblant des femmes à faibles revenus, plutôt que des personnes aisées dans des États avec des lois très restrictives en matière d’avortement, Google court le risque de retarder la prise en charge par une vraie clinique et d’empêcher ces femmes de bénéficier d’un avortement légal et sécurisé. » En effet, cette part de la population n’a souvent pas les ressources nécessaires pour se rendre dans un autre État où les règles en matière d’avortement seraient plus souples, dans le cas où les délais seraient déjà expirés.

À lire aussi : Regardez notre premier MadPrime, spécial IVG : on décrypte les conséquences de Roe vs. wade

Google est un outil politique

Ce n’est pas la première fois que Google se fait épingler sur la question de l’avortement. Alors que l’année dernière, la Cour suprême des États-Unis décidait de revenir sur l’arrêt Roe vs Wade, enjoignant les États à décider d’interdire ou de restreindre l’accès à l’avortement, Google devenait alors un outil politique essentiel. Une étude du Tech Transparency Project remontant à l’année dernière montrait déjà la présence de fausses annonces pour des cliniques anti-IVG prétendant réaliser des avortements sur le moteur de recherche, en décalage complet avec la ligne conductrice du groupe, qui prône pourtant une tolérance zéro en matière de publicité mensongère. Google avait également été sommé de mieux identifier les « Crisis Pregnancy Centers » sur sa plateforme Maps, car les utilisateurs étaient fréquemment redirigés vers ces lieux lorsqu’ils cherchaient des cliniques pour avorter.

À lire aussi : Restreindre le droit à l’IVG peut-il avoir des conséquences sur la santé mentale et le taux de suicide ?

Pourtant, en juillet 2022, sous la pression de sénateurs démocrates, l’entreprise annonçait aussi dans un communiqué arrêter de conserver les données de géolocalisation de ses utilisateurs lorsque ceux-ci se rendaient dans certains lieux sensibles, dont les cliniques pour avorter. Le but ? Empêcher que ces données soient réutilisées par les autorités pour punir et réprimer celles qui auraient recours à l’IVG.

Un pas dans la bonne direction, mais qui reste insuffisant. À l’heure où les débats sur la désinformation font rage, et parce que nombre d’utilisateurs se tournent encore vers la plateforme pour chercher des réponses qu’ils pensent indiscutables — oubliant souvent que nous n’obtenons pas tous les mêmes résultats de recherche, et que Google est intrinsèquement biaisé — il est crucial que le géant de la tech fasse preuve de transparence, surtout lorsqu’il en va de la survie des femmes.


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