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Vie quotidienne

Ma boulimie fait partie de moi, et j’ai décidé de l’accepter

Coralie a encore des crises boulimiques et qu’elle le veuille ou non, cela fait partie d’elle. Même si c’est encore difficile, elle essaye par tous le moyens d’envoyer de l’amour à son corps !

Salut vous !

Cette semaine, Corps à cœur, Cœur à corps

revient avec le témoignage de Coralie qui essaye d’avoir un rapport plus serein à son corps et à sa boulimie.

Si tu n’as pas suivi, il s’agit d’une série de témoignages illustrés, mettant en avant des personnes qui ont décidé d’avoir un regard plus positif vis-à-vis de leurs complexes physiques.

Il ne s’agit pas de se sentir bien À TOUT PRIX (ça suffit les injonctions, oh !) ou de dire qu’il y a des complexes plus importants que d’autres, mais d’observer les chemins que prennent différentes personnes pour se sentir plus en paix avec elles-mêmes.

Tous les corps sont différents, ça te dit de les célébrer avec moi chaque semaine ?

Les illustrations sont faites par mes petites mains et à partir de photos envoyées en même temps que le texte. J’en reçois plusieurs et je choisis celle qui m’inspire le plus.

Donc, sans plus attendre, le témoignage de cette semaine.

Mon corps, ce champ de bataille, promis je vais t’écouter

Du plus loin que je me souvienne, je n’ai jamais aimé mon corps.

Mais la guerre entre lui et moi s’est vraiment déclarée l’année de mes 15 ans. Je me souviens m’être regardée dans le miroir après une dispute avec mes parents.

Je fixais ce corps qui me dégoûtait, qui, malgré les différents régimes, restait gras, gros, repoussant. Je me détestais. Je n’avais qu’une envie : le détruire.

C’est à partir de ce regard dans le miroir, de cette haine envers moi-même et ceux qui essayaient de m’entourer et de me protéger, que j’ai commencé à faire des crises de boulimie.

Avant d’aller plus loin, je voudrais expliquer en quoi consiste la boulimie dans mon cas (je ne connais que le mien et ne me permettrai donc pas de faire des généralités sur une maladie qui peut prendre des formes très différentes en fonction des individus).

La boulimie est un trouble du comportement alimentaire, c’est-à-dire qu’il a modifié drastiquement et durablement mon rapport à la nourriture.

Je pouvais ingérer des quantités astronomique de nourriture, jusqu’à me sentir mal, pour ensuite aller me faire vomir.

Suite à ça, j’avais toujours un sentiment de honte et de dégoût de moi-même. Renforçant l’envie de faire une nouvelle crise. Bref, un cercle vicieux.

Même si quelques crises épisodiques étaient déjà apparues auparavant, c’est à partir de ce moment-là que la situation a dégénéré. Je pouvais avoir plusieurs crises par jour et j’ai perdu le contrôle de la situation.

Les moments de repas étaient devenus des moments d’angoisse car je ne pouvais pas m’arrêter de manger, pour ensuite quitter la table en trombe, direction les toilettes. Une simple remarque sur ce que je mangeais ou sur mon corps renforçait mon comportement boulimique.

Il est clair que ce type de comportement a accentué le dégoût que je pouvais avoir envers mon corps.

J’ai commencé à prendre du poids.

Du coup, je pouvais rentrer dans une phase anorexique pendant quelques jours voire quelques semaines, perdre une dizaine de kilos et recommencer les crises de boulimie de plus belle.

J’étais entraînée dans un cercle vicieux qui a conditionné beaucoup de choses dans ma vie, mais surtout mes rapports aux hommes.

J’étais persuadée qu’aucun homme ne pourrait être attiré par mon corps. Qu’il était trop flasque, trop gros, hors norme.

J’en étais tellement gênée que faire du sport me rendait mal à l’aise. Je voyais le corps des autres filles que je jugeais parfaits, je les comparais au mien et j’avais honte.

Je mettais des habits trop grands pour être sûre que personne ne puisse voir mes bourrelets. Si un homme n’était pas intéressé par moi, c’était parce que j’étais trop grosse. Et si un autre était, au contraire, intéressé, c’est qu’il devait y avoir une erreur.

Grâce à une pédo-psychiatre, à la pleine conscience, au sport, à mes amis et certains de mes ex, j’ai petit à petit appris à accepter mon corps.

Cependant, si j’ai tenu à écrire ce texte aujourd’hui, c’est parce que cette année est une année assez particulière pour moi.

J’ai eu 25 ans en mai dernier et les mois qui se sont écoulés juste avant ont été difficile émotionnellement.

Mes crises, qui étaient toujours présentes mais qui s’étaient espacées au fil des années, recommençaient de plus belles.

J’avais l’impression de revenir 10 ans en arrière. Mon corps, que je commençais à accepter, me dégoûtait à nouveau.

Pour différentes raisons, j’ai décidé de tout plaquer et de partir seule à l’aventure en Amérique latine.

Cela fait maintenant six mois que je voyage seule. Mes crises ont presque disparu. Je crois en avoir eu quatre (je les compte) depuis le début de mon voyage.

Rien que d’écrire ces lignes, j’en ai les larmes aux yeux et je me sens fière. Si les crises se sont arrêtées, c’est parce que j’ai arrêté d’être en combat permanent avec mon corps.

J’ai pris le temps de l’écouter. Le premier mois de mon voyage a été presque exclusivement dédié à ça : écouter ce qu’il avait à me dire.

Arrêter de le priver de la nourriture quand il avait faim. Arrêter de le gaver quand il n’en pouvait plus.

J’ai également essayé d’arrêter de me mettre des objectifs dans le seul but de le parfaire aux yeux des gens.

Je n’ai pas fait une seule séance de sport depuis que je suis partie. Mais je peux me balader pendant des heures dans une ville ou dans la nature.

Je fais ce dont j’ai envie, ce dont mon corps a envie et non plus ce que je crois que les gens attendent de lui et de moi.

J’ai également réalisé une des choses que je n’aurai jamais imaginé possible : j’ai passé mes brevets de plongée. Je suis aujourd’hui Divemaster.

C’est-à-dire que pendant deux mois, je me suis exposée tous les jours en bikini. J’ai côtoyé beaucoup de femmes avec un plus beau corps que le mien mais ça ne m’a pas empêchée d’apprécier mon corps quand je l’observais dans le miroir.

Alors oui, parfois je le déteste à nouveau.

Parfois j’aimerais que mon ventre soit tout plat, que mes bras soient moins flasques et que mes cuisses soient plus fines.

Et puis j’essaye de me rappeler que ce n’est pas en le haïssant que je vais le changer. C’est en l’acceptant, en étant son alliée que je vais pouvoir continuer à avancer et à être bien.

Aujourd’hui, j’ai envie de remercier ce corps qui me transporte dans toutes mes nouvelles aventures et qui me permet de plonger. Je sens encore que nos rapports sont fragiles et que certaines remarques peuvent m’amener à le remettre en question et à le critiquer.

Mais je me sens sur la bonne voie.

Les photos que je t’envoie ici montrent un tatouage que j’ai fait récemment à un endroit de mon corps sur lequel je n’aurais jamais imaginé être capable de le faire.

Ce tatouage est pour moi le plus beau et celui avec le plus de sens. J’ai décidé de faire un coquelicot au départ car je fais une partie de ce voyage avec une amie et nous voulions immortaliser ces moments partagés toutes les deux.

Le coquelicot me représente également bien : c’est une fleur fragile qui va se reproduire en voyageant avec le vent.

Et si je l’ai fait à cet endroit-là, c’est pour mettre en valeur une partie de mon corps que j’ai toujours détestée et qu’aujourd’hui j’essaye d’accepter comme elle est.

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Témoigner sur ses complexes, ça fait quoi ?

J’ai également demandé à Coralie de faire un retour sur cette expérience : témoigner et voir son corps illustré, ça fait quoi, qu’a-t-elle ressenti ?

J’ai voulu participer à l’expérience car je veux écrire sur ma boulimie depuis longtemps.

J’ai énormément d’essais dans mes ordinateurs, feuilles volantes, etc. Mais j’ai toujours ressenti un blocage au bout de quelques pages. Comme si mon histoire, mon ressenti n’avaient aucun intérêt.

Cette chronique me donne un endroit cadré pour partager mon expérience.

Ça a été un exercice difficile pour moi de trouver les mots justes et de pouvoir me relire sans me dire « mais non, ça n’est pas ça que tu veux exprimer ».

J’ai d’ailleurs relu mon texte suite à ce mail et je pense toujours, quelques mois après, qu’il résume bien mon ressenti.

Ma boulimie a toujours été une de mes plus grosses hontes et j’ai envie de passer au-dessus de ça.

J’ai reçu ton mail pour me dire que mon histoire avait été choisie le jour de mon anniversaire et ça a été un très beau cadeau.

En effet, je n’ai pas eu peur que les gens lisent mon histoire et qu’ils me jugent sur qui je suis (car oui, aussi difficile que ça puisse l’être, je considère que la boulimie fait partie de moi étant donné qu’elle a participé à ma construction en tant que femme).

Je pense que si je n’avais pas commencé à travailler mon regard sur mon corps et moi-même, je n’aurais pas été capable de participer à cette expérience.

C’est donc pour moi la preuve d’une évolution.

Ma première réaction en voyant l’illustration a été contradictoire.

Je me suis directement reconnue. Cette image, c’est moi, il n’y a aucun doute là-dessus. Je trouve que tu as un superbe coup de crayon et je trouve cette image très jolie.

Mais en même temps, je n’ai pas pu m’empêcher de penser : « Que vont penser les gens en voyant mes bourrelets ? C’est tout de même la honte de se montrer comme ça au grand public. Est-ce qu’ils ne vont pas se dire que je ferais mieux de cacher ça au lieu de les exposer ? ».

Depuis, je n’arrête pas de regarder ce dessin, et il n’y a rien à faire, je l’aime bien. C’est moi.

Je ne veux plus cacher comment est mon corps (ou en tout cas, j’essaye de m’y atteler au jour le jour).

J’ai pris un petit moment de pause et cela vient de me sauter aux yeux, j’ai trouvé pourquoi j’aimais tant ce dessin !

Il représente un corps de femme et il n’y a aucun doute, ce corps, c’est le mien.

Je le trouve, dans un certain sens, gracieux.

Malgré le fait que je déteste toujours mes bourrelets (surtout si je me focalise dessus), je ne pourrais pas aimer l’ensemble s’ils n’y étaient pas, parce que cela ne me correspondrait pas.

C’est comme si tu les avais rendus nécessaires à la qualité du dessin.

Il y a d’autres éléments que j’ai envie également de préciser avec toi. Je ne sais pas si cela doit faire partie du témoignage mais comme je me suis ouverte à toi sur un des éléments les plus intimes de ma vie, j’aurai l’impression de ne pas avoir été jusqu’au bout si je ne le fais pas.

Depuis mon témoignage, je suis rentrée en Belgique. Le retour n’a pas été facile et les crises de boulimie sont réapparues de manière plus récurrentes.

Cependant, je ne vois pas cela comme un échec. Que je le veuille ou non, la boulimie fait partie de moi et c’est un mécanisme auquel je me raccroche dans les périodes difficiles.

On ne se sépare pas d’une aussi (mauvaise) vieille habitude si facilement.

Par contre, je m’efforce d’en parler à des personnes proches, à ne pas rester seule dans ce problème et, encore une fois, à m’efforcer de ne pas en avoir honte.

Je pense sincèrement être sur la bonne voie (avec des hauts et des bas, comme tout un chacun).

Je voulais encore te remercier de m’avoir permis de faire ça. Je t’avoue que même si je me réjouis que l’article sorte pour voir ce que cela donne, j’ai également une petite partie d’angoisse. Qui me semble normale quand on se livre sur un sujet qui m’est aussi sensible.

Cependant, je pense que je suis prête pour cela.

Je te remercie également pour le dessin. Je vais le garder précieusement !

Je pense sérieusement à l’imprimer pour l’avoir, peut-être pas exposé, mais au moins toujours à portée de main.

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Les Commentaires

9
Avatar de loumarcise
5 décembre 2018 à 11h12
loumarcise
Je pense qu'on ne guérit jamais complètement de la boulimie.

En tout cas, pour ma part, j'ai du mal à imaginer ma vie en étant totalement libérée. Elle fait tellement partie de ma vie, de mes comportements et même de mes pensées.
J'ai du mal à imaginer ne plus penser à ce que je mange, à mes prochains repas. A ne plus me voir de façon déformée dans le miroir. Je sais que je peux aller mieux. Mais la boulimie fait tellement partie de ma vie aujourd'hui que j'ai du mal à visualiser un avenir où elle n'aurait pas un impact, même lointain et faible, dans mon rapport à ma nourriture, mon corps ou les autres.
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