La double championne du monde d’échecs, Anna Muzychuck, a annoncé dans un post Facebook du 23 décembre qu’elle ne se rendra pas au prochain championnat, ce qui aura pour cause directe la perte de ses deux titres.
« J’ai décidé de ne pas jouer selon les règles de quelqu’un d’autre », la résistance d’une joueuse d’échecs
Anna Muzychuck refuse de participer à cette compétition car celle-ci se déroule à Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite. Or, il n’est pas inconnu que ce pays est ultra-conservateur et loin d’être à la pointe en termes de droits des femmes et d’égalité (rapport que les femmes vont à peine avoir le droit d’y conduire, à partir de juin 2018).
La troisième joueuse mondiale explique qu’en plus de ses titres, c’est à l’équivalent de l’argent d’une douzaine d’événements combinés auquel elle renonce. Mais elle reste ferme.
« J’ai décidé de ne pas jouer selon les règles de quelqu’un d’autre, de ne pas porter l’abaya, de ne pas être accompagnée lors de mes sorties et somme toute de ne pas me sentir comme une créature inférieure. […] »
L’abaya, c’est une tenue traditionnellement portée par certaines femmes de confession musulmane. Elle recouvre presque l’intégralité du corps, et peut être combinée avec un voile ne laissant apparaître que les yeux.
Le problème qu’Anna Muzychuck pointe du doigt ici n’est pas le fait de porter l’abaya en lui-même, mais plutôt qu’il s’agisse d’une injonction. En effet, c’est l’obligation de porter une tenue qui lui confère son caractère oppressif.
S’il avait été imposé aux femmes vivant en Arabie Saoudite de porter tout l’attirail propre au football américain, la joueuse d’échecs aurait certainement eu la même réaction : défendre sa liberté de porter ce qu’elle veut.
Peu pratique pour jouer aux échecs, vous en conviendrez.
Ce n’est pas là qu’une question de conviction personnelle :
la jeune femme est prête à renoncer à ses titres pour opposer son désaccord. C’est là pour elle l’essence même de son combat.
« Je suis prête à me lever pour mes principes et à manquer cet événement. »
Daenerys approves.
Anna Muzychuk ne sera pas un pion dans le jeu de l’oppression (et elle a déjà gagné)
L’inquiétude d’Anna Muzychuk était également liée au manque d’intérêt et de protestations face au choix de Riyad comme lieu de compétition.
« Le plus contrariant est que presque personne n’en a réellement quelque chose à faire. »
Malgré cela, sa sœur Mariya a suivi le mouvement, tout comme 150 autres joueurs professionnels selon Le Parisien.
Cependant, il est vrai que l’annonce de la part de la FIDE (fédération internationale de joueurs d’échecs) de faire se tenir la compétition en Arabie Saoudite date du 9 novembre, et qu’il aura fallu que des joueuses et joueurs renoncent au championnat pour que l’information commence à être vraiment relayée.
C’est en tous cas une belle illustration de la difficulté des choix à faire pour être en accord avec ses principes et la personne qu’on est, mais aussi du fait que renoncer ne signifie pas toujours perdre ni se rendre.
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