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Cinéma

Maïwenn : « Avec ADN, j’ai voulu parler de mon obsession »

Le 28 octobre, Maïwenn dévoile son nouveau film ADN au cinéma. Elle revient sur sa quête identitaire dans un film de nouveau très personnel.

Mise à jour du 28 octobre 2020

Le 11 septembre, Maïwenn dévoilait son film ADN en avant-première au festival de Deauville.

Récemment, lors de sa tournée promotionnelle, Maïwenn a tenu des propos polémiques sur le féminisme, et sur la dernière cérémonie des César.

Dans un souci de soutenir l’industrie cinématographique en ces temps difficiles, la rédaction de madmoiZelle a décidé de re-publier l’interview de la réalisatrice qui sort son nouveau film le 28 octobre 2020.

Publié le 16 septembre 2020

« Ce sont des âmes d’ancêtres qui nous occupent », cite Maïwenn lors de notre entretien à Deauville. Elle tire cette phrase de Nedjma de Kateb Yacine, roman dont elle emprunte aussi le nom pour construire la genèse de celui de son personnage dans ADN : Neige.

Pour son cinquième film, toujours aussi personnel, Maïwenn se lance dans la construction de l’identité de Neige, se faisant porte-voix d’une époque en quête de sens, avec un besoin de renouer avec ses racines.

ADN, portrait d’une génération déracinée

Ça c’est une belle chose… On peut choisir qui on est.

Maïwenn commence ainsi notre entretien lors du festival du cinéma américain de Deauville, où elle présentait en avant-première mondiale son nouveau film, ADN.

Le titre du film se réfère directement au test ADN que fait Neige, la protagoniste du film incarnée par la réalisatrice elle-même :

Avec ADN, j’ai voulu parler de mon obsession, mais je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel. Je pense que je corresponds à un questionnement universel. Les gens ont vraiment envie de savoir de façon médicale, scientifique, d’où ils viennent. Après il y aura toujours des gens qui diront : « Ces tests ne veulent rien dire, c’est pas scientifique ». Je l’ai fait faire à 25 personnes, le test. Des gens de tous pays, on mettait des faux noms… Franchement, c’était à chaque fois très troublant, donc moi j’y crois à 200%.

Evelyne Heyer, professeure en anthropologie génétique, vient de publier le 9 septembre L’Odyssée des gènes dans lequel elle dédie un chapitre à ce genre de tests ADN vendus en kit sur le marché. Elle explique leur origine et fonctionnement pour madmoiZelle :

Au départ, ces tests ont été développés pour les Afro-Américains qui voulaient retrouver leurs racines puisqu’ils ne pouvaient pas remonter au-delà de l’arrivée des esclaves en Amérique. Ça fait plus d’une dizaine d’années qu’ils utilisent ces tests, mais depuis cinq ans, ils sont beaucoup plus démocratisés.

Le principe, c’est qu’on prend votre ADN et c’est comme si on la découpait en petits bouts pour comparer chaque bout à des populations de référence.

Le problème, c’est que les boîtes dépendent de leurs populations de référence. Par exemple, en Europe, on se ressemble d’autant plus génétiquement qu’on est proche géographiquement. Autrement dit, si la population de référence pour la France sont des gens de Nice, et que vous, vous êtes du Nord de la France, le test va plutôt dire que vous êtes Belge, parce que vous ressemblez plus génétiquement à un Belge qui vit à 30km qu’à un Niçois à 800km de vous. Donc c’est arbitraire, mais assez exact !

C’est certainement un test bien plus important pour des gens qui ne connaissent pas bien leurs origines.

Depuis une trentaine d’années, l’importance de la filiation biologique grandit. Ça a commencé avec les Afro-Américains, on le voit aussi avec les gens adoptés qui veulent retrouver leurs parents, il y a une vraie importance du biologique. C’est une manière aussi de se connaître. Mais je suis assez sceptique, car si vous découvrez que vous avez des origines vietnamiennes mais que vous avez été élevée en France, vous êtes plus française que vietnamienne. À mon avis, l’identité biologique ne doit pas primer sur les autres identités, elle n’est pas meilleure.

En effet, Neige se voit vite frustrée par ses résultats scientifiques, et tente d’enclencher une discussion avec sa famille et ce pays qui tient une place toute particulière dans son cœur : l’Algérie.

ADN, un voyage initiatique vers une nouvelle vie

On ne sait rien de Neige sinon qu’elle est entourée d’une famille dysfonctionnelle (mais quelle famille ne l’est pas ?).

On rencontre son grand-père, interprété par Omar Marwan, avant qu’il ne meure subitement. Pourtant, il hantera le reste du long-métrage en se faisant le principal moteur de la quête de Neige. Le film se découpe alors en trois thèmes : l’affrontement du deuil, le déchirement ou la reconstruction d’une famille, et la quête de soi.

Trois aspects de la vie qu’on tend à prendre pour acquis : on dit de manière tautologique que « la famille, c’est la famille », que la mort fait partie de la vie, et que les gens ne changent pas.

Maïwenn déconstruit ces mythes :

Je me suis aperçue que ces trois choses étaient modulables à la mort de mon grand-père. C’est comme si d’un coup je m’étais dit : « Je vais choisir qui je veux être pour le reste de mes jours ».

Comment donner du sens à un deuil ? Est-ce qu’un deuil réussi est une étape indispensable dans une vie ? Peut-être que les deuils sont là pour nous donner une autre vie, une autre chance, une autre perspective. Maintenant, je peux en parler avec de la distance, mais il m’a fallu du temps. Je suis heureuse d’avoir de nouveaux centres d’intérêts dans ma vie, une nouvelle vie, un nouveau cerveau. Ça m’a lavé le cerveau, lavé le ventre. Mon rapport au monde n’est plus le même. Moi je suis restée la même, j’ai les mêmes traits de caractère, mais j’ai l’impression de vivre sous le regard de mon grand-père, de mes grands-parents.

Ainsi, Maïwenn déroule sa quête de l’Algérie à travers le personnage de Neige, à la recherche de la présence de son grand-père.

Une galerie de personnages hauts en couleur qui oriente la quête

La grande force d’ADN, c’est son casting couplé à ses personnages variés.

Fanny Ardant campe une mère névrosée, Alain Françon un père désintéressé, Marine Vacth un sœur qui se défile, Dylan Robert un cousin plein de compassion, Louis Garrel un ami fidèle et présent, et j’en passe.

Ces personnages, aussi nocifs puissent-ils paraître, orientent la quête de Neige au moment du deuil :

Je pense que c’est une aberration de faire son deuil en tant que famille, tous en même temps. Chaque personne a son rapport particulier à la mort, au chagrin et au défunt aussi ! On n’est pas tous dévastés de la même manière. Neige, mon personnage, est la personne qui est la plus attachée à son grand-père, et qui a une relation complètement toxique avec ses parents. Elle décide de prendre sa vie en main pour ne plus jamais être la même. Elle décide de s’intéresser à ses origines parce qu’elle ne s’y est pas assez intéressée avant. Elle sent qu’elle va vivre différemment grâce à sa nouvelle relation à son pays, l’Algérie.

Les scènes de chaos familiales apparaissent aussi hilarantes que cruelles, et ce grâce à la justesse des acteurs dirigés par la réalisatrice, réputée pour sa capacité à retranscrire des dialogues naturalistes :

Les dialogues sont écrits, mais je demande à mes comédiens de transcender le texte, d’être eux-mêmes, de faire ce qu’ils veulent. J’aime sentir les acteurs libres, j’aime quand ils s’amusent, j’aime être surprise, j’aime les accidents, la grâce, l’écoute.

Tout se joue au son. Je sens dans mon oreille quand tout est faux, quand tout est fabriqué, ou quand les acteurs se font violence ! S’ils veulent trop ressembler à leur personnage, je le sens aussi. Ce que j’aime, c’est quand ils laissent le personnage venir à eux, quand c’est un mélange d’eux et du personnage. Je recherche de la justesse, des notes. Mais je serais incapables de les donner avant des les mettre en scène.

Cette hilarité que déclenche le film lors de sa projection à Deauville est en grande partie due au rôle de François, brillamment interprété par Louis Garrel, qu’on se régale de retrouver dans la comédie :

C’était important pour moi de parler des choses essentielles, des choses graves, mais qu’on ait un regard sur la mort cynique et hilarant. Parce que je pense que c’est la vie, c’est comme ça que j’aime la vie, c’est en étant accompagnée par des gens qui relativisent.

Et puis c’est aussi parce que c’est un hymne à l’humour, tout ce qui a un rapport avec l’humour me rappelle mon grand-père. C’était quelqu’un d’hilarant ! J’ai toujours baigné dans des relations hilarantes, avec mon grand-père, les hommes que j’ai aimés, mes enfants… Je ne fais que courir après des situations drôles. Et je pense que c’est grâce à mon grand-père, qui me faisait rire tout le temps.

ADN sortira le 28 octobre au cinéma.

Retrouvez les aventures Alix, envoyée spéciale à Deauville

Pour suivre mes aventures au Festival du cinéma américain de Deauville, rendez-vous sur le compte Instagram de madmoiZelle pour découvrir les IGTV du vlog Festoche Cinoche Pistoche sorti tous les jours pendant le festival.

À lire aussi : Face aux César 2020, ma honte, ma colère, puis mon optimisme


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Les Commentaires

13
Avatar de Juub
29 octobre 2020 à 23h10
Juub
Du coup petit message un peu HS, mais les derniers propos de Maïwenn me fait un peu remettre en question certaines scènes dans son film Polisse.

Contenu spoiler caché.
21
Voir les 13 commentaires

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