Je suis hypocondriaque.
Pas depuis petite, pas depuis toujours.
Je suis hypocondriaque depuis que des problèmes gynécologiques mal diagnostiqués ainsi qu’une négligence de ma part m’ont envoyée à plusieurs reprises à l’hôpital.
Pour mieux comprendre, revenons 5 ans en arrière.
La première fois que j’ai eu peur pour ma santé
Le matin du 30 décembre 2015, je décide de quitter Marseille où je passe mes vacances de Noël pour profiter d’une journée ensoleillée au bord de la piscine d’une amie, dans sa grande maison de Solliès-Pont.
Avec mon mec, on prend la caisse tôt, pour optimiser au mieux le temps de glande et de pétanque une fois sur place.
La maison de Louise est pommée au beau milieu de plusieurs hectares de figuiers et de mimosa. C’est un endroit sublime où je passe régulièrement des week-ends et autres vacances d’été depuis que j’ai 7 ans.
Mais un endroit plutôt reculé, peu facile d’accès, même en voiture.
Une fois arrivés, nous passons une journée délicieuse, tout à fait à l’abri du vacarme marseillais, à jouer aux boules et boire du rosé en pulls légers.
Le soir venu toutefois, je me sens fébrile.
Mes symptômes étant proches de ceux d’une ovulation douloureuse, je ne m’inquiète pas plus que ça.
Au bout de plusieurs heures pourtant, la nuit hivernale tombant, j’éprouve une souffrance bien plus vive, localisée en bas à droite de mon abdomen.
Comme si quelqu’un m’appuyait très fort sur un ovaire, comme si on me versait de l’eau brûlante dessus pour l’anéantir.
Mais je suis dure au mal, et évoque simplement une sensation désagréable à mon mec, qui me supplie de rester vigilante.
« Si tu es mal dans une heure, on appelle les pompiers ! Il ne faut pas déconner avec cette zone, ça pourrait très bien être une appendicite. »
Le mot est lancé, je commence à flipper.
Seul problème de ce potentiel appel aux pompiers ? Il est 2h du matin, nous sommes loin de la ville et le chemin qui mène à la maison n’est pas du tout éclairée.
Je parviens à m’endormir un peu mais me réveille trempée de fièvre et agitée par la nausée.
Ma première salpingite
Je parviens à peine à me trainer de mon lit pour vomir sur le sol de la salle de bain, le corps raide et secoué par des soubresauts comme je n’en ai jamais eus.
J’ai l’impression que je vais mourir, et je hurle à mon mec qu’il faut appeler les pompiers tout de suite. Les pompiers nous disent d’appeler le SAMU.
Celui-ci arrive TRÈS longtemps après notre coup de fil, étant donné l’accès compliqué à la maison et la date à laquelle nous sommes.
En effet, c’est la nuit du 30 au 31 décembre et les gens qui ont tendance à faire appel aux services médicaux d’urgence pour une indigestion sont nombreux en période de fêtes.
C’est du moins ce que m’explique l’un des soignants qui se moque de moi, persuadé que je l’ai fait venir pour une grippe intestinale.
À l’hôpital pourtant, je hurle de douleur à tel point que l’on m’administre une perfusion d’une substance qui me calme. Impossible de déterminer ce que c’est, et à ce stade de souffrance, je m’en fiche.
On me conduit voir un médecin qui me diagnostique une gastro et me prescrit du SMECTA :
« C’est très courant les gastros à cette période de l’hiver. Et puis vous auriez abusé de la nourriture que ça ne m’étonnerait pas. C’est ce que font les gens en période de fêtes. »
J’attrape sa blouse dans un geste de colère inquiète et crie :
« Je sais que c’est pas une gastro. Je connais mon corps ! Je veux un deuxième avis ! Je veux voir une gynéco ! »
En effet, j’ai l’intime conviction que le problème réside dans mes ovaires ou dans mes trompes.
Une heure et des brouettes plus tard, je suis enfin présentée, sur un brancard, à une gynécologue qui me fait une écho et d’autres examens complémentaires.
Le verdict est sans appel : je dois être opérée dans l’heure pour cause de salpingite aiguë.
Si tu ne connais pas la salpingite, il s’agit d’une inflammation d’une ou des deux trompes utérines (aussi appelées trompes de Fallope) qui peut aussi bien n’avoir que de très petites conséquences que de très grosses, à savoir la stérilité.
Elle est souvent due à une IST mais peut aussi être causée par des bactéries.
Dans mon cas, le mycoplasme responsable est plutôt commun et ne provoque que des problèmes bénins chez beaucoup de femmes.
Sauf que ce qui aurait pu n’être chez moi aussi que bénin s’est transformé en quelque chose d’assez important nécessitant une opération d’urgence.
Et c’est ma faute, car j’ai longtemps négligé mon état de santé.
En effet, depuis plusieurs mois je souffre régulièrement de crises spasmodiques que je prends pour des manifestations hormonales.
Bref, je suis opérée d’urgence, on me nettoie cette infection, et je reste quelques jours à l’hôpital.
De nouvelles douleurs à l’abdomen
En octobre 2019, après deux autres épisodes bénins, les symptômes émergent de nouveau.
Toutefois un docteur de SOS médecin me diagnostique une pyélonéphrite aigüe, à savoir une infection bactérienne qui touche les reins.
Je me permets de questionner son avis, lui précisant que j’ai déjà eu des problèmes de trompes et qu’il est possible que je fasse un nouvel épisode de salpingite.
Le docteur maintient son diagnostique et me prescrit des antibiotiques.
10 jours plus tard, alors que je suis censée aller beaucoup mieux, je vais en réalité de mal en pis.
Je finis donc par filer à l’hôpital car la fièvre ne baisse pas, pas plus que ma douleur d’ailleurs.
Aux urgences, un médecin pressé m’explique :
« Le gars de SOS Médecin vous a filé un mauvais antibiotique. On va vous faire une perf avec un nouveau, et vous allez le prendre en cachet pendant plusieurs jours ensuite, chez vous. »
Je suis soulagée !
Seulement, le lendemain, je me réveille dans un lit couvert de sang noir, mon ventre est dur, je peux sentir mes organes gonflés en posant juste une main sur mon petit bassin, et j’ai 40 de fièvre.
Épuisée, au bout de ce que je peux supporter physiquement, j’appelle ma mère en pleurant.
Il est très rare que je cède aux larmes.
Vraiment très rare.
J’ai appris par un père strict et pudique qu’il fallait contenir ses émotions et paraitre dur dans la vie, pour ne pas se faire bouffer par les autres.
Alors quand je fonds en larmes, c’est que j’ai perdu pieds.
Une opération supplémentaire pour soigner mes trompes
Ma mère m’aide à prendre une douche pour laver tout le sang et m’emmène à l’hosto en voiture.
Je ne peux pas m’arrêter de pleurer à l’idée de passer de nouvelles heures aux urgences, de raconter les mêmes choses en boucle à des médecins surmenés qui font du mieux qu’ils peuvent mais ne peuvent pas passer 4 piges avec le même patient, et de probablement subir une opération avec tout ce que cela implique : la douleur au réveil, les jours de convalescence, la morphine qui assomme etc.
Arrivée aux urgences gynécologiques de l’hôpital franco-britannique de Levallois, bonne surprise : je tombe immédiatement sur des médecins très impliquées et concernées.
La différence avec ceux que j’avais vus jusqu’alors ? Ces médecins sont des femmes.
Je ne dis pas que les hommes sont moins compétents, mais peut-être que les femmes écoutent mieux les problèmes gynécologiques, pour en être elles-mêmes concernées.
J’en vois 3 dont 2 chirurgiennes, qui après une écho posent un verdict : il faut opérer vite vu le niveau de l’infection. ENCORE.
Pour vérifier tout cela, elles me font tout de même passer un scanner.
Le problème ? Pas de place avant 1h30 et je suis allergique à l’iode, que l’on doit injecter aux patients avant l’examen.
Bref, je passe des heures à attendre, à passer un scanner, à attendre de nouveau, le tout jusqu’à 11h du soir.
Les médecins décident finalement de ne m’opérer que le lendemain matin.
À savoir le jour de mon anniversaire.
Là encore, pas de chance !
Une envie de se faire retirer les trompes contestée
Après cette seconde opération découlant du même problème que la première, la chirurgienne me confie que mes deux trompes sont plutôt abimées, surtout la droite, et qu’il est possible que je refasse des épisodes infectieux.
Elle évoque également la possibilité d’une grossesse extra-utérine (l’ovule fécondé se développe en dehors de l’utérus) causée par des trompes malades.
Cette nouvelle a raison de mon moral et de ma sagesse.
Épuisée d’avoir mal, éreintée à l’idée de peut-être repasser un jour sur le billard, lasse d’avoir cette épée de Damocles dans mon bas ventre, je discute longuement avec la chirurgienne d’une ablation de ces trompes, qui m’handicapent et me torturent.
Elle m’intime d’y réfléchir à tête reposée, en prenant bien soin de considérer les conséquences d’une telle chirurgie, à savoir l’incapacité à avoir des enfants de manière naturelle.
Seulement voilà : je ne veux pas d’enfants, je n’en ai jamais voulu, et je refuse de mettre ma santé en danger pour avoir de potentiels mômes dans 10 ans.
La gynéco, très à l’écoute, m’explique qu’elle comprend mais qu’il n’est de toute manière pas question de réaliser une telle opération tout de suite, car mon ventre est encore chaud de l’infection passée.
Elle me conseille également d’en parler à mon gynécologue habituel.
Ce dernier est tout à fait choqué par ma décision.
« Mademoiselle, c’est ridicule, vous n’avez que 27 ans. Que ferez-vous lorsque vous voudrez avoir des enfants ? »
Je lui réponds que je n’en veux pas, ce à quoi il éructe :
« Vous n’en voulez pas maintenant mais vous en voudrez dans quelques années, comme tout le monde. Vous n’allez pas sacrifier ça quand même ! »
J’ai envie de lui hurler en pleine tronche qu’il s’agit de mon corps, que j’en fais ce que je veux, et qu’il n’est personne pour contester ma non-envie d’enfanter.
Les enfants ne m’intéressent pas pour plusieurs raisons qui me sont personnelles. Je suis peut-être pessimiste et cynique, mais je trouve le désir mettre au monde un mioche sur une planète où tout va mal pour son petit bonheur personnel, très égoïste et irresponsable.
C’est mon avis, il n’engage que moi, et je n’emmerde personne avec.
Alors pourquoi les autres, et des hommes en plus, m’emmerderaient-ils ?
L’ablation d’au moins une trompe
Depuis, j’ai vu d’autres gynécologues afin de réaliser des check-up réguliers et la plupart sont réfractaires à l’idée de me retirer au moins l’une de mes trompes.
Je comprends parfaitement qu’ils sont tenus de bien m’expliquer les conséquences d’une salpingectomie, mais entre le risque de faire une grossesse extra-utérine, de me faire réopérer, de souffrir encore et celui de ne jamais pouvoir enfanter naturellement, mon choix est fait. Il faut qu’ils le respectent.
Seule la chirurgienne qui m’a opérée la seconde fois est de mon avis.
Elle comprend ma décision, d’autant que je voyage beaucoup et qu’un autre épisode infectieux à l’étranger pourrait être vraiment dangereux.
Elle et moi, nous avons décidé d’une opération à la rentrée.
Dépendamment de l’état de mes trompes, elle verra sur le moment s’il est nécessaire d’enlever les deux trompes ou si une seule suffit.
Le principal est que ces trompes malades ne soient plus une cause permanente d’inquiétude.
Car depuis 5 ans, la moindre douleur au ventre m’inquiète au point que je vais voir des gynécos quasiment toutes les deux semaines, sans le dire à personne par peur que l’on me prenne pour une folle.
La réalité, c’est que je suis terrorisée à l’idée qu’une bactérie, un germe ou n’importe quoi ait raison de ma santé sans que personne ne s’en rende compte.
Je suis devenue hypocondriaque et compte bien sur cette opération pour m’alléger l’esprit et relativiser de nouveau.
Alors je n’aurai jamais cru écrire ça, mais il me tarde de retourner à l’hôpital…
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