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Société

Ma colère face au score du FN, et ce qu’elle m’a appris

Esther est passée par différentes phases depuis le 23 avril. Du désespoir à la colère en passant par le besoin de réconfort, elle entame une nouvelle étape : l’écoute et le dialogue.
Ce témoignage a été écrit à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, au lendemain de la qualification de Marine Le Pen pour le second tour.

Il s’agit uniquement d’une réaction personnelle et de pistes de réflexion, en aucun cas d’une injonction à partager ce point de vue, à imiter cette conduite.

Ça sort du coeur et des tripes, ce n’est pas un tract de bonne conduite pour l’entre deux tours. Je comprends très bien que certain•es ne se sentent pas ou plus l’énergie de réagir comme cela.

Dimanche 23 avril 2017. Quinze ans après, le Front National est à nouveau au second tour de l’élection présidentielle. De 4,8 millions en 2002, il a cette fois-ci réussi à réunir près de 7,7 millions de voix. Un record absolu, semble-t-il.

Ce sont donc 7,7 millions de personnes, qui ont glissé dans l’urne un bulletin aux couleurs de la haine, sur fond de repli sur soi généralisé, emballé dans une enveloppe de méfiance.

Méfiance à l’égard de celui ou celle qui est « différent » peu importe la manière, à l’égard de cet étranger qui n’en est pas un la plupart du temps, méfiance qui repose sur l’idée que seule, la France s’en sortirait mieux.

Mon désir d’humanisme et mon idéal de société viennent de prendre une sacrée gifle.

Alors oui, j’ai d’abord eu besoin d’amour. L’envie de fondre dans les bras de ceux dont je sais qu’ils partagent mes valeurs, comme pour me rassurer, me convaincre que celles-ci n’ont pas été définitivement abandonnées.

Le choc… et la colère

Mais oui aussi, je me suis mise en colère. En colère contre ce score faramineux, en colère qu’il ne provoque plus de surprise et plus tellement d’indignation visiblement, en colère que beaucoup, peu importe leur position sur le spectre politique, ne semblent plus voir ce que représente ce parti.

En colère parce que j’ai voté pour un candidat qui avait pour moi le seul programme viable et raisonnable et qu’il n’est pas au second tour — une simple réaction partisane, comme on en voit fleurir partout.

En colère que l’on puisse comparer un parti qui porte la haine en étendard à n’importe quel autre.

En colère contre ceux qui n’ont pas voté comme moi et qui appellent aujourd’hui au vote blanc, comme si deux programmes qui en réalité à mon avis ne bénéficieront ni l’un ni l’autre aux pauvres pouvaient être mis à égalité, alors que l’un d’eux porte en plus de cela les germes de la haine.

(Partez pas, je vais revenir sur ces propos un peu plus loin.)

Ne pas oublier le vrai visage du FN

Sérieusement, j’ai eu envie de hurler à ces partisans du FN tout le mal que je pensais d’eux. Puis de crier à la face de mes amis futurs abstentionnistes ou votant blanc à quel point je ne comprenais pas qu’ils en arrivent à cette conclusion alors qu’on a un putain de danger en face de nous.

À lire aussi : Quand le maire est FN, que se passe-t-il en ville ?

Parce que le FN après tout, ça reste la fin du regroupement familial, la fin du délit d’entrave numérique à l’IVG, la fin du soutien à nombre d’associations.

Ça reste l’intimidation des journalistes et des opposants politiques, ça reste la fin de l’Europe qui quoi qu’on en dise, est ultra-libérale certes mais contribue grandement à protéger un certain nombre de nos droits sociaux.

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Ça reste l’éventualité d’un État sous lequel il sera vraiment, vraiment plus compliqué de faire entendre des voix dissidentes, y compris en battant le pavé.

À lire aussi : Rencontre avec Insaf Rezagui, 22 ans et candidate aux élections législatives

Des affrontements politiques jusqu’à l’épuisement

Et puis, je me suis fatiguée de hurler. Je me suis fatiguée de vous voir hurler les uns contre les autre.

Maintenant qu’on a bien craché notre venin, si on prenait du recul ?

Et je me suis posée une question : comment on en est arrivés là, bordel ? Comment sommes-nous parvenus à nous fracturer à ce point ?

Et au-delà, maintenant que c’est fait, maintenant qu’on apparaît clairement aussi divisés

, que je n’ai même plus envie de chercher du réconfort dans les bras de certains de mes amis les plus proches parce que je veux leur prouver à quel point ils ont tort à mon sens… on fait quoi ?

L’empathie comme maître mot

D’un coup, un mot a « popé » dans mon espace mental : « Empathie »

Mais oui, c’est quoi déjà l’empathie ? Dans Le Larousse, cette notion est définie comme telle :

« Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. »

En fait, ce serait pas ça, qu’on n’a pas suffisamment fait ces dernières années ? On n’aurait pas oublié, collectivement, d’ôter nos baskets pour enfiler celles des autres ?

Enfiler les baskets, ou plutôt enfiler les lunettes de ceux qui nous font face ?

Prenons les électeurs du FN par exemple. Je ne met pas dans le même panier le Front National, ses instances dirigeantes, ceux qui sèment délibérément la haine, et les millions de gens qui ont glissé dans l’urne un bulletin de vote Marine Le Pen.

Tous ceux-là, je ne pense pas que la haine leur soit intrinsèque. Sans doute qu’elle l’est pour certains, mais je doute que ces 7,7 millions de Français aient tous la haine chevillée au corps comme principal motif de vote.

Certains doivent adhérer aux thèses violentes du FN, sans doute, certains sont des trolls, certains sont en colère contre la classe politique actuelle et ont décidé de lui donner une leçon, certains veulent « renverser le système ».

Beaucoup d’entre eux sans doute ont le sentiment de hurler leur désespoir face aux difficultés qu’ils rencontrent, sans que personne n’entende ni ne réponde. Et beaucoup ont peur, aussi, probablement.

Mais finalement, plutôt que de les percevoir uniquement comme un « banc de connards » au sein duquel incube la haine de « l’Autre », peut-être que j’aurais dû tendre l’oreille, et ouvrir les yeux que j’avais détournés de ce que j’estimais être un spectacle indigne et violent.

Peut-être que je suis largement aussi responsable, parce que cet « Autre », pour moi, c’est justement celui qui vote FN ? Et que du même coup, il serait tant que je (re-)commence à leur parler, à ces gens.

À lire aussi : Lettre à mon papa, qui vote désormais FN

De même pour mes fameux abstentionnistes : j’ai beau ne pas adhérer à leur raisonnement, c’est le moins qu’on puisse dire, est-ce que je suis en train de faire avancer les choses si je n’essaie pas d’abord, de comprendre d’où ils partent pour arriver à cette conclusion ?

À lire aussi : Cyrus North te parle élections, abstention… et ça vaut (vraiment) le détour

Poser des questions

Et pour ça, je pense qu’il n’y a pas de meilleur outil que l’empathie. Qu’il faut commencer par rétablir la communication. Établir non pas un canal défouloir, mais bien un canal d’écoute « active ».

Une écoute qui nous pousse à poser des questions pour approfondir, pour creuser davantage les sources de la colère, du repli. Une écoute en empathie.

S’écouter et s’interroger, les uns et les autres.

Attention, je ne dis pas que c’est une démarche à sens unique. Si je la fais, j’espère avoir en face des gens qui seront prêts dans une certaine mesure à la faire aussi.

Je ne parle pas non plus de tout excuser, car beaucoup de choses ne sont pas excusables. Mais je veux comprendre.

Et agir au quotidien

Car une fois qu’on aura fait le tour de ce qui nous pousse, chacun, à penser comme on le fait, peut-être qu’on prendra conscience qu’en fait, on est nombreux•ses à vouloir la même chose.

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On est tous effrayés par le futur, que ce soit par le danger écologique qui se profile, par la peur de ne pas boucler la fin de mois, ou par celle de ne pas trouver notre place dans cette société.

Mais ce n’est pas en se traitant mutuellement comme des pestiférés qu’on parviendra à combattre ces phénomènes. Non, c’est en se parlant, et en mettant en place de vraies actions, de celles qui réparent les liens sur lesquels on a trop tiré.

Il en existe des tas, et ouais, c’est utopique de penser que tout le monde va mettre la main à la pâte, que tout le monde n’en a ne serait-ce que la possibilité, et qu’on va tous se tendre la main plutôt que de se tourner le dos.

À lire aussi : Politique, société, démocratie… et si, plutôt que de se résigner, on se retroussait les manches ?

Mais si moi, je commence par là, et par donner à d’autres l’envie de faire pareil, c’est déjà pas mal.

Ouais, c’est utopique. J’assume.

Je vous jure, rien que le temps d’écrire tout ça, j’ai envie de monter trois associations différentes. Je ne pourrai pas tout faire, mais peut-être que je peux nous faire confiance collectivement pour mettre en place ce type de projets.

À lire aussi : Rencontre avec Nina, qui sillonne la France pour « Le Verre Politique »


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

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Avatar de Gia_Juliet
2 mai 2017 à 21h05
Gia_Juliet
Si tu veux "toucher" efficacement les gens, touche à leur portefeuille. Faire payer de sa poche une intervention médicale à un couple après x PeC "abusives" par les autres contribuables (ce qui est une idée extra à la base mais qui risque de disparaître à force d'abus), je pense que c'est bien et qu'étrangement une quantité de énièmes début de grossesses "accidentelles" n'arriveront plus. Confondre contraception et avortement ça arrive encore oui --', à un moment donné il faut aider efficacement à se responsabiliser si on en est incapables seul-es (avis perso et tout à fait critiquable hein!).
De toute manière, un-e médecin correct-e aidera tout le temps la patiente et suivra son avis naturellement dans ce genre de situation (si sa santé n'est pas en jeu), donc pas de stress. En revanche, je ne suis pas contre un encadrement plus clair et dissuasif ou "choc" des PeC suites à des conduites "à risque" volontaires (cigarettes, non-suivi des ttts etc).
Edit: Mario, sauf que ce n'est pas du tout ce que j'ai écrit! Personne ne compte péter des records ou ne rêve d'IVG sur soi-même je crois, c'est ce que je veux dire. On ne lit ni l'une ni l'autre dans les pensées de l'autre, donc pas de souci ^^. L'IVG comme tout ttt doit être pris en charge par la société, mais au bout d'un certain nombre de préventions et d'interventions tu préfères qu'on dise tant pis pour vous? Quand est-ce qu'on responsabilise les gens ou qu'on arrête de les infantiliser?
Cela dit ta réflexion est intéressante (et ta réaction ne me donne pas totalement tort sur le fait que l'argent est bien le nerf de la guerre): si tu as les moyens d'avoir un smartphone, de sortir boire/manger/danser en soirée, d'avoir des produits Hi-Tech ou leurs accessoires, de voyager etc, c'est que tu es suffisamment riche pour acheter/te procurer des capotes ou un ticket de bus pour te rendre chez ta/ton gynéco... Ou, il y a des tarifs/frais adaptés à tes ressources.
Un-e diabétique, on lui explique sa patho, les risques, les ttts un certain nombre de fois mais s'il/elle ne respecte pas les recommandations de pros sur son alimentation et son ttt bah tant pis au bout d'un moment, il/elle est seule responsable de ses choix et actes.
Des mêmes patient-es plus malins que le corps médical qui viennent se plaindre exactement des mêmes maux, symptômes, causes, pour toujours les mêmes raisons (des négligences volontaires de leur part) on en a tous les jours. Certain-es, réagissent enfin et seulement quand on leur dit au bout de xxxxxxxxxxxxx répétitions qu'ils se mettent en danger et qu'à la prochaine même visite il est préférable d'acheter un marbre des PF et une concession directement avant de passer. C'est quand même triste d'en arriver là, n'est-ce pas?! Mais on ne peut pas tenir la main des gens sans cesse. Soit ils sont responsables soit ils ne le sont pas (en général pour les derniers cités, réellement dépendants, il y a un protocole particulier pour les aider).
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