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Culture

Les femmes peuvent-elles tout avoir ? Le débat fait rage aux US

A la suite d’un article posant la question de l’accomplissement des femmes, un débat est relancé aux États-Unis : les femmes peuvent-elles tout avoir ? Décryptage.

Depuis quelques jours, aux États-Unis, le débat sur la notion d’accomplissement des femmes est relancé. Sur Twitter, sur le hashtag #havingitall, les échanges et les arguments ont été vifs et nombreux. Retour sur une confrontation d’arguments qui dure depuis plusieurs jours.

Les prémices : l’article d’Anne-Marie Slaughter

Jusqu’en janvier 2011, Anne-Marie Slaughter était la directrice de la planification d’Hillary Clinton, secrétaire d’État aux affaires étrangères, un poste qui était alors pour la première fois occupée par une femme. Un poste à (grandes) (et nombreuses) responsabilités qui en faisait l’une des personnes les plus importantes de l’administration Obama. Pourtant, en 2011, elle a décidé de mettre fin à cette partie de sa carrière, restant consultante pour le secrétaire d’État mais retournant avant tout à l’université de Princeton, à proximité de laquelle réside sa famille, où elle a repris ses activités de professeur de politique et d’affaires internationales. En reprenant son ancien job, elle retrouvait alors le domicile conjugal, son mari qui a toujours encouragé sa carrière, mais aussi et surtout ses deux enfants de 14 et 12 ans qui commençaient leur crise d’adolescence.

Récemment, elle a réalisé qu’elle n’était pas la seule membre féminine de l’administration d’Obama à avoir démissionné et que toutes les femmes qui ont préféré être démises de leurs fonctions ont été remplacées par des hommes. Elle a donc décidé de prendre la parole dans un long, très long article pour The Atlantic où elle explique les raisons qui ont fait qu’elle n’a pas su concilier son travail passionnant et sa vie de famille, malgré un soutien inébranlable de son époux. Cet article, intitulé Pourquoi les femmes ne peuvent toujours pas tout avoir ? et qui n’est disponible qu’en anglais, a été partagé des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Il dézingue les clichés qui voudraient que, dans notre société, quand on veut, on peut toujours, répond plutôt par la négative à la question « les femmes peuvent-elles tout avoir ? » et explique qu’il y a une véritable nécessité de trouver des solutions pour que plus rien n’empêche les femmes de s’épanouir dans tous les domaines.

Dans cet article, Anne-Marie Slaughter nous dit, en gros, quelque chose comme « cessons de croire que nous pouvons tout avoir. Constatons ensemble pourquoi nous ne pouvons pas tout conjuguer, d’un travail fantastique qui nous prend du temps aux enfants, ces créatures chronophages, et cherchons à trouver des solutions à ces problèmes qu’on refuse de regarder en face ».

Avec cet article, c’est un clivage qui perdure entre les féministes qui ressort au grand jour. Pour schématiser et simplifier ce problème, nous pouvons dire qu’il y a d’un côté, celles qui pensent que dire que les femmes ne peuvent pas conjuguer une vie professionnelle des plus éreintantes à une vie de famille épanouie est un non sujet. De l’autre, il y a celles qui pensent que les difficultés des femmes à assurer sur tous les fronts ne sont pas une légende, qu’il ne faut plus se voiler la face mais qu’il faut au contraire y réfléchir. Au milieu, il y a celles qui prônent avant tout l’épanouissement de chacun. Un épanouissement qui ne répondra pas au même critère selon les individus, puisque chacun a une manière bien personnelle de considérer le bonheur.

Le contre-exemple : Sheryl Sandberg

Dans l’article d’Anne-Marie Slaughter, on peut lire ceci :

« J’ai été celle qui, pendant ses cours, disait aux jeunes filles « vous pouvez tout avoir et tout faire, quelque soit votre secteur. » Ce qui signifie que j’ai été, bien que malgré moi, de ceux qui ont fait culpabiliser des millions de femmes incapables d’évoluer dans leur carrière à la même vitesse que les hommes tout en ayant une famille et une vie active à la maison (et tout en restant mince et belle, par-dessus le marché). »

C’est bien la preuve qu’elle a pensé qu’il était possible de tout conjuguer au point de répandre cette idée. Elle a probablement été convaincue à un moment de sa vie que si une femme s’en donnait tous les moyens elle pourrait alors devenir la Wonder Woman qu’elle avait toujours rêvé d’être.

Cette Wonder Woman, qui a réussi sa carrière comme sa vie de famille existe : elle s’appelle Sheryl Sandberg. Directrice générale de Facebook, elle est la cinquième femme la plus puissante du monde selon Forbes

 de l’année 2011. Comme le rappelle Rue89, ses secrets pour assurer sur tous les fronts se résument en trois tout petits points :

  • exiger de son partenaire qu’il prenne en charge la moitié des tâches ménagères,
  • ne pas sous-estimer ses talents,
  • ne pas en rabattre sur ses ambitions par peur de ne pas parvenir à concilier la famille et le travail.
"Ok alors, je viens de faire le pontage coronarien de Madame Michût, ensuite, je file sous la douche pour aller faire les courses, je rentre pour faire un gâteau pour l'anniversaire d'Enzo-Léandre et on finit de manger fissa parce que j'ai encore mon blog mode à mettre à jour" (Immersion dans la tête d'Ingrid, cardiologue)

"Ok alors, je viens de faire le pontage coronarien à coeur battant de Madame Michût, ensuite, je file sous la douche pour aller faire les courses, je rentre pour faire un gâteau pour l'anniversaire d'Enzo-Léandre et on finit de manger fissa parce que j'ai encore mon blog mode à mettre à jour" (Immersion dans la tête d'Ingrid, cardiologue et femme accomplie)

Anne-Marie Slaughter lance une petite pique à Sheryl Sandberg de Facebook dans son long article sur The Atlantic, estimant que ce qui sonne comme de précieux « encouragements » de la part de la directrice générale de Facebook contient en réalité une certaine « dose de reproches ». Une façon de mettre la pression sur les femmes pour qu’elles revoient toujours leurs objectifs personnels à la hausse en leur disant « regardez, faites comme moi : c’est possible et c’est très simple, de réussir ».

La réponse de Jezebel

Si l’article d’Anne-Marie Slaughter pose les bonnes questions et impose un certain point de vue (bien que beaucoup trop fataliste à mon goût) sur les chances qu’ont les femmes de réussir sur tous les plans, il ne trouve en revanche pas écho chez tout le monde. Ainsi, pour contrer les arguments de l’ancienne directrice de la planification politique d’Hillary Clinton, la réponse de Lindy West pour Jezebel fait office, semble-t-il, de référence.

"De sages paroles, par Jezebel"

"De sages paroles, par Jezebel"

A Anne-Marie Slaughter qui explique pourquoi les femmes ne peuvent toujours pas tout avoir, Lindy West expose un argument différent :

« Personne « ne peut tout avoir » – ni les femmes, ni les hommes, ni les présidents, ni les héritières, ni les bébés, ni les chatons (peut-être les chatons). L’idée qu’il y ait une seule définition homogène de ce « tout » que toutes les femmes seraient supposées désirer est douloureusement réducteur. […] Il n’y a pas un seul but pour tout le monde (hommes ou femmes), et pourtant, le féminisme nous a vendu une définition du succès qui, quand on y regarde bien, reste extrêmement confuse. Et je pense que mon principal problème avec l’article d’Anne-Marie Slaughter, c’est qu’elle essaie d’arriver à une conclusion à propos de cette chose qui n’a pour ainsi dire pas de définition. Elle semble penser que cet obscur objectif de « tout avoir » […] est préjudiciable, mais elle le légitimise en écrivant à son propos d’une manière aussi révérencieuse ».

Et si c’était ça, le problème ? Et si Anne-Marie Slaughter voulait tout simplement ériger en vérité universelle un objectif qui lui est propre (et qui est propre à des milliers d’autres femmes, bien sûr) ? Et si les hommes comme les femmes ne devraient pas, au fond, vivre leur vie comme ils l’entendent et lever le pied quand ils se sentent un peu surmenés ? Et si, le meilleur moyen d’être une Wonder Woman qui réussit tout ce qu’elle entreprend n’était pas de se débarrasser de ces diktats qui voudraient nous voir à la fois comme des carriéristes victorieuses, comme des mères parfaites avec leurs mouflets tout en étant les plus fantasques et les plus souples amantes du monde ? Le meilleur moyen de combattre ces prérogatives que la société actuelle pourrait nous imposer n’est-il pas de faire comme si elles n’existaient pas ? Tout ceci semble évident quand on pense que, de toutes façons, nous ne partons pas avec les mêmes prédispositions et surtout pas les mêmes envies, puisque nous ne serons pas toutes mères, ou nous ne chercherons pas toutes à sans cesse évoluer dans nos futurs ou actuels métiers.

Notons que bien longtemps avant que le débat ne soit relancé outre-atlantique, Ophélie s’était déjà posé la question : doit-on être une femme accomplie ?, demandait-elle avant de continuer :

« Maintenant que nous travaillons toutes (ou presque) et que les femmes se sont émancipées, maintenant qu’il est absurde d’être une femme sans se définir par l’adjectif féministe, maintenant que nous possédons le pouvoir de diriger notre vie, nous ne nous sommes pourtant toujours pas débarrassées de cet idéal d’accomplissement.

Plus que jamais j’ai l’impression que l’accomplissement passe par la réussite totale, il ne suffit plus de posséder des qualités morales ou sociales, il faut maîtriser chaque domaine de compétences et être la meilleure en tout. »

Et vous, que pensez-vous de ces différents arguments qui méritent tous, au fond, d’être pris en compte ?

Pour plus de lectures (en anglais) sur le débat :

  • Un article de Victoria Bekiempis pour The Guardian,
  • Un « portrait croisé » d’Anne-Marie Slaughter et Sheryl Sandberg pour le blog Postcards,
  • Un post de blog sur la version américaine de Slate à propos de l’écrit d’Anne-Marie Slaughter.

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Les Commentaires

8
Avatar de Ancien membre
3 juillet 2012 à 23h07
Ancien membre
J'ai lu les deux lettres, et pour celles qui trouvent les 6 pages de la première fastidieuses, je cite ci-dessous les moment qui m'ont le plus parlé (avec mes commentaires (très) perso en éditant le poste).

De manière générale la réponse de West est à mes yeux drôle mais trop courte et peu creusée.
Après, tous les modèles de "femmes qui ont tout" m'ont bien fait rire : on connait peut être leur carrière mais pas leur vie de couple. S'il suffit d'accoucher pour régler la case "le succès familiale", en effet il y en a qui y arrivent.... Quant à Slaughters, malgré le style que j'apprécie, son article perd de son intéret à partir du moment où elle nous explique qu'elle se lève à 4h du mat tous les jours. Je pense qu'un homme aurait tout autant sacrifié sa vie de famille à ce poste. Il ne s'agit pas d'un simple boulot, c'est une vie d'engagement, ça va au de là de la distinction famille/travail.

// racontage de vie //

C'est un débat qui me parle, comme il parle à énormément de femmes j'imagine. Je suis dans le domaine universitaire, où, contrairement à ce qu'on pourrait penser, on bosse énormément. C'est un domaine extrêmement comptétitif, les places sont rares, les heures ne se comptent pas. Ce n'est pas un boulot où on est obligés par contract d'avoir des horaires infernaux, au contraire, tu peux te limiter à tes 7h de taff par jour la majorité des jours, mais il ne faut pas compter sur un poste après avec ce genre d'attitude. Celui qui réussit, en plus d'être compétent à la base, c'est celui qui est dispo les dimanches à 6h du matin quand il le faut, qui répond aux mails H 24, qui est réactif. Heureusement, comme le dit Slaughters, dans le milieu académique tu peux te permettre de bosser chez toi de temps en temps, et ça, ça te permet une certaine flexibilité ou, comme moi aujourd'hui, de travailler quand même un peu les jours où tu es malade.
Dans ce milieu il y a une majorité de femmes aux postes "les plus bas" (et il ne s'agit pas de dégrader ces postes, c'est là que je suis actuellement, il faut bien commencer par le plus bas...), et quasiment uniquement des hommes au top. En gros les femmes entrent dans le travail de par leurs capacités, mais elles ne gravissent pas les échelons. Pour parer à ça, je dirais que la technique adoptée par une bonne partie des femmes consiste à décider de fonder une famille soit vers 25 ans, soit vers 45 ans, c'est à dire d'éviter la période 30-40 ans de pleine explosion de la carrière. Je ne vois pas trop ce qu'on peut faire de mieux. C'est ce que j'ai prévu pour moi...

// fin de racontage de vie //

--- SLAUGHTERS ---

Just about all of the women in that room planned to combine careers and family in some way. But almost all assumed and accepted that they would have to make compromises that the men in their lives were far less likely to have to make.

Oui, c'est exactement ça.

These considerations are why so many career women of my generation chose to establish themselves in their careers first and have children in their mid-to-late 30s. But that raises the possibility of spending long, stressful years and a small fortune trying to have a baby.

Many others who have decided to step back for a while, taking on consultant positions or part-time work that lets them spend more time with their children (or aging parents), are worrying about how long they can “stay out” before they lose the competitive edge they worked so hard to acquire.

Là on touche au coeur du problème. Faire des enfants ok, choisir le meilleur timing ok, avoir un père hyper impliqué prêt à laver les couches ok...mais dans tout ça est-ce qu'on est au moins sûres de conserver les mêmes chances de réussite que l'homme, tout simplement ?

recognize the hidden costs of assuming that “time is cheap.”

Big up pour la phrase la plus intelligente de l'année.

Women who have children in their late 20s can expect to immerse themselves completely in their careers in their late 40s, with plenty of time still to rise to the top in their late 50s and early 60s.

Exactement la conclusion à laquelle j'en suis arrivée pour moi.

A seminal study of 527 U.S. companies, published in the Academy of Management Journal in 2000, suggests that “organizations with more extensive work-family policies have higher perceived firm-level performance” among their industry peers. These findings accorded with a 2003 study conducted by Michelle Arthur at the University of New Mexico. Examining 130 announcements of family-friendly policies in The Wall Street Journal, Arthur found that the announcements alone significantly improved share prices. In 2011, a study on flexibility in the workplace by Ellen Galinsky, Kelly Sakai, and Tyler Wigton of the Families and Work Institute showed that increased flexibility correlates positively with job engagement, job satisfaction, employee retention, and employee health

...évident.

But now is the time to revisit the assumption that women must rush to adapt to the “man’s world” that our mothers and mentors warned us about.

Perplexe par rapport à cette phrase. Concrètement où sont les solutions ?

--- WEST ---

seeing as "it all" is a completely made-up, baseless magical construct that doesn't mean anything. And no, we certainly can't "have" things that don't exist.

Il suffit de comparer la vie de couple de ses amis à la sienne pour s'apercevoir que ce qui convient à l'une ne convient pas à l'autre. Encore le succès professionnel est gradable, le succès de famille beaucoup moins. Une personne peut penser avoir tout réussi, sa voisine penser d'elle qu'elle a tout foiré. Si le succès c'est avoir un taff et des enfants, ça ne veut rien dire pour moi. Mais ce n'est pas la bonne interprétation de l'article de Slaughters à mes yeux...

Maybe some women don't find happiness at home. Maybe some women do find happiness in their careers

En effet.

And that attitude comes heartbreakingly close to capitulation. Feminism is hard. Women are just different

Et donc, elles ne le sont pas ? Ce sont juste de petits êtres faibles dénués d'ambition ?

Women are not monolithic, and culture is so exhaustingly complex that there are no concrete finalities about what people should do.

D'accord et pas d'accord à la fois. Bien sûr que si, les cultures dictent un modèle. Libre à nous de le suivre ensuite...
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