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Photo de la série Better call saul
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Survie et syndrome de l’imposteur : Better Call Saul est un puzzle moral toujours brillant

Tout le monde aime Better Call Saul, mais n’est-ce pas parce que son personnage principal est le reflet de nos propres angoisses ? Retour sur une série brillante.

Attention : cet article contient des spoilers sur la dernière saison de Better Call Saul

Après un manège d’un gros lustre, c’est presque fini. Le mardi 24 mai, les fans de Better Call Saul se sont connectés à leur compte Netflix et ont assisté à un cliffhanger choquant, brillamment réalisé mais un peu voué à arriver : dans cette fin de série, les mondes parallèles se rencontrent enfin, et ça fait boum.

Il va falloir attendre encore une demi-douzaine de semaines, et ce sera parti pour les tout derniers épisodes qui, enfin, feront le lien avec Breaking Bad, l’autre série de Vince Gilligan. Et c’est justement l’une des nombreuses qualités de cette série — montrer un point d’entrée, un point d’arrivée, et prendre le temps de montrer comment les wagons se raccrochent. Ce n’est jamais sans douleur.

Better call Saul nous rappelle les meilleures heures de Netflix

Better Call Saul partage quelques propriétés avec Bojack Horseman. Même si le premier n’est pas un « Netflix Original », les deux ont l’aura d’une fiction des débuts du réseau de VOD — une époque où il offrait plus de latitudes sur les pitchs et les reconductions. Le dément Tuca & Bertie, féministe en diable, aurait sans doute aimé avoir la même longévité que Bojack sur le même site.

Séries qui fonctionnent comme les moteurs diesel, elles donnent l’impression de s’améliorer constamment, et ont le courage d’assumer diégétiquement ce qu’elles font. Mais Better Call Saul a aussi une propriété qui a valeur d’enjeu dramatique : si la série précède Breaking Bad, elle condamne par design tous ses personnages originaux, et le jeu de massacre a déjà commencé. Certes, le débonnaire Jimmy Mc Guill devient Saul Goodman, l’avocat véreux des cartels du Nouveau-Mexique. Mais que va devenir Kim Wexler qui, contre vents et marées, reste avec lui ? On ne le sait pas encore, et son sort provoque une anxiété progressive chez le public.

Cette série nous scotche, même si les personnages s’enfoncent toujours plus loin dans un vortex moral.

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Un hymne au syndrome de l’imposteur

Et pourtant, ces personnages, nous les aimons. Fin juillet 2021, quand Bob Odenkirk, l’interprète de Saul, fait un accident cardiaque en plein tournage de ladite saison, l’internet se tourne dans sa direction pour lui souhaiter un prompt rétablissement. Si ce mec a l’air éminemment sympathique, au-delà de son passif de comédien absurde avec son duo David Cross, c’est peut-être aussi, parce que, nous nous retrouvons toutes et tous un peu dans ce personnage. En tout cas… dans les débuts de sa série consacrée.

Attention : à partir de ce point, je spoile les grandes lignes de l’intrigue jusqu’au début de la dernière saison.

Better Call Saul nous narre les péripéties de Jimmy McGill, avocat qui sort des clous — il a la tchatche, le bagout, d’aucuns diraient qu’il sort de « l’école de la rue », et a ses diplômes, fussent-ils passés en ligne via une obscure université samoane. Il cultive toujours un réel attachement à la profession et une fierté de l’exercer, mais il est complexé par sa relation conflictuelle avec Chuck McGill — son aîné carré, rigoureux, mais parfois un sacré connard.

Le début de la série nous confronte au syndrome de l’imposteur de Jimmy, qui a une conception bien à lui de la discipline.

La série commence sur un idéal de probité, là où les gros légumes, installés dans des cabinets à gros sous, sont éloignés de la réalité du terrain. Néanmoins, il ne faut pas l’oublier, ce protagoniste est surnommé « Jimmy La Glisse » pour une raison : il a l’embrouille et l’arnaque facile. Comme Breaking Bad, dont elle introduit la diégèse, cette œuvre se passe au Nouveau-Mexique, où les cartels dominent ; et la transformation en Saul Goodman, avocat vérolé pour truands et infréquentables, est le fil rouge de la série.

Jimmy McGill et la survie

Mais ce n’est pas ce qu’on retient, ou plutôt, on a tendance à de moins en moins refouler le reste. Au début, Better Call Saul est le portrait d’un hustler, figure éminemment américaine, de quelqu’un qui se bat contre le reste du monde ; contre les éléments, contre lui-même et surtout contre son grand frère qui n’a de cesse de le rabaisser.

À ses côtés, Kim Wexler, la Bonnie de son Clyde, personne d’une grande probité qui cherche toujours à aider son prochain et se passionne pour le pro bono, quitte à torpiller des opportunités dans des grands cabinets. Ce couple un peu improbable et leurs ambitions seront au cœur des premières saisons, avant que ne s’installent, progressivement, les intrigues de gangsters qu’on sait immunisés ou non pour la suite des événements. Jimmy McGill, lui, n’est pas non plus un gentil garçon. Il a une aura de gouailleur qui, écrasé par l’égo d’autrui, doit franchir les limites pour survivre. Mais ces dernières sont rapidement excessives.

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Copyright Greg Lewis/AMC

Dans la saison 3, il falsifie des documents liés à une action de classe qui rythme toute la série, et gaslight son frère (qui se dit atteint d’hypersensibilité électromagnétique) jusqu’à ce que ce dernier ne se suicide. Et nous à la fois d’être soulagés de voir la culmination d’évènements attendus depuis bien longtemps, horrifiés, et troublés de voir un billard à dix bandes néfaste, perpétré avec de mauvaises intentions… mais dont on nous a toujours glissé les raisons et les motivations.

Better Call Saul est génial quand il s’agit de ne pas savoir quoi nous faire penser. Couplé à un grand sens de la cinématographie, un art constant des amorces et des chutes d’épisodes, cette série est d’une beauté froide, comme une colère larvée qu’on sent monter et qui pourrait exploser à tout moment.

Attention : cette fois je vais frontalement parler des événements de la dernière saison.

Plusieurs fois, on aura discuté des fameux points de bascule de la série. Mais le moment dantesque de télévision que nous a offert Plan And Excecution, le dernier épisode avant le break final, en est sans doute l’ultime, parce qu’il concerne le plus de personnages.

S’y frotter (et s’y piquer)

Dans cette sixième saison, trois intriguent évoluent en parallèle, et toutes peuvent se résumer à « se venger et pourrir quelqu’un », même si tout le monde n’a pas les mêmes motivations.

Jimmy et Kim, désormais mariés, font tout pour pourrir la carrière d’Howard, avocat très propre sur lui qui officie dans le cabinet fondé par le frère de Jimmy. Pourquoi ? Car il a fait une proposition de travail un peu condescendante à ce dernier. Certes, il y a des antécédents, mais Howard a parfois été là pour valoriser Jimmy dans l’adversité. Il va chez le psy, son mariage bat de l’aile, pas grand-chose qui ne semble mériter une vendetta humiliante qui, et c’était vraiment bizarre, va jusqu’à exciter sexuellement ses instigateurs quand elle aboutit.

C’est un superbe piège dans l’écriture de cette série. Les agissements de Jimmy ressemblent à ceux d’un méchant de slasher — invincible, toujours avec deux bandes de réflexion en avance sur tout le monde. Mais dans les épisodes précédents, l’inévitable se rapproche. Des personnages qui n’appartiennent pas du tout aux mêmes sphères commencent à se croiser. Quand Howard va dans l’appartement du couple pour leur dire ses quatre vérités et leur faire entendre ce qu’ils sont réellement ; il se trouve que Lalo Salamanca, boss final de la série et véritable cauchemar pour tout le reste du casting, va payer une visite au couple au même moment, et trouer la tête d’Howard qui finit sa vie humilié et en colère, parce qu’il s’est trouvé au moment endroit et au mauvais moment.

C’est parfaitement injuste, et les cris d’horreur de Kim, qui a, verbatim, « un cuir bien plus épais », seront, on l’espère, ce qui la fera fuir l’intrigue au lieu de perdre des plumes. Car à l’instar de BoJack Horseman, qui explorait des mécaniques différentes de toxicité, la série n’hésite pas à assumer les conséquences des actes de ses personnages.

Et nous de nous demander : et si, parfois, le syndrome de l’imposteur était justifié ? Où commence la résilience et où s’arrête le fait d’être un escroc ? Pas des questions qu’on a envie de se poser, mais après cet été, d’une manière ou d’une autre… on aura plus à se les poser.

Regardez Better Call Saul sur Netflix

À lire aussi : Cinq raisons de regarder « Better Call Saul »

Crédit photo : Better Call Saul (Allociné) Copyright Greg Lewis/AMC/Sony Pictures Television


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Les Commentaires

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Avatar de LutinDesbois
31 mai 2022 à 19h05
LutinDesbois
J'ai justement regardé le dernier épisode en ligne y a 2 jours. Au début c'était "marrant" de les voir faire chier Howard. Mais comme dit l'article, on se rend compte qu'il va pas très bien, que là c'est la goutte d'eau et pour finir, Lalo met le point final.
J'avais pas tilté que ça les émoustillait de faire ça. Et maintenant que je m'en rends compte je trouve ça encore plus glauque.
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Voir les 2 commentaires

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