J’ai découvert deux jeux lors des vacances de Pâques, entre deux bouchées de lapin (en chocolat) et trois gorgées de cidre. J’ai aimé les deux et je vous les présente dans ce triple article.
Pourquoi triple s’il n’a que deux jeux ? Ai-je trop abusé du cidre ? Eh non ! Marie Cardouat, illustratrice (notamment des jeux Dixit et SteamPark) répond gentiment à mes questions dans une interview en fin d’article.
SteamPark (2013)
- Difficulté : Familial, à partir de 10 ans
- Mécanismes : Dés, Développement
- Univers : Steampunk coloré
- Joueurs : 2 à 4 joueurs
- Durée : 60 minutes
- Prix : 39 euros
- Éditeur : Iello
- Auteurs : Aureliano Buonfino, Lorenzo Silva, Lorenzo Tucci Sorrentino
- Illustratrice : Marie Cardouat
Aperçu du matériel. Je suis fan du petit cochon !
Vous aimez le steampunk et les parcs d’attraction ? SteamPark est pour vous ! Ce jeu est joliment illustré par Marie Cardouat, et le contenu de sa boîte est fort riche.
Chaque joueur disposera d’un petit plateau, d’un cochon, de 6 dés et de 3 cartes. Pendant la partie, vous serez également amenées à utiliser des pions « Visiteur », des tuiles et des bâtiments en 3D. Ces éléments sont le coeur du jeu mais n’oubliez pas de les assembler avant votre 1ère partie : tout est expliqué de manière amusante au début de la règle. Il ne faudrait pas qu’il vous reste 3 vis et 2 boulons inutiles comme pour votre étagère Flikubluk !
Quelques attractions, dont le château de la reine de coeur
Comment jouer?
Chaque joueur commence la partie avec un petit plateau « terrain vague » sur lequel il construira son parc d’attractions. Il pourra ériger des attractions et des stands.
Les stands. Les toilettes? Au fond à droite.
SteamPark se joue en 6 tours. Au début de chaque tour, chaque joueur lance ses 6 dés autant de fois qu’il le désire. Quand la face d’un dé vous satisfait, placez-le sur votre tuile cochon et relancez les autres dés.
Lorsqu’un joueur est content de tous ses résultats, il crie « FINIII !! » et prend la tuile 1er joueur : elle lui donne un bonus et il sera le premier à effectuer ses actions. Le deuxième joueur prend la tuile deuxième joueur, et ainsi de suite. Le dernier joueur à être satisfait de ses dés recevra un malus et résoudra ses actions en dernier.
Les faces des dés représentent vos actions possibles lors du tour : construire des attractions, construire des stands, nettoyer la saleté, jouer une carte bonus, agrandir votre terrain, attirer des visiteurs.
Un dé, 6 actions possibles
Le but du jeu étant d’être le plus riche, votre objectif est d’attirer un maximum de visiteurs : ils vous rapportent de l’argent à chaque tour ! Mais ces visiteurs sont spéciaux : ce sont des robots qui ont une fâcheuse tendance à perdre de l’huile et donc à salir votre parc…
Pour nettoyer les déchets, vous avez le choix entre construire des stands « toilettes », utiliser la face « pelle » de vos dés ou obtenir la tuile 1er joueur qui dispose de 4 logos « pelle ». Si votre parc est submergé de saleté à la fin du jeu, vous devrez dépenser de l’argent (donc vos points) pour payer une super équipe de nettoyage… Pour des raisons évidentes, ne trichez pas en utilisant votre bouteille de Mr Propre sur le matériel.
Ma monoculture d’attractions vertes et mes nombreux jetons « saleté » (à droite).
Tante Huguette s’en sort mieux que moi !
Pour conclure…
L’époque Victorienne et le style Steampunk qui s’en inspire m’intéressent beaucoup donc j’avais hâte de jouer à SteamPark. Et je n’ai pas été déçue : le jeu est superbe !
Son look mis à part, j’aime aussi la logique du jeu : attirer des visiteurs fait gagner des points mais leurs saletés vous en font perdre. C’est cohérent: un parc sale perd en réputation. Pour celles qui aiment lancer des dés frénétiquement et construire leur petit espace personnel, ce jeu vous plaira sûrement.
King of Tokyo (2011)
- Difficulté : Familial, à partir de 8 ans
- Mécanismes : Dés, Combat
- Univers : Monstres, Japon
- Joueurs : 2 à 6 joueurs
- Durée : 30 minutes
- Prix : 29 euros
- Éditeur : Iello
- Auteur : Richard Garfield
- Illustrateur : Benjamin Raynal
Changement d’ambiance !
Quittons les rires et les cris de joie des visiteurs de SteamPark et migrons dans la capitale nippone pour tataner du monstre ! King of Tokyo est un jeu de Richard Garfield, le créateur du célèbre jeu de cartes Magic.
Ici, le monstre c’est vous ! Chaque joueur choisit une créature parmi 6 : elles n’ont pas de pouvoir particulier, alors choisissez votre préférée. J’aime beaucoup The King qui me fait penser à Donkey Kong (KD2A sur France 2), voyez plutôt :
Des monstres prêts à en découdre !
Pour gagner et devenir le King of Tokyo, vous devrez atteindre 20 points ou battre tous les autres monstres ! Afin d’éviter toute effusion de sang, vous résoudrez vos conflits personnels en lançant vos 6 dés.
Comment jouer ?
À chaque tour, vous avez un maximum de 3 lancers (comme au Yam’s) et vous résolvez les faces dans l’ordre de votre choix :
- Le symbole « grosse baffe » inflige une blessure aux monstres qui ne sont pas dans le même lieu que vous : soit à l’intérieur de Tokyo soit à l’extérieur.
- Le coeur soigne vos blessures si vous n’êtes pas à Tokyo.
- L’éclair vous donne des cubes énergie, qui sont la monnaie du jeu pour acheter des cartes, la plupart du temps très puissantes.
- Finalement, les faces « 1 », « 2 » et « 3 » vous procurent des points de victoire.
Deux stratégies s’imposent d’elles-mêmes :
- La pacifiste : récoltez 20 points en restant longtemps à Tokyo (dangereux car d’autres veulent votre place), en jouant des cartes (coûte cher en énergies) ou avec les faces 1, 2, 3 de vos dés (un peu long).
- La « un-peu-plus-brutale-mais-pas-trop » : mettez vos adversaires KO (face « grosses baffes ») ! Chaque monstre commence la partie avec 10 points de vie. Chaque face blessure infligée retire 1 point de vie au(x) monstre(s) adverse(s). Le jeu s’arrête lorsqu’il ne reste qu’un survivant. Attention aux représailles !
Pour conclure…
King of Tokyo est un jeu rapide, simple et amusant qui peut plaire aux petits comme aux grands. Lancer les dés pour obtenir le plus de « grosses baffes » possible est grisant (et un peu stressant pour les adversaires). Une partie ne dure que 30min mais je vous défie de ne pas vouloir en faire une deuxième juste après !
Pour varier les plaisirs, l’éditeur a sorti deux extensions dotées de nouvelles cartes et de nouveaux monstres à ajouter au matériel de la boîte de base : King of Tokyo Power Up et son monstre Pandakaï, et King of Tokyo Halloween avec ses monstrueuses créatures Pumpkin Jack et Boogie Woogie.
Interview de Marie Cardouat
- Tout d’abord, peux-tu te présenter ?
Je suis illustratrice de jeux de société et je travaille également dans l’édition jeunesse, l’édition de cartes postales et autres articles de papeterie (Editions des Correspondances), ainsi que sur toutes sortes d’autres supports (couverture de CD, affiches de festivals, couronne de galette des rois… eh oui, il y a plein de supports inattendus !). Bref, tout ce qui s’illustre, me donne envie, et colle à mon style !
J’ai fait l’école supérieure des arts décos de Strasbourg (ESAD), dont je suis sortie en 2006 pour me lancer immédiatement en freelance depuis mon petit chez-moi. Aujourd’hui je travaille toujours depuis chez moi, dans mon atelier à Paris.
Marie Cardouat au Festival International des Jeux de Cannes
- Quel rapport entretiens-tu avec les jeux de société modernes ? Si c’est ton métier, peux-tu le décrire en quelques lignes ?
Quand j’ai mis un pied dans le monde du jeu, c’était pour illustrer Dixit et à ce moment-là, je n’y connaissais pas grand-chose en terme de jeu, à part les « classiques ».
Puis j’ai rencontré des acteurs du monde du jeu, je suis allée dédicacer dans les festivals, et j’y ai découvert un univers très vaste, des centaines de jeux et de passionné-e-s. Le monde du jeu a beaucoup évolué depuis ma jeunesse et c’est une très bonne chose!
Les idées reçues (« jouer c’est pour les enfants ») sont en train de disparaître et les gens se rendent compte de plus en plus que le jeu de société peut nous apporter de l’amusement, de la réflexion, un contact, un partage en famille ou entre amis, que l’on a de plus en plus de mal à trouver aujourd’hui…
Pour ma part j’y ai pris goût et sans devenir une « geek » absolue, j’ai appris à découvrir toutes sortes de jeux, modernes, drôles ou plus sérieux. Je joue maintenant assez régulièrement grâce à tout ça. Du point de vue du travail, c’est toujours un plaisir d’illustrer pour un jeu car l’approche est très différente d’un autre support.
Pour ce qui est du fonctionnement : en général je suis contactée par un éditeur et j’essaie de tester le prototype (pour avoir une bonne vision d’ensemble du jeu final et mieux savoir ce qu’il faut faire ensuite). Puis il y a une phase de croquis que l’éditeur valide (ou non) et lorsque les modifications éventuelles sont faites, je passe à la couleur.
Je travaille en « traditionnel », à la main. Aujourd’hui cela se fait de moins en moins car beaucoup d’illustrateurs utilisent la tablette graphique. J’y viendrai peut-être moi aussi, mais pour le moment je reste attachée à ce que j’appelle « la patouille », le travail de la peinture acrylique et la recherche des couleurs !
- Quels sont tes jeux préférés, ou (si ta liste est trop longue) ton type de jeu de prédilection ?
J’aime les jeux familiaux, assez rapides et malins comme Jaipur, Sobek, Le Petit Prince, Kaleidos, ou même des plus gros jeux (mais toujours familiaux) comme Thèbes, Seven Wonders, ou Marrakech. Je suis également très bonne cliente des jeux totalement stupides et qui déclenchent de bonnes crises de rires, comme Handy, Mito, Tokyo Train, La Danse des Oeufs et plein d’autres !
Je ne suis a priori pas branchée « gros jeux » qui durent très longtemps, mais j’ai récemment découvert Pathfinder et je ne sais pas si cela fait partie des gros jeux, mais j’ai bien aimé ; cela se rapproche du jeu de rôle et j’ai passé un bon moment à y jouer avec des amis.
- As-tu l’occasion de jouer régulièrement avec des femmes aux jeux de société modernes ? L’expérience est-elle différente ?
Je ne joue pas souvent avec des femmes alors je ne saurais dire s’il y a une réelle différence dans la façon de jouer, à part qu’elles apportent l’intelligence, la douceur et l’ouverture d’esprit nécessaires à une bonne partie (je plaisante) ! Plus sérieusement, il y a peut-être des jeux qui attirent plus les femmes que d’autres et Dixit par exemple en fait partie. Les femmes préféreront peut-être un jeu de communication ou des jeux familiaux, là où les hommes seront plus dans les jeux calculateurs ou de combat, dits « velus ».
Je n’aime pas trop faire de généralités et c’est un peu cliché car évidemment il y a aussi des femmes qui aiment les jeux de combat, et des hommes qui aiment jouer aux jeux d’ambiance, mais c’est une généralité qui a une part de vérité tout de même.
Au final dans l’attitude je ne sais pas si c’est différent du fait d’être un homme ou une femme ! Je sais que quand je joue je suis trop lente, je parle trop, et j’ai du mal à accepter la défaite (mais je me soigne), après est-ce dû au fait que je suis une femme ? Je ne pense pas. Autour d’une table nous sommes des joueurs avant tout, et nous apportons notre personnalité, avec nos qualités et nos défauts ; on pourra trouver de bons et de mauvais perdants chez les femmes comme chez les hommes, des gens gentils ou agressifs également chez les deux sexes, etc.
- Pourquoi, selon toi, y a-t-il plus de joueurs que de joueuses ?
Il y a un peu plus d’hommes que de femmes autour des tables de jeux mais cela évolue et je vois de plus en plus de femmes « accros » au jeu de société, surtout dans les festivals. Au départ c’est un milieu d’hommes avec des jeux peu diversifiés, faits par des hommes ; aujourd’hui c’est devenu tout autre chose et il y aura sans doute, dans pas si longtemps que ça, autant de joueuses que de joueurs, tout comme pour le jeu vidéo !
- Le monde du jeu est majoritairement masculin : as-tu des idées pour attirer davantage de femmes vers ce loisir, cette passion ou cet univers professionnel ?
Il y a une réelle évolution, les femmes sont de plus en plus présentes, en tant que joueuses mais aussi un peu en tant qu’auteures. Ce qui peut aussi les attirer en tant que joueuses, c’est l’attention portée au look des jeux. Aujourd’hui l’illustration du jeu de société est moins « basique », les éditeurs font de plus en plus attention à cet aspect du jeu : qu’il soit bon et beau. C’est un argument qui peut me convaincre !
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