Au milieu de mon année de 6ème au collège Robert-Aubry, récemment repeint dans un bleu qui lui vaut depuis le surnom de « Salle de bain XXL », je regardais Marina.
Elle était jolie avec son petit nez retroussé, rehaussé par une dizaine de taches de rousseur qui disaient merde à mon gros grain de beauté sur la main. (Tout le monde pensait que c’était une verrue…) (J’avais honte quand je portais mon plateau de cantine.)
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Marina était devant moi dans la voiture de son père. C’était lui qui venait me chercher le matin, c’était plus rapide que le bus.
On entendait pour la première fois la voix d’Hillary Duff à la radio. Au début j’ai cru que c’était Avril Lavigne.
Oui bah je suis pas experte en signature vocale.
Marina était devant moi et elle avait un t-shirt. Un t-shirt vraiment moche d’où dépassait une bretelle, vers le col, à droite, tout près de la fenêtre. Et puis, il y avait ce mini-bourrelet dans son dos, juste en dessous de ses bras.
Marina n’avait pas un poil de nichons et déjà, elle portait une brassière.
Il fallait que j’aille à La Halle aux Vêtements TOUT DE SUITE.
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13 ans de soutien-gorge
Ensuite, j’ai porté des soutiens-gorge pendant treize ans et j’ai adoré ça. J’ai aimé acheter mes ensembles à moins de 30€ chez H&M. Parfois, j’appréciais mettre des push-up pour dire merde à mon 90B rempli aux ¾.
Je me sentais sexy et dans la norme. Toutes les filles portaient des soutifs, c’était évident.
J’ai hérité de petits seins, je ne m’en suis jamais plainte. Ils ne m’ont jamais gênée, sauf pour faire du sport. Courir et sauter des obstacles à cheval avec deux espèce de bolas folles sur le torse, c’est pas ce qu’il y a de plus confort.
C’est d’ailleurs le seul moment où je continue de porter des soutiens-gorge alors que je m’en suis débarrassée il y a 2 ans.
Plus jeune, j’adorais ce moment où je devais assortir la bretelle à mon débardeur. Avec le temps, j’ai appris à préférer celui où, le soir, je dégrafais cet attirail de Belzébuth.
Le chemin vers une vie sans soutien-gorge
Peu à peu, j’ai rallongé ces instants. Je passais plus de temps en t-shirt trop large à la maison. Je suis sortie acheter ma mini-tarte au citron du samedi comme ça. Une fois. Deux fois. Dix fois.
Un jour, sur un forum, j’ai lu le témoignage d’une fille qui disait que pour arrêter de se prendre la tête avec les agrafes qui dépassent des dos nus, elle avait cessé de porter des soutiens-gorge en été. J’ai décidé d’essayer aussi.
C’était la mode des hauts très échancrés sur les côtés. Cette époque où tu avais le choix entre acheter une jolie brassière et l’assumer à fond ou ne rien mettre en dessous.
Ce jour-là, je suis sortie presque à poil.
Mes seins (petits oui mais tout de même présents pour dire « dans l’55 j’ai bang bang ») se baladaient librement, c’est à dire qu’ils se soulevaient de haut en bas et de gauche à droite de manière anarchique à chacun de mes pas.
J’ai eu peur que tout le monde le voit au début. Et puis, au bout de quelques regards posés sur la poitrine, j’ai vu ça comme un défi. Surtout, j’ai apprécié ne pas rentrer chez moi avec des marques partout et de la sueur jusqu’au nombril.
Du coup, j’ai recommencé.
Ma vie sans soutien-gorge
Au départ, c’était sous mes pulls trop longs, sous mes sweats trop grands, sous une robe à fleurs trop large. J’ai fini par sortir voir mes potes comme ça, puis à me rendre à mes rendez-vous pro.
Est-ce que je me suis sentie plus faible, plus vulnérable ? Au contraire. Sans soutif, je me sens surpuissante.
Je suis progressivement passée du « no-bra » l’été et les week-end à l’abolition quasi-totale de cette partie de mon dressing. Comment ça se passe au quotidien ? Comme avant, avec quelques petites habitudes en plus :
- Je tiens mes seins sans m’en rendre compte quand je descends mes 7 étages à pied. Je le fais sans y réfléchir, ce qui doit bien faire rire ma gardienne.
- La scène se reproduit quand je dois courir de manière inopinée dans la rue.
- Ou sauter du trottoir sur la route.
Sans soutien-gorge, mes seins me ressemblent
Mon image de moi-même a également évolué.
Si porter des soutiens-gorge était plutôt agréable pour moi, à l’époque, c’est un calvaire aujourd’hui. Par rapport au confort, oui, mais surtout à mon regard dans le miroir.
Moi quand je pars à Franprix sans push-up.
Je ne supporte plus la vision de mon corps avec les seins artificiellement galbés, ronds et plus gros sous les t-shirts et robes moulantes. Les modèles sans armatures type bralette passent, les bodys aussi, mais les autres… ce n’est pas moi, tout simplement.
Cette nouvelle image renoue avec mon corps tel qu’il est et qui finit par apprécier ses « défauts ». Finalement, y a pas à dire, c’est agréable.
Les tétons visibles sans soutien-gorge
Est-ce qu’on voit mes tétons quand la bise fait glisser mon t-shirt sur ma peau ? Oui. Est-ce que c’est un problème ? Non.
Au début, j’étais un peu gênée quand je portais un haut un peu moulant et que ces deux petites protubérances pointaient leur tête en pleine rue.
Maintenant, je les traite comme ce pote qui passe tellement de temps chez toi que tu prends même plus la peine de lui faire la bise quand il débarque.
Avant-hier, j’étais dans un ascenseur avec une immense vitre et un tout petit crop-top. Autant te dire que c’était la totale.
Il y a quelques années, je me serais empressées de mettre une veste pour cacher ces attributs du mal. Avant-hier, j’ai ri. Et je me suis trouvée sexy aussi, avec mon piercing au téton qui faisait tout sauf arranger la situation. C’était cool.
Pas de soutien-gorge depuis deux ans : le grand bilan
Comme dans toute bonne émission de la TNT en début d’après-midi, une expérience humaine nécessite une phase d’observation, un plan d’action et enfin, un bilan.
Je n’ai donc pas porté de soutien-gorge (sauf pour aller à la salle de sport) pendant 730 jours. Est-ce que l’aspect de mes seins a changé ? Je me suis longtemps posée devant le miroir pour te donner une réponse objective.
Mes seins de 25 ans ne ressemblent plus à ceux de mes 18 ans. Et c’est tant mieux. À vrai dire, ils ont un peu rétréci. Je ne m’en rendais pas compte avant de réessayer un vieux bonnet B, souvenir de mes folles années. Impossible de le remplir !
À vrai dire, c’est sans doute dû aux 5 kilos que j’ai perdus entre temps.
Est-ce qu’ils sont plus tombants ? Difficile à dire, vu leur taille. Ma peau est-elle plus ferme ? Oui, surtout celle des tétons je crois.
Leur forme n’a pas changé, mais ma vision d’eux, si.
Je ne regrette pas grand-chose dans ma vie pour le moment, et avoir arrêté de porter des soutiens-gorge est loin de changer la donne.
Peut-être que je reviendrai sur cette décision un jour. Peut être que j’en aurai marre d’avoir mal au bout des seins quand il fait froid et que le tissu frotte.
En attendant, elle n’a eu que des effets positifs sur mon estime et ma confiance en moi.
Tout le monde ne peut (et ne veut) pas envoyer toute sa collec Princesse Tam Tam par le Velux du jour au lendemain, c’est clair. Mais si tu es à l’aise avec ton corps, personne ne devrait te forcer à cacher un téton ou des seins qui remuent.
Ni ce mec dans la rue, ni le robot d’Instagram, et surtout pas toi.
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En attendant que l’humanité vive de nouveau à poil, je repars donc enfiler mon débardeur sans avoir besoin d’assortir les bretelles. Seule mauvaise nouvelle : c’est pas ça qui me fera arriver en avance…
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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