Une réforme du collège a été adoptée, et elle entrera en vigueur à la rentrée 2016. L’information surprendra peut-être celles et ceux qui ne suivent pas forcément l’actualité d’un oeil d’aigle : il faut dire que nous avions été habitué•es à voir chaque tentative de réforme être accompagnée de grèves nombreuses et massivement suivies.
Il faut bien le souligner, réformer l’Éducation Nationale n’est pas une chose aisée : certains ont tout simplement renoncé à le faire (coucou François Bayrou), d’autres y ont laissé leur carrière (au revoir, Claude Allègre).
Najat Vallaud-Belkacem restera peut-être dans l’Histoire comme la première ministre ayant réussi à réformer l’Éducation Nationale sans mettre tou•te•s les profs dans la rue. Il y a eu plusieurs jours de manifestation de syndicats d’enseignant•E•s contre le projet, mais on était loin d’une mobilisation nationale paralysante !
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Ce n’est pas un miracle : la réforme du collège voulue par la ministre a été négociée avec les partenaires sociaux bien en amont des annonces publiques qui ont été faites ces dernières semaines.
La concertation a débuté dès juillet 2012 (lorsque Vincent Peillon était encore ministre de l’Éducation Nationale).
Du collège unique vers l’égalité des chances ?
La philosophie de cette réforme est de renforcer (ou plutôt rétablir) une forme d’égalité des chances au sein de l’école.
En 1975, la loi Haby créait le collège unique, dont l’ambition était de dispenser une éducation standardisée dans tous les collèges de France, afin de continuer d’ajouter à « l’école pour tous » des classes primaires, un égal accès aux classes du secondaire.
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Le « collège unique » partait donc de cette volonté d’offrir une éducation au plus grand nombre, en homogénéisant les programmes sur l’ensemble du territoire.
Sauf que les territoires ne sont pas homogènes ! Les écarts se sont creusés avec les crises économiques successives, et les idéaux de mixité sociale et d’égalité dans l’accès à l’éducation ont été contrariés par les réalités socio-économiques de la diversité des territoires français.
En clair, selon que l’on habite en ville, à la campagne ou en banlieue, l’école ne nous ouvre pas les mêmes opportunités… Alors qu’en théorie, on est bien censés boucler le même programme, partout en France.
Cette inégalité, nombre d’entre nous l’ont vécue, ou en ont été les témoins. Mais si, rappelez-vous : vous avez fait 5 ans de latin, mais vous n’avez pas fait un voyage scolaire en Italie ? Vous faisiez espagnol LV2 (ou mieux : LV3 !), mais votre collège ne vous a jamais envoyé une semaine en Espagne ?
Votre prof de musique renonçait à vous accompagner au piano, parce qu’il était désaccordé ? Entretenir un piano, ça coûte cher, organiser des voyages et des sorties scolaires aussi, et ça prend surtout du temps d’apprentissage…
Le collège unique partait d’une bonne idée, sauf que les inégalités socio-économiques sont trop fortes en France, et au final, au lieu de favoriser l’égalité des chances, cette approche homogène et universelle de l’enseignement secondaire contribue à creuser davantage les différences de niveaux constatées chez les élèves à l’entrée en 6ème.
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La réforme du collège en bref
Ce n’était pourtant pas faute d’essayer de corriger ces biais : des moyens supplémentaires sont alloués aux collègues situés dans les « Zones d’Éducation Prioritaires » (de mon temps !), remplacées depuis par une diversité d’acronymes censés représenter la diversité des territoires…
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Vous avez peut-être pu lire que la réforme du collège 2016 va mettre fin au collège unique… oui et non.
C’est vrai, dans le sens où elle acte qu’on ne parvient pas à promouvoir l’égalité des chances si on s’obstine à vouloir appliquer la même formule partout, indépendamment des spécificités des territoires et des difficultés des élèves. C’est faux, dans le sens où la réforme poursuit toujours le même objectif que le collège unique, à savoir donner à TOUS les élèves les moyens de réussir.
C’est un fait : le monde a changé depuis mes années collège. On faisait encore des exposés à l’aide d’encyclopédies en papier, j’ai eu mon premier téléphone portable à l’entrée en seconde, et on ne pouvait pas aller sur Internet tout en utilisant le téléphone fixe de la maison. (Ça ne nous rajeunit pas !)
La réforme du collège a pour ambition de prendre en compte toutes ces réalités : la diversité des territoires, la diversité des élèves, et l’évolution de la société.
4000 postes d’enseignants devraient être créés pour permettre le déploiement de cette réforme à la rentrée 2016.
Elle introduit des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, qui visent à favoriser l’application concrète des savoirs. Ces modules devraient normalement profiter à tous les élèves qui ont du mal à retenir des notions théoriques, et qui apprennent davantage par l’exemple et les applications pratiques.
L’objectif est également de développer les capacités à travailler en groupe, et s’exprimer oralement — des compétences qui sont finalement peu sollicitées au cours de la scolarité (si l’on compare la proportion de ces deux exercices aux leçons et autres devoirs écrits).
Sur le plateau du Grand Journal, la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem a souligné la nécessité de « connecter » les savoirs, en donnant un exemple concret :
« Des collégiens ne comprennent pas qu’on parle du même personnage historique lorsqu’on étudie les textes de Montaigne en cours de français, et lorsqu’on parle de Montaigne en cours d’histoire. »
Revoir l’émission du 22 juin : le grand oral de Najat Vallaud-Belkacem
Point désintox
Plusieurs points de la réforme ont suscité des débats, et le ministère y a répondu à travers des infographies et des questions-réponses sur son site et celui d’Éduscol, le portail des professionnels.
- Ne pas confondre : la réforme du collège (dont on parle dans cet article) et la réforme des programmes scolaires (dont on ne parle pas du tout ici). La réforme du collège est portée par le ministère de l’Éducation Nationale, tandis que la réforme des programmes scolaires suit l’avis du Conseil Supérieur des Programmes. Il est composé de trois députés, trois sénateurs, deux membres du Conseil Économique et Social, et dix personnalités qualifiées. (En savoir plus)
- Le latin et le grec ne sont pas supprimés : avant, ils étaient proposés en option. En 2016, ils continueront d’être proposés en option, mais seront intégrés aux enseignements pratiques interdisciplinaires, dans le module « langues et cultures de l’Antiquité ». (Consulter les huit thématiques interdisciplinaires)
- L’allemand reste proposé en LV1 : on a beaucoup parlé de la suppression des classes européennes, et c’est peut-être un symbole de l’opposition entre les tenants de l’égalité des chances, et ceux de la méritocratie… Les classes européennes sont une véritable chance pour les élèves qui peuvent en bénéficier (j’en ai fait partie, je serais hypocrite de soutenir le contraire), mais si l’on raisonne à moyens constants, il paraît injuste d’allouer plus de moyens à l’épanouissement d’élèves déjà favorisés (il faut avoir pratiqué la langue étrangère à l’école primaire pour pouvoir prétendre à une classe européenne dès la 6ème).
La réforme prévoit donc de redistribuer ces moyens en faveur de tous les élèves, en proposant l’apprentissage d’une deuxième langue étrangère dès l’école primaire pour tous.
- Ne pas confondre : les classes européennes et les classes bi-langues. Les classes européennes sont supprimées, et les heures allouées redistribuées au profit de tous les élèves. Les classes bi-langues sont en revanche maintenues, comme on peut le lire sur Éduscol.
Efficacité versus créativité ?
Face à Najat Vallaud-Belkacem, le Grand Journal avait invité Sir Ken Robinson, spécialiste de l’éducation, notamment reconnu pour ses prises de position en faveur de la créativité. Pour lui, l’école formate plus qu’elle n’ouvre, elle étouffe la créativité et les talents. Difficile effectivement de proposer un espace d’épanouissement à tous les élèves, si on privilégie l’efficacité dans l’apprentissage.
Ce débat, forcément trop court puisqu’il s’est tenu sur le plateau du Grand Journal, avec toutes les contraintes de temps et de format que comporte cette émission, pose pourtant des questions intéressantes.
Quel est le rôle de l’école ? De donner à tous les élèves un socle de savoir-faire (lecture, écriture, mathématiques usuelles), ou de permettre le développement personnel et l’épanouissement des enfants, à travers l’apprentissage des savoirs ? Une fois qu’on sait lire, écrire et compter, qu’est-ce qui est plus important ? Qu’est-ce qui devrait constituer « le socle commun » indispensable à tous ? Est-ce une notion pertinente ?
Peut-on s’épanouir à l’école ? Dans quelles conditions ?
En résumé, la question que je voudrais vous poser est la suivante : vous, quelle serait VOTRE réforme idéale ? Qu’est-ce qui a manqué à vos années collège et que vous auriez voulu voir développé dans les années à venir ? Venez en débattre dans les commentaires !
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Les Commentaires
Ce qui fonctionne aussi dans ces écoles là (et les quelques collèges et lycées expérimentaux publics de France), c'est le travail donné au sens. Le sens des apprentissages, le sens des choses.
C'est tellement une question qui revient tout le temps avec les élèves ! "Mais pourquoi on fait ça ?" Donc quand les élèves ne comprennent pas, en effet ça n'a pas été assez travaillé.
Là le début est chaotique, les chefs d'établissements ont des consignes, ils les déversent souvent sur les enseignants, le travail coopératif n'est pas toujours fait (soit par impossibilité de fédérer autour du projet, soit par la difficulté d'être un bon chef capable de discuter sans avoir l'impression de perdre le pouvoir...).
Mais mon propos est donc que dans le fond, c'est quelque chose de positif. Que ça soit bancal, qu'il manque des moyens, c'est un fait. Il y aurait des moyens que les premières années se feraient à tâtons quand même.
Par contre, vu les programmes électoraux de certains, il est possible qu'un superbe retour arrière s'opère dans quelques mois et ça sera alors réglé !