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Musique

Pete Doherty à la Flèche d’Or : revue de son concert surprise

Ce papier aurait pu être une simple revue de concert. Mais vu le contexte, les pieds piétinés, les tympans défoncés par les cris des fans, j’aurais plutôt envie d’appeler ça un « j’ai testé pour vous ».

Grand coup de pub pour la Flèche d’Or hier soir, à l’occasion du concert de Pete Doherty. L’ancienne gare de Charonne, qui avait dû fermer pour incapacité financière à réaliser ses travaux d’insonorisation, réouvrait il y a à peine quelque mois. La salle de concert parisienne culte du 20ème arrondissement accueillait hier l’ex-chanteur guitariste des Libertines, j’ai nommé le décadent et poétique Pete Doherty.

Annoncée à la dernière minute, la venue du rocker anglais n’a pas mis longtemps à exciter les internautes : l’info a été twittée et retwittée à outrance et sur la page Facebook de l’événement plus de 900 personnes promettaient de se déplacer. Catégorie « nuit de trouble » : le créateur de l’événement n’aurait pas pu viser plus juste.

Vrai buzz pour la Flèche, qui par ailleurs n’avait prévu aucune prévente : seul moyen de voir le chanteur de rock anglais ? Arriver tôt, et troquer 8 euros pour une place d’entrée, ouverture des guichets prévue seulement à 20h.

8 euros la place et la boisson comprise, une modique somme. Le prix d’un menu fast-food. Voir Pete en sirotant une bière pour le prix d’un gros burger et de quelques frites industrielles ? Il n’en a pas fallu plus pour convaincre une horde incroyable de fans. Et d’amateurs raisonnés :

« Voir Pete Doherty après le bureau un lundi soir, je me suis dit pourquoi pas. Et ça rendra bien jaloux quelques collègues demain matin », confie Susanne, cadre trentenaire dans une PME de Paris.

« Pete Doherty je t’aaaaaaaime » scandait, proche de l’évanouissement, une lycéenne qui montait la garde depuis cet après-midi à l’entrée de la salle de concert.

Photo Delphine Dyèvre

Y'avait deux-trois personnes hier…. – Photo Delphine Dyèvre

Car cohue, émeute, mouvement de foule : les mots sont nombreux pour qualifier les cris et bousculades de la masse humaine sur les trottoirs de la Flèche. Du 102 rue de Bagnolet à une bonne partie de la rue des Pyrénées, qui lui est perpendiculaire : plusieurs kilomètres de visages qui illustreraient très bien l’expression « prendre son mal en patience ». A l’inverse, juste en face des grilles noires de la Flèche, des gens surexcités, des journalistes et invités blasés (être sur liste ne constituait en rien un argument de plus que ceux de ton voisin de droite, qui pesait bien plus lourd que toutes les cartes de presse pour peu que ses cordes vocales savaient se manifester) et des spectateurs qui, jusqu’alors dociles, ont regagné l’offensive foule pour eux aussi essayer de s’imposer.

« On attend depuis tout à l’heure, sagement. Et eux, ils font du forcing pour rentrer. Je ne vois pas pourquoi moi je resterai calme ! » s’impatiente Alice, chignon relevé, veste en cuir, rouge à lèvre et cigarette au bec.

Comme pour lui donner raison, c’est le moment que choisit ma voisine de droite pour s’égosiller à moitié accrochée à une rambarde. Le sosie capillaire de Mia Frye tente de communiquer avec une dénommée Barbara, à l’autre bout de la foule. Elle hurle une dizaine de fois le prénom de sa copine, le dernier « A » de Barbara se perd même dans les aigües, j’hésite : est-ce un happening, un suicide ou une expérience sociologique, que veut expérimenter ce frêle petit personnage ? Car là voilà qui se met à insulter tous les gens autour d’elle, tomber sur eux, hurler de plus belle, recevant les jets de tomates verbales des plus agacés, se faisant insulter de toutes parts.

Barbara la fameuse déboule, en pleurs, un sac de cours à la main : « c’est de votre faute à vous tous », grogne t-elle le regard haineux dirigé vers la foule. « Tous mes cours sont tombés, regardez mon classeur vide ! » Et un classeur vert pomme trempé à la main, elle s’agite et montre du doigt le bitume jonché de feuilles 21 x 29,7.

A ce stade de la soirée, je relativise et essaye de trouver une certaine poésie à tout. La musique adoucit les mœurs, mais encore faut il d’abord accéder à la salle. J’imagine alors, émue, cette cohorte d’animaux prêts à se tuer, soudainement apaisés, aimants, mélancoliques, dès le sol de la Flèche enfin piétiné. Je les vois déjà anesthésiés par la voix de Pete, enfin calmés d’être au chaud dans la salle.

Mais métaphore de la jungle oblige, sélection naturelle il y aura. Car des 2000 candidats à l’entrée, seuls 500 ne se feront pas méchamment recaler. Ce soir, la théorie de Darwin sent les roulés, les veste en cuir, les bières premier prix et l’adolescence.

A moins que l’on ne choisisse plutôt de comparer la Flèche d’Or à la Bastille, prise d’assaut : alors que l’ouverture des portes avait été fixée à 20h, sur les coups des 22h, trop impatients, certains fans se risquaient à escalader les grilles.

« Si on y va tous, les vigils pourront rien faire ! » ricanne un grand brun, que je voyais bien parfait leader de manifs étudiantes.

Les cris de la foule sont soudainement interrompus par des flashs de lumière : plusieurs caméras de télé s’agglutinent autour du sosie de Mia et de sa copine Barbara. Les 2 copines s’essayent à toutes sortes de remix des grands buzzs passés. « Pete on t’encule », « Pete Doherty, alors qu’est-ce qu’on attend » et autres phrases passées cultes. Amusés, les gens sont nombreux à volontiers pronostiquer aux furies alcoolisées un passage au Grand Journal.

Je vous passe les quelques évanouissement, disputes entre fans, clash avec le staff de la salle : la (volontaire) mauvaise organisation du concert en fait un buzz, incontestablement. Et après quelques bains de foule où j’ai pu convoquer le peu d’agoraphobie que j’ai au fond de moi, je me trouve enfin, main dans la main avec un videur, qui m’extirpe de la horde de fans de plus en plus désespérés. Je manque de perdre un bras, et mon sac avec (mon corps est dans la salle, mon membre supérieur est encore à l’extérieur, happé par les griffes de jeunes filles qui me supplient de « faire croire aux vigils qu’elles sont journalistes aussi »). Mais le gorille de la sécurité répond à ma place (il leur beugle sauvagement dessus), et me voilà enfin, petite gazelle faiblarde, à l’intérieur, me faufilant dans la salle, jetant quelques regards furtifs aux gens derrière la grille. Certains pleuraient de désespoir (le groupe Facebook des déçus).

A l’intérieur, d’autres pleuraient de joie et de mélancolie. Habituel standing vestimentaire à base de sobre chemise blanche, pantalon noir et chapeau Trilby avec les bords rabattus, Pete est là, à maintenant moins de 3 mètres de moi.

Sa clope négligemment foutue au bec, ses cheveux pleins de sueurs, son air de mec fatigué, sa dégaine de poète contemporain blasé : je suis forcée de l’admettre, le charme Pete avait opéré sur moi, et je sentais bien toute critique journalistique en ma personne s’évaporer au profit d’un groupisme aigüe tout ce qu’il y a de plus alléché.

Un couple un peu dégoutant ne fait que se rouler des pelles, une fille fait à moitié un coma éthylique en live, et les mouvements de fessier de ma voisine de gauche m’auraient d’ordinaire inciter à lui recommander un cours de salsa, mais rien ; rien ne réussira à me décrocher ; non je ne bouge plus, les yeux rivés sur la scène je suis envoutée.

Le jeune trentenaire qui défraie la chronique people et judiciaire ces derniers temps ? Ce soir, on lui donnerait bien le bon dieu sans confession. Albion, Fuck Forever, The Good Old Days, et tous ses classiques : le public entier entonne toutes les chansons de Pete, et s’émeut de la façon qu’a le chanteur de se frotter un peu les yeux, de fatigue, probablement.

Sa prestation aura, en tout cas, eu de quoi faire taire toutes les mauvaises langues : oui il a joué plus de 45 minutes et non il ne nous a pas « fait une Peillon ». Personne n’a eu à remplacer cette fille !

En plus, il a même été sympa : il a servi du vin rouge aux spectateurs du premier rang, distribué quelques sourires, et s’est éclipsé après un mignon « bonsoir » lancé au public. Après quoi les lumières se sont rallumées, on a balancé du Amanda Blank en sourdine et le brouhaha des commentaires d’un public envouté s’est enclenché.


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Les Commentaires

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Avatar de LADY BEAN
19 janvier 2010 à 21h01
LADY BEAN
Je l'avais vu aux vieilles charrues il y a un an et demi et j'avais pas été envoutée. Peut être le côté intimiste d'une plus petite salle rendait le spectacle meilleur. Ou peut être était il moins saoul. La vidéo de la nana est magique Ahahah.
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