Dans ma famille, on est quatre enfants. Trois ans d’écart entre chaque, des personnalités bien différentes, bref, un bon groupe hétéroclite et soudé qui a longtemps eu un air de famille Kinder.
Moi, je suis la dernière et la seule fille de la fratrie. Mes parents ont toujours fait en sorte de me traiter de la même manière que mes frères mais ne nous mentons pas : aux yeux du reste du monde, j’étais la princesse de la famille.
J’aimais bien être comme ça, un peu différente, sortir du lot, me faire remarquer. J’étais une gamine extravertie, épanouie et sans problème de confiance en moi.
Trois mots qui ont tout changé : « Léo est surdoué ».
Et puis, alors que je terminais la maternelle, on m’a fait une annonce sur le plus jeune de mes frères qui finissait son CE2. Trois mots qui ont tout changé pour moi : « Léo est surdoué ». Mais attention, pas surdoué-surdoué, plutôt SURDOUÉ-SURDOUÉ. Quand je l’ai appris, j’ai éprouvé un mélange de sentiments contradictoires : fière en pensant à lui, jalouse en pensant à moi.
S’il était surdoué, je voulais l’être aussi
Mon premier réflexe a été de vouloir immédiatement me faire tester aussi : je voulais moi aussi être vue comme exceptionnelle par tous ces adultes. Je voulais que l’on me propose de sauter des classes, que l’on me dise que j’étais différente.
Je voulais que l’on me propose de sauter des classes, que l’on me dise que j’étais différente.
Mais non, moi, j’étais simplement douée comme une jeune fille studieuse. Mes bonnes notes, je les devais plus au travail qu’à un quotient intellectuel largement supérieur à la moyenne. Mon exception due à ma simple place de petite dernière dans la famille n’avait plus aucune valeur.
Ne nous méprenons pas, j’étais très fière de dire à tout le monde que mon frère avait le QI d’Einstein et de vanter ses résultats scolaires à qui voulait l’entendre. Mais j’ai longtemps eu cette frustration, cette petite voix au fond de moi qui soufflait que moi aussi j’aurais voulu comprendre les choses avec autant d’aisance que lui.
Je ne vais pas faire dans le pathos, ni dire que j’ai énormément souffert de la situation car ce n’est pas le cas. Cependant, une chose est certaine : cette histoire a suffisamment perturbé mon ego pour me retrouver à faire des choix de vie opposés à ceux de mes frères…
Se démarquer et exister par soi-même, en dehors de la fratrie
Je voulais me sentir exister en dehors de cette famille (trop) nombreuse et déjà forte en personnalités.
Mes parents ont toujours été très neutres, m’ont encouragée dans mes choix, et c’est, je pense, ce qui m’a aidée à m’en sortir si bien.
Il fallait que j’existe par moi-même et non plus comme la petite dernière.
Il fallait que je m’éloigne, que j’aie un parcours différent pour ne plus avoir de points de comparaison possibles. Pour que j’existe par moi-même et non plus comme la petite dernière de la fratrie Perry.
À ce jeu-là, j’ai commencé doucement : je ne suis pas allée dans le collège où étaient allés mes frères. Puis j’ai arrêté le lycée pour suivre les cours par correspondance. Ensuite, j’ai fait des choix d’études complètement différents… et aujourd’hui, ma vie n’a rien à voir avec la leur.
Tout n’a pas été si simple pour mes frères non plus, y compris pour Léo, le fameux surdoué. Un soir, un peu éméchée, je lui ai avoué en larmes que j’étais jalouse de sa vie, de son bac obtenu bien trop tôt, de son master plié à 20 ans, de son CDI bien payé alors que je venais à peine d’obtenir mon bac — j’avais 18 ans. Je me sentais nulle dans ma norme.
À ma grande surprise, il m’a répondu avoir été, de son côté, jaloux de la liberté que j’avais prise dans mes choix, de mon côté totalement YOLO qu’il n’arrivait pas à adopter dans sa vie. On s’est regardés et on s’est sentis cons.
Trouver sa place n’a rien d’évident
Car oui, tout n’est pas blanc ou noir. Tous les deux, nous avons souffert de nos places dans la fratrie, en se comparant aux autres. Avant cette discussion, je pensais être l’exception. Mais à force de parler de cela avec mes ami•es, j’ai compris que j’étais plutôt la règle.
Il n’est pas évident de bien s’entendre avec les membres de sa fratrie. Ces gens nous sont imposés sans fuite possible. Et surtout, ce sont les premiers auxquels on peut se comparer, car nos expériences se veulent généralement similaires de par notre éducation. Alors, oui, parfois ça coince même si on s’entend bien. Il n’y a rien de facile à se démarquer quand on voit qu’aux yeux de la société, l’autre réussit mieux que soi.
Être dans une fratrie, ça n’est pas être en compétition, c’est faire partie d’un groupe.
Pour trouver sa place, il ne faut donc pas automatiquement se comparer mais plutôt discuter. Être dans une fratrie, ça n’est pas être en compétition, c’est faire partie d’un groupe. Ce qui importe, c’est que chacun•e doit s’y sentir bien, trouver une forme de valorisation personnelle.
De plus, ce qui semble une réussite aux yeux de certain•es peut davantage ressembler à un échec aux yeux des principaux•les concerné•es.
Si je n’avais qu’un ultime conseil, ce serait de ne pas vous comparer aux autres. Non, mesurez-vous à vos propres envies ! Réalisez vos rêves et faites vos choix à vous et non en fonction de vos proches. La sérénité est là.
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