Pour Laure Calamy, la vie a désormais des airs de success story.
Laure Calamy, l’actrice française à l’ascension fulgurante
Alors que l’actrice d’aujourd’hui 46 ans a fait ses débuts au théâtre, notamment sous l’égide d’Olivier Py, elle a mis du temps à se faire connaitre par le milieu du cinéma.
Ça n’est pourtant pas faute d’avoir été remarquée par les professionnels, puisqu’elle a enchaîné quelques moyens-métrages au début des années 2010 et s’est produite dans un court-métrage très remarquée de Cécile Ducrocq (La contre-allée), qui lui a valu d’être saluée à Cannes par la Semaine de la critique et à Sundance.
Mais c’est à partir de 2015 que tout explose pour la comédienne, grâce à son rôle dans la série Dix Pour Cent, où elle incarne Noémie. Depuis, Laure Calamy enchaine les tournages, récolte le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2018 pour Ava de Léa Mysius, puis celui de meilleure actrice en 2021 pour Antoinette dans les Cévennes.
En 2021, l’actrice a enchainé pas moins de cinq tournages et son visage promet de s’afficher partout. Cette semaine, elle est à l’affiche d’Une femme du monde, un film puissant sans jamais être misérabiliste, qui donne encore une autre ampleur à sa carrière.
Une femme du monde, de quoi ça parle ?
Marie habite dans un petit appartement strasbourgeois, où elle se prostitue. Elle travaille à son compte, choisit ses clients, ses pratiques, ses tarifs et milite pour moins d’invisibilisation du métier de travailleuse du sexe.
Marie a un fils, Adrien, qui lui donne du fil à retordre. Turbulent, dissipé, il a du mal à s’intéresser aux études et se fait régulièrement virer des établissements qu’il fréquente. Jusqu’à ce qu’il démontre un intérêt tout particulier pour la cuisine, et envisage d’intégrer une formation de chef.
Seulement voilà, l’école qu’il lui faudrait intégrer coûte une blinde. Lui n’a pas un sou, Marie ne croule pas sous l’or.
Alors, Marie lui propose de trouver un petit boulot de cuisinier à mi-temps, tandis qu’elle essaie d’emprunter à la banque. Sans surprise, son banquier lui précise qu’avec la précarité de son boulot, elle n’aura pas droit à un quelconque soutien financier.
Marie n’a plus qu’une solution : travailler davantage.
Elle sait qu’un bordel, en Allemagne, paye « bien » ses employées, et décide de faire l’aller-retour chaque jour pour travailler dans cette boite éclairée aux néons, où les femmes ne se font pas de cadeau entre elles.
Elle multiplie alors les passes : chez elle, dans la rue, en Allemagne, jusqu’à ne plus voir clair. Obsédée par l’idée d’offrir un futur à son fils, elle flirte avec l’immoralité, allant jusqu’à trahir ses principes pour voler de l’argent à l’une de ses collègues sans-papiers.
Avec son irréductible imper lamé, qu’elle trimballe fièrement d’un bout à l’autre de Strasbourg, Marie est tout sauf une femme qui vit son métier dans la honte.
Au contraire, elle n’hésite pas à parler de son activité à son banquier, à revendiquer ses droits au mégaphone, à monter des projets dans les bureaux de son association, et à militer pour ses droits.
Une femme du monde, le récit d’une battante du quotidien
Ça n’est pas la première fois que Laure Calamy s’illustre dans un film sur la prostitution, et ça n’est pas la première fois qu’elle le fait sous l’égide bienveillante de Cécile Ducrocq.
En effet La contre-allée, court-métrage pour lequel elle s’est fait remarquer pour la première fois à Cannes et à Sundance, traitait déjà du métier de travailleuse du sexe.
Ainsi, les deux femmes se retrouvent pour l’analyse d’une nouvelle tranche de vie, qui aurait pu sombrer dans le misérabilisme habituel des films sur le sujet. Mais n’en fait rien.
Dans ce long-métrage, Marie n’est pas une victime du système. Elle a choisi son métier, et le revendique.
Toutefois, on vous rassure, la prostitution, bien qu’elle ne soit pas décriée, ce qui est le parti-pris de son autrice et réalisatrice, n’est pas non plus glamourisée, au contraire de films gênants comme Jeune & Jolie de François Ozon ou Elles de Małgorzata Szumowska.
Dans Une femme du monde, c’est l’analyse — débarrassée de tout fantasme, à l’inverse des films sur la prostitution réalisés par des hommes — du quotidien d’une héroïne qui prédomine sur le politique. C’est sa vie de tous les jours, avec ce que cela comporte de fatigue, de résilience, de volonté et de petites batailles, qui est racontée ici.
Interviewée par 20 minutes, la réalisatrice confie sur le rôle de Marie :
« Contrairement aux très jeunes femmes étrangères exploitées par des réseaux qui cassent les prix, elle n’est pas une victime. Elle souffre d’une mondialisation qui la menace. »
En effet, Marie passe sa vie vent debout, à la fois révoltée et résignée, lorsqu’elle ouvre les portes d’un bordel allemand où elle franchit les limites de la morale. La réalisatrice poursuit :
« Mais il n’était pas question d’en faire un ange, elle est aussi capable de dureté voire de malhonnêteté quand elle est poussée à bout. »
Ainsi, on observe dans Une femme du monde une qualité bien trop rare pour passer inaperçue : le personnage principal est fendu de nuances, à l’instar d’une intrigue loin d’un quelconque manichéisme.
Avec un naturalisme dont raffole nos critiques français, Une femme du monde s’inscrit dans la lignée de ces œuvres néoréalistes qui frôleraient presque le documentaire.
Un film puissant et magnétique qui donne une nouvelle profondeur à la carrière de Laure Calamy, et que vous pouvez d’ores et déjà découvrir au cinéma.
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