Près du centre Pompidou, dans le cœur historique et touristique de Paris, se trouve un endroit où la religion catholique se pratique d’une manière unique en son genre.
Située dans une zone très dense en lieux de cultes et assez pauvre en habitants, la paroisse autrefois peu animée s’est vue investie, en 1975, d’une mission spéciale : créer un centre pastoral qui serait un lieu d’expérimentations, où l’Église pourrait inventer des nouveaux moyens de trouver sa place dans le monde contemporain.
En d’autres termes, « inventer l’Église de demain » dans le centre pastoral Saint Merry… que l’archevêque de Paris a décidé de fermer.
Le Centre Pastoral Saint Merry, une église inclusive
Aujourd’hui, le Centre Pastoral Saint Merry organise des débats pointus autour de l’écologie ou la politique. Il s’y tient des expositions d’art contemporain, ou encore des célébrations inter-religieuses.
L’organisation classique des paroisses, avec le curé en charge des décisions, est remplacée par un système horizontal : le prêtre partage une co-responsabilité avec les « laïcs », des pratiquants issus de la société civile et investis dans les activités du centre.
La solidarité semble y être le mot d’ordre, et le lieu met un point d’honneur à accueillir tout le monde avec bienveillance : les passants qui s’attardent sur l’architecture, les personnes qui ont besoin de parler, les croyants qui cherchent des nouvelles manières de pratiquer leur foi…
Et surtout celles et ceux qu’on pourrait croire exclus de l’Eglise traditionnelle : les personnes LGBTQ+, les précaires, les migrantes et migrants, les personnes détenues, entre autres.
Des célébrations rares dans le monde de l’Église française
Anne-Renée Bazin, très investie dans la vie du centre pastoral dont elle gère en partie la communication, décrit en ces mots les spécificités de cet endroit :
« Alors que l’Église tend à s’enfermer dans ses codes ou à se reposer sur des rituels, nous avons à Saint Merry l’objectif de s’ouvrir au monde : rencontrer des gens d’ailleurs, partager leurs joies, leurs peines, leurs aspirations à la transcendance. Le Centre Pastoral est pour nous un symbole, celui d’une certaine liberté d’expression et d’expérimentation. »
Dans l’église, à défaut de pouvoir marier religieusement des couples qui ne seraient pas hétérosexuels, on célèbre leurs unions. On y baptise aussi les enfants de couples LGBTQ+, évènements très rares dans les autres milieux ecclésiastiques.
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Un lieu unique menacé de fermeture
Le tableau semble idyllique, pourtant l’archevêque de Paris a décidé de mettre fin aux activités du centre — et ce à compter du 1er mars. En cause, des dysfonctionnements internes qui auraient amené les deux derniers prêtres responsables du lieu à démissionner, ces trois dernières années. Le courrier qui annonce cette fermeture mentionne la « violence des attaques » dont ils feraient l’objet, au sein de leur communauté.
Pour Anne-Renée Bazin, cette réalité n’est pas ressentie par la majorité des personnes qui s’investissent dans la vie de Saint Merry. Elle raconte :
« Ce lieu ne fonctionne comme aucun autre, il n’est donc pas surprenant que les choses y soient moins simples que dans une église où le curé organise tout. Nous avons été très choqués de cette lettre assez brutale, avec un contenu assez violent. Il y a peut-être des choses qui ne vont pas, mais est-ce une raison pour tout supprimer, et perdre tout le travail si important porté par le centre pastoral ?
Saint Merry est un symbole pour beaucoup de chrétiens en France. Un symbole de ce que peut être une communauté ouverte, qui accueille et qui essaye de se connecter au maximum aux préoccupations du monde contemporain. Nous aimerions ouvrir un dialogue avec l’archevêché, qui n’a pour l’instant pas répondu à nos sollicitations, pour ne pas perdre cet espace de libertés, dans lequel tant de personnes qui n’étaient pas à l’aise dans l’Église ont trouvé leur place. »
Une autre Église est-elle possible ?
Pour celles et ceux qui la subissent, les enjeux de cette fermeture dépassent largement la simple problématique du lieu, et questionnent l’avenir de l’Église.
Ils s’interrogent sur la motivation réelle de cette décision : les dysfonctionnements ne seraient-ils pas un prétexte pour fermer un endroit dont les activités n’entreraient pas dans la « ligne » actuelle du diocèse de Paris ? Une ligne verticale, rigide, qui renforcerait l’entre-soi plutôt que l’ouverture au monde ?
Anne-René Bazin l’explique, il existe d’autres initiatives d’expérimentation de cet ordre en France. Mais elles ne sont pas pilotés par l’Institution de l’Église : Saint Merry était la seule, et risque de ne plus pouvoir jouer son rôle symbolique très bientôt.
Sans réponse de la part du diocèse de Paris, les participants à la vie du Centre Pastoral Saint Merry continueront à organiser les célébrations habituelles jusqu’au 1er mars, en espérant pouvoir ouvrir le dialogue et faire perdurer leurs activités si particulières.
Une pétition a été lancée pour le maintien du centre pastoral, et les témoignages abondent en commentaires : nombreux sont celles et ceux qui ressentent le besoin d’une pratique religieuse inclusive et diversifiée et à affirmer que si le centre ferme, il laissera un grand vide derrière lui.
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