Chaque semaine sur Madmoizelle, retrouvez Le seul avis qui compte, le billet d’humeur (humble) de Kalindi Ramphul, spécialiste du cinéma et des séries, dans lequel elle botte le cul d’un film (ou de ceux qui ne l’ont pas aimé) !
Cette semaine, et parce qu’elle sait coller à l’actualité, c’est le nouveau James Bond, Mourir peut attendre, qui est dans son viseur.
Retrouvez ci-dessous la retranscription écrite de Le seul avis qui compte sur James Bond.
Le seul avis qui compte sur James Bond
Je suis colère. Je suis très colère même. Je suis quasiment à deux doigts de mettre une pichenette à une tasse, tellement je suis CO-LÈRE.
Et c’est même pas parce que mon chat est sous anti-dépresseurs, c’est pas non plus parce qu’il y avait encore une manif d’anti-vaccins dans le métro, et c’est encore moins parce que le dernier James Bond est à chier. Certainement pas.
Non, si je suis en colère c’est justement contre les critiques qui lacèrent HONTEUSEMENT et à coups d’une mauvaise foi dont la rigueur force l’admiration, le James Bond du pauvre Cary Joji Fukunaga.
Les critiques tirent à balle réelle sur James Bond : Mourir peut attendre
Aujourd’hui, j’ai décidé de rentrer dans le lard de mes confrères et consœurs en leur disant tout de go… qu’ils n’ont pas le début d’un morceau de cœur.
Allez il est temps que j’assume de nager à contre-courant, après tout qui peut m’en empêcher, à part un barrage hydraulique ?
Il est temps d’oser le dire : Mourir peut attendre, c’est quand même loin d’être le navet consensuel que décrivent les journaux, c’est même le meilleur film de la saga après Skyfall.
N’en déplaise à tous les snobs de puristes qui préféraient James Bond quand il se servait de son entre-jambe comme d’une baguette de sourcier.
Bon rembobinons , j’ai raté l’avant-première parisienne du nouveau James Bond parce que je devais manger chez ma mère comme une miskine, ce qui signifie que tous les critiques ont vu le film avant moi, et ont eu le temps d’influencer mon jugement.
Telle une gueuse sans le privilège de la carte de presse, j’ai payé ma place de cinéma à peu près 100 000 € euros, ce qui fait quand même particulièrement cher, même pour une personne qui a grandi à Levallois-Perret, et je suis donc entrée dans la salle avec l’entrain d’un condamné à l’écartèlement, dépitée de m’être ruinée pour écrire cette chronique et persuadée que j’allais faire comme tout le monde, c’est-à-dire détester le film de bout en bout.
Mourir peut attendre prend un virage différent dès ses premières secondes
Seulement voilà, n’en déplaise à mon aigreur naturelle et à l’avis général, j’ai été cueillie par Mourir peut attendre dès ses premières secondes. Et vous savez pourquoi ?
Déjà parce que la moitié des meufs ont des carrés courts, ce qui m’a franchement rassurée quant à mon choix capillaire actuel, ensuite parce que pour une fois, James Bond ne s’ouvre pas sur une scène de baston avec des mecs bodybuildés qui se démontent la gueule sur des grues enflammées.
Scènes dans lesquelles j’ai globalement un peu de mal à me projeter, en temps que personne qui s’est servie de son corps 4 fois en 28 ans.
Cette année, James Bond débute par un flash-back certes violent mais ô combien introspectif et puissant, qui vient raconter la genèse des traumatismes du personnage campé par Léa Seydoux, déjà présenté dans l’opus précédent.
Exit le coureur de jupons aux costumes ridiculement étriqués, la vraie héroïne de Mourir peut attendre, vous l’aurez compris, c’est bien elle : Madeleine. Une femme au destin brisé, tiraillée entre son amour et son hérédité, dont j’ai lu dans certains papiers qu’elle était je cite « d’une fadeur navrante ».
Oui il est vrai qu’elle ne connait pas les vannes de Bigard par coeur, il est vrai qu’elle ne fait pas des rondades du matin au soir et il est vrai aussi qu’elle a le potentiel de sympathie d’une louche à potage.
Mais à son corps défendant, je précise qu’elle a eu LA PIRE VIE : par exemple sa mère a été tuée sous ses yeux. Elle a donc un peu autre chose à faire que d’amuser la galerie sur Rire et chansons.
James Bond, d’icône machiste à agent transi, prêt à tous les sacrifices
Bref, en tout cas, James Bond cette année, n’est plus l’homme qu’il était.
Finies les habitudes d’énorme fuckboy qui en un seul regard soulève des pelletées de mannequins en bikini. Finies les parties de baston entre couilles aussi.
Cette année James Bond est amoureux, et son histoire impossible avec Madeleine propulse immédiatement la saga de vieillerie testostéronnée à drame shakespearien. Et j’exagère à peine, car sans vous spoiler, Mourir peut attendre n’est ni plus ni moins qu’un Roméo et Juliette avec des Kalachnikovs.
Et franchement, bah moi ça me fait kiffer.
J’ai lu partout que ce film était politiquement correct, qu’il voulait cocher les cases du wokisme, en calant une mère éplorée en dépression nerveuse au premier plan et une femme noire dans le costume de 007.
Appelez ça du politiquement correct, moi j’appelle ça du progressisme.
Enfin, un embryon de progressisme parce qu’on est quand même loin du sans-faute dans Mourir peut attendre — qui nous a placardé des affiches de Lashana Lynch et Ana de Armas tous les huit mètres alors qu’elles ont littéralement deux répliques, et se débattent comme elles peuvent avec l’écriture de leurs personnages, aussi pauvre que moi le sept du mois.
Ce qui est loin bien sûr d’être les seuls défauts du film.
Il n’y a pas non plus que du bon dans James Bond : Mourir peut attendre
Le pire reste le personnage de super méchant joué par Rami Malek, une espèce de resucée de Javier Bardem dans Skyfall ressemblant à Amonbofis qui aurait mal soigné son acné et dont le charisme n’a d’égal que celui du valet de pied dans Downton Abbey — c’est à dire aucun.
Je vous passe aussi le scientifique russe positivement ridicule tout droit sorti d’un film de Zemeckis, les scènes où Daniel Craig pêche des poissons en moule-bite, et Christoph Waltz qui se prend pour Maugrey Fol-Œil.
Mais honnêtement, est-ce que ces défauts empêchent Mourir peut attendre de nous divertir ? Absolument pas. Et c’est tout ce qu’on lui demande.
Non seulement l’ultime volet de Daniel Craig finit en espèce d’apothéose du tragique, mais en plus il pète les codes de la saga en transformant notre fou de la teub en héros sensible.
Alors, c’est ça qui gène ? Que James Bond ait des émotions ? Qu’il quitte son costume de gros macho des sixties pour devenir aussi vulnérable que le commun des mortels ?
Allez Messieurs, Dames, il est temps de quitter les années 60, de dire adieu au règne du mâle baiseur et d’arrêter la compète à celui qui a la plus grosse carabine.
Le monde a changé, James Bond aussi, et il était temps.
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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Les Commentaires
Je suis aussi très contente qu'il y ait la retranscription en-dessous, c'est une chouette initiative