Si le film de Roberto Garzelli fait spontanément penser à deux autres réalisateurs, ils sont Français et ce sont des femmes. L’épure, le choix des couleurs et la sexualité crue (motif et propos) rappellent Catherine Breillat et Romance. La découverte des corps est toutefois exacerbée par le sentiment de la chair, autrement dit l’obsession des personnages pour le corporel, en profondeur. Ici, on pense à Claire Denis et Trouble Every Day. Bien qu’aucune scène n’ait l’horreur glaçante du film de C. Denis, difficile de ne pas faire d’analogie.
Cette façon de filmer le corps, cette obsession pour une passion avant tout corporelle semblent être des motifs typiquement français. De cette façon-là, peu d’autres pays ont montré les corps.
Par rapport à ces deux analogies, Roberto Garzelli a une certaine délicatesse, une réserve dans sa façon de plonger dans l’intimité de deux personnages dont l’obsession est bien particulière. L’amour entre Benoît et Héléna commence presque traditionnellement : lorsque les deux personnages, qui se rencontrent dans l’hôpital où travaille Benoît en tant que radiologue, se découvrent une passion commune. Mais c’est cette passion-là qui change tout. Si les jeunes gens sont attirés l’un par l’autre, c’est parce qu’ils sentent que sous leur attraction physique se cache une même obsession pour l’anatomie. Celle du médecin d’une part, qui sait tout des os et des organes. Celle de l’étudiante d’autre part, spécialisée en dessin anatomique.
Avec une grande subtilité et des ellipses – non forcées ou grotesques, mais ce que sont supposées être les ellipses : surprenantes et subtiles – R. Garzelli apprivoise ses personnages et, surtout, leurs corps. Gros plans sur la peau, les images d’une IRM, le tout sans jamais être au bord de la vulgarité ou de ce qui peut parfois passer pour un stérile désir de choquer.
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Le film de R. Garzelli se distingue donc largement de ce à quoi il fait d’abord penser. Il est franc, et délicat ; navigue subtilement entre les tons ; est sensuel, enfin, sans jamais chavirer. L’amour dévorant entre les deux personnages est saisissant, à mesure qu’ils se laissent emporter par leur désir de se connaître de l’intérieur.
Le Sentiment de la chair a la douceur des poèmes et la vigueur électrisante du désir. C’est un film simple, intime même, qui n’a jamais l’impudeur – malgré les corps nus – de tomber dans l’excès. L’effroi de la dernière scène – toutefois en rien comparable avec celui que procure l’une des dernières scènes de Trouble Every Day entre Vincent Gallo et Florence Loiret-Caille – devient le juste résultat de son développement. Comme si le film, avec ses personnages, s’était laissé griser par le sentiment de la chair.
Sortie en France prévue aux alentours de décembre 2010.