Quand mon corps m’a entendue vendre un reportage en direct de la plage naturiste du Cap d’Agde, je l’ai senti rire nerveusement. Sauf mes cuisses qui ont dit « oh non » comme dans un film où une enfant apeurée entend sa mère saoule qui rentre du loto. Oui, mon corps me parle. Mais apparemment pas assez, parce que si on avait fait un briefing rapide avant ce projet, j’aurais plutôt vendu un j’ai testé pour vous l’abattoir municipal de Pézenas (clique sur le lien tu vas peut-être rigoler), ou bien un reportage sur la fabrique Haribo d’Uzes, en tout cas quelque chose de moins engageant moralement.
J’argumentais mon projet avec la force de persuasion d’un commercial Xerox face à un prospect chaud, et mes membres pouffaient. Quand ils ont entendu « je m’en fous de toute façon je suis pas pudique« , mes pieds ont étouffé un sanglot. Il faut les comprendre : des pieds pudiques sont des pieds qui puent. Or les miens ont choisi de s’assumer tels qu’ils étaient, une décision qui les met chaque jour ensoleillé face à leur ressemblance flagrante avec une Knacki coupée en 10 et rangée dans une paire de sandales.
Pendant ma première semaine de vacances, ma carcasse a croisé les cellules pour ne plus jamais entendre parler de cette idée stupide de naturisme. Mais quand j’ai acheté un pot de cire pour ne pas ressembler -nue- à une allemande saoule sur un festival de Folk Rock, j’ai senti mes deux hémisphères qui se prenaient comme une électrochoc. Voilà ce qu’ils se disaient :
-Ah putain mais elle va vraiment le faire ?
-Chutt, parle doucement tu vas réveiller les petits
-Non mais pause : qu’est ce que tu préfères ? Qu’on mouline pour qu’elle n’y aille pas, ou bien que les cuisses nous fassent une déprime post-nudisme ?
– Je sais pas laisse-moi réfléchir.
– Ah bah super, on n’est pas sortis de l’auberge alors. Allo, on a fait L parce que la poésie prenait le dessus sur les équations et toi tu t’essaies de me vendre un moment de réflexion. Génial merci.
– Chut-euh, j’ai de la monnaie à calculer tu peux te taire 8 secondes ? Eh tu vas où ?
– Je vais écrire un Rap. Salut.
Au moment de m’épiler, j’ai bien senti mes bulbes qui m’en voulaient. Ils s’accrochaient à ma peau comme des triples repousses de rasoir, certains déliraient et j’en entendais même qui suppliaient. Extrait :
– Naaaannnnnnn hahahaaaah. Pourquouahh ?…
– Tiens bon Mitch, on va y arriver, courbe-toi, eeet tu gaines, voilààà c’est bien. On courbe, et on gaine, on courbe et on gaine. Super t’es le meilleur.
– John, ça va mon gars ?
– J’ai si froid
– Au fond elle ne nous a jamais vraiment aimé. Sinon pourquoi elle appliquerait toujours cette cire sur nous alors qu’ils disent « NO » en rouge sur le bâton ?
– Jacklin, je dois t’avouer quelque chose. Je t’aime depuis toujours.
– Francky, si j’étais toi je ferais gaffe avec les déclarations d’amour.
– Pourquoi Ridge ?
-Parce que tu es derrière le mollet, y’a des chances pour que tu meures pas toi…
-Ah oups, merci Ridge, j’me la ferme.
Nota : oui, mes poils ont des noms américains, c’est pour faciliter leur carrière d’acteurs pileux Outre-Atlantique.
Et puis les jours sont passés, tous les matins en ses tréfonds ma moëlle était aux abois, guettant si je mettais dans mon sac une culotte de rechange pour l’après-plage, traquant les indices : Y a-t-il une serviette ? Y a-t-il un paréo ? Va-t-on vers le sud ou dans les terres ? Etc.
Et au jour 9, juste avant le jour 10 qui était le dernier, ils m’ont entendu prononcer le mot : « A-G-D-E ». Les hémisphères ont enclenché le dispositif symptômes de grippe, les poils ont bu du Redbull pour repousser, mais au matin, tous se sont vus quitter la maison les yeux rivés sur mon lit, depuis lequel mon maillot disait au revoir d’un bleu triste. C’était le jour N, le jour du naturisme.
Je dois avouer qu’avant d’avoir à le faire, me mettre toute nue devant une assemblée de personnes inconnues ne m’avait pas choqué outre mesure. Mais arrivée à l’embranchement d’autoroute qui devait me mener vers le paradis du mistigri en liberté, j’ai vraiment flippé. Je me suis dit ok :
– je viens de passer 7 journées consécutives à la plage en maillot.
– 7 fois de suite j’ai eu le cafard en voyant la taille de mes cuisses, la couleur de mon bidon et la largeur de mes épaules, en me disant « si j’étais brésilienne, tout ça ne serait plus qu’un vilain souvenir. »
– Je ne mets pas de jupe courte parce que j’ai les genoux de mon père,
Et là, je m’apprête à aller sur une plage où je n’aurai pas d’autre choix que de mettre de la crème solaire là où jamais auparavant je n’en avais mis ? Les motivations de mon reportage me paraissaient de plus en plus floues (aidez-moi je me mets à parler comme un carnet de voyage avant la découverte du Nouveau Monde).
Pourquoi faire cette excursion ? Pour acheter du saucisson nu au moins une fois dans ma vie ? Pour faire une blague à la serveuse du bar naturiste en lui disant « attendez j’ai peut-être de la monnaie dans ma poche ha-ha-ha » ? Je ne savais plus trop. Alors j’ai fait le tour du rond point en mettant mon clignotant d’abord vers la gauche parce c’est ce qu’il faut faire quand on ne sort pas tout de suite, et j’ai viré vers Vias, une plage tout ce qu’il y a de plus habillée. (D’ailleurs Vias Plage est un village que même Scarface trouverait de mauvais goût tellement il est kitch, mais BREF).
Je me suis assise un moment sur la plage, pris une branche et dessiné des choses sur le sable avec l’air absent, au cas où un cinéaste passerait dans le coin et remarquerait mes talents mélancoliques.
Et puis j’ai fait marcher ma sociablité, en abordant une personne pour débattre sur le naturisme. Il m’a raconté, les babas cools qui regrettaient leurs anciennes plages nudistes où nouille ne rimait pas avec Chtouille, les sièges en rotin qui te quadrillent le cul, et les flyers pour soirées échangistes si nombreux qu’on pourrait en faire un QUID (année 88, c’est le plus gros).
Alors je n’ai pas regretté d’avoir viré vers Vias au dernier moment et je me suis donnée une nouvelle mission qui a fait trembler mon corps pudique : tester pour vous les bains naturistes de Bad Kreuzingen en Allemagne, pas épilée.
L’ultime conclusion de mon aventure, c’est qu’il ne faut pas faire sa maline si on n’est pas sûre.
Je vois bien que tu es déçue de mon épilogue et je te comprends. Mais à ma place, tu aurais fait quoi ?
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
enfin bref, j'y ai trouvé des cotés positifs et j'ai aquis les bons reflexs (detournement de yeux quand passage de vieilles a la recherche de coquillage, ect...)
Aprés, les prejugés sont nombreux mais je peux vous assurée que NON seulement trés peu de naturiste vont faire leur courses a poils...NON on va rarement bouffer a poil ou boire un verre cul nu sur la chaise (en plus question d'hygiene cest eeurk) NON cest pas des clubs echangistes, partouzs et tout et tout....
efin du moins la ou je vais c'est comme ca (CHM montalivet coté atlantique). C'est sur que si la plage n'etait pas surveillée, si il n'y avait pas de securité dans le camps a tout bien surveillé et tout les equipements qui vont avec...je suis pas sur de le faire, il est sur que j'irais pas me foutre a poil sur une plage naturiste improvisée, cest meme pas la peine, si tout le monde peut y aller, sur qui on peut tomber?? alors qu'au CHM, on a tous nos pass et une connerie, byebye fiché a vie et puis depuis 16ans je n'ai vu que deux voyeurs et je peux vous dire qu'il se sont fait méchamment choppé!
Voila, je voulais juste dire qu'il y a certain clichés totalement faux et que celui qui n'a jamais pris une douche chaude face a la mer de sait pas ce qu'il rate