Live now
Live now
Masquer
i-love-dick-serie-tele
Culture

Pourquoi j’ai adoré I Love Dick, étrange série télé arty, féministe, provocatrice, sensuelle…

I Love Dick est une série télé plutôt unique en son genre. De l’art dans tous les coins, des crises existentielles, un coup de foudre en forme de craquage total, et Kevin Bacon en cow-boy… c’est surprenant, et ça fonctionne !

Un soir de week-end, en solo sur mon canapé, je cherche quoi regarder. J’ai fini Mindhunter, j’attends Black Mirror, je suis à jour sur toutes mes sitcoms, j’ai envie de fraîcheur, de changement.

Je me souviens que j’ai pris un mois gratuit chez Amazon Prime (une sombre histoire de cadeau d’anniversaire à la bourre qui devait absolument être livré sous 24h). Et si j’allais voir le catalogue séries télé de la plateforme ?

Un titre attire mon regard, par son double sens : I Love Dick. Dick, c’est le diminutif de Richard dans les pays anglophones, mais « dick », ça veut aussi dire « bite ».

Je me laisse tenter.

Huit épisodes plus tard, je ne suis pas trop sûre de ce que je viens de regarder… mais je suis sûre d’avoir tout aimé. Laissez-moi vous présenter cette drôle de série qu’est I Love Dick.

I Love Dick, du livre à l’écran

I Love Dick est l’adaptation d’un ouvrage du même nom, publié en 1997 par Chris Kraus, auteure et cinéaste connue entre autres pour ses travaux sur le genre.

i-love-dick-roman

Acheter I Love Dick

Dans ce livre surprenant, au croisement entre le roman épistolaire et des mémoires autobiographiques, Chris clame son obsession pour un certain Dick.

Ce coup de foudre aussi puissant que potentiellement malsain a provoqué un raz-de-marée dans la vie de Chris Kraus, dans son mariage, son travail artistique, sa vision d’elle-même…

I Love Dick, l’obsession sexuelle brutale, comme un raz-de-marée

I Love Dick a été adaptée en série Amazon par Jill Soloway, qui a également bossé sur TransparentSix Feet Under, et a gagné un prix au festival de Sundance pour son premier long-métrage Afternoon Delight.

Dans la série, Chris Kraus est le personnage principal, incarnée par Kathryn Hahn. Elle quitte temporairement New York pour suivre son mari à Marfa, au Texas. Il va étudier auprès de Dick (Kevin Bacon), artiste réputé.

En un regard sur Dick, Chris va se retrouver chamboulée, bouleversée, ratiboisée. Cela donnera une série de lettres qu’elle lui adressera, pleines de fièvre, de désir, de hargne parfois, d’amour incompréhensible.

Mais Dick est loin d’être réceptif à l’intérêt inattendu de Chris. Ce qui ne fait rien pour calmer les ardeurs de notre héroïne…

La saison 1 d’I Love Dick est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video, et compte 8 épisodes qui vous laisseront peut-être, comme moi, un peu déboussolé•es, hors d’haleine, et intrigué•es.

I Love Dick, complainte d’artistes torturé•es

La ville de Marfa où se déroule l’intrigue d’I Love Dick abrite une population bigarrée.

D’aspirant•es artistes discourant pendant des heures autour d’un joint côtoient les hommes rugueux qui bossent sur les puits de pétrole voisins, dans un mélange comme l’huile et l’eau entre hipsters et ouvriers.

Tous les personnages d’I Love Dick sont artistes. Chacun•e a sa spécialité, chacun•e est le centre de son propre monde, fait rebondir son ego démesuré contre celui des autres, met à nu ses blessures tout en gardant une part de pudeur.

Je parle d’ego démesuré, mais ce n’est pas péjoratif : il en faut, de l’ego, pour faire de son art toute sa vie, pour créer, bâtir, peindre, écrire, filmer, et dire « Regardez, c’est moi, c’est moi ça, regardez ça, aimez-moi ».

i-love-dick-serie

Au début, j’ai eu du mal à m’identifier, à entrer en empathie avec les personnages d’I Love Dick. J’ai beau créer un peu, à mon échelle, je n’ai pas cette relation viscérale avec l’art, ce besoin vital de faire, d’être, de dire.

Mais le masque « artiste torturé » des héro•ïnes d’I Love Dick, Chris Kraus en tête, se soulève peu à peu et laisse apparaître des humain•es, bien sûr. Avec des failles, des loyers à payer, des plats de pâtes, des comprimés contre la constipation.

Du coup, j’ai pu entrer dans leur danse, et ne plus en sortir.

I Love Dick met en lumière (crue) la sexualité des femmes

Les femmes sont nombreuses dans I Love Dick. Elles en sont les réelles héroïnes, le réel sujet. Et elles ont toutes une sexualité — seules, avec des hommes, avec des femmes.

J’ai rarement vu la sexualité féminine représentée de façon aussi réaliste, loin de l’idée selon laquelle le désir des femmes est discret, sensuel, intellectuel, mâtiné d’amour…

Non, le désir des femmes est parfois brutal, vulgaire, impératif, obsédant. Les femmes d’I Love Dick veulent parfois (se faire) baiser, dominer, malmener, et le résument bien ainsi :

« Je veux ce genre de sexe qui donne l’impression de baiser à chaque inspiration. »

À lire aussi : Les madmoiZelles nous racontent… leurs orgasmes !

Dick, l’homme, ne compte pas, ce qui compte c’est ce qu’il représente. Une masculinité dominante, puissante, « à l’ancienne », le premier émoi d’une pré-adolescente, l’odeur de cuir, le jean brut, la barbe rugueuse.

Dick est un fantasme, un bâtisseur de sculptures phalliques qui renvoie les personnages féminins à leur rapport, forcément complexe, au genre opposé. Un genre désiré, mais oppresseur ; un genre excitant, mais dangereux.

I Love Dick, une série qui n’a pas peur d’être féministe

I Love Dick n’est pas l’histoire de Dick. Ce n’est pas l’histoire d’un couple. C’est l’histoire de femmes, multiples, nuancées, paumées, intraitables, fragiles, contradictoires.

Il y a Chris, bien sûr. Chris qui s’imagine artiste formidable, mais n’a jamais percé et balbutie dès qu’elle doit placer deux mots, trébuche, se cogne, se fout la honte, se relève et y retourne.

Il y a Devon, qui vit près de chez Chris. Un homme, une femme ? Ce n’est pas clairement dit.

À lire aussi : 13% des jeunes en France ne sont « ni homme ni femme » : la non-binarité, c’est quoi ?

Devon a un clitoris et n’a pas peur de se le faire lécher. Devon écrit une pièce basée sur l’obsession de Chris. Devon est intense, parfois trop. Devon ne se laisse pas faire.

Il y a Paula, la femme de l’ombre, qui gère le centre artistique de Dick alors que tout le monde s’en fout, même lui. Paula qui rêve d’exposer des femmes et entretient un rapport complexe avec sa mère.

Il y a Toby, artiste du nouveau millénaire, pâle et rousse et provocante, Toby nue au milieu des pipelines, engrangeant les likes et rôtissant sous le chaud soleil du Texas.

India Menuez semble assez proche de la Toby qu’elle incarne.

I Love Dick m’a recentrée sur moi, et sur ma féminité

Je me suis reconnue dans I Love Dick, même si la vie de ces gens n’a rien à voir avec la mienne.

Je me suis reconnue dans cette obsession aussi soudaine que dangereuse pour un homme, pour un homme qui a tout de l’Homme avec un grand H, celui qu’on m’a appris à craindre autant qu’à désirer.

À lire aussi : Ce que je retiens de ma relation toxique, trois ans après

Je me suis reconnue dans cette dualité : mon genre, parfois un fardeau, vecteur d’oppression, parfois un sortilège, une prière, une fête à célébrer. Être une femme, ça veut dire tant de choses.

Je me suis reconnue dans cette envie de créer, et ce regret de créer parce qu’un homme, de créer au sujet d’un homme, ce désir de transplanter cette racine de créativité pour la greffer sur moi, et moi seule.

Chris Kraus tombe aux pieds de Dick, et là elle plante une graine, la graine de ce qui deviendra son œuvre, puis le reste de sa vie. Lui n’a rien demandé, n’a pas bougé un orteil.

Elle n’en a pas besoin. Elle le fera très bien toute seule.

Si je vous ai donné envie de regarder I Love Dick, vous pouvez avoir accès à Amazon Prime Video en vous abonnant à Amazon Prime (le 1er mois est gratuit, vous résiliez quand vous voulez).

Venez me dire ce que vous en avez pensé !

À lire aussi : 5 (autres) nouvelles séries à mater cet automne !


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.

Les Commentaires

2
Avatar de MoeYosh
17 novembre 2017 à 12h11
MoeYosh
La série est vraiment "What the fuck?" et c'est clair que je me suis souvent interrogé sur ce que je regardais et pourquoi je le faisais. Mais elle a un côté hypnotique, par ses nombreux personnages passionnants et bien construit. J'ai particulièrement aimé Devon uppyeyes:

Contenu spoiler caché.

J'ai aimé la manière dont la série questionne sur le couple, met en avant la sexualité de manière cru, déconstruit les clichés... Bref plein de points positifs.

Par contre, les agissement de Chris vis-à-vis de Dick m'ont gêné, le côté harcèlement et atteinte à la vie privé de l'homme, la place de son consentement, tout m'a mis mal à l'aise.
0
Voir les 2 commentaires

Plus de contenus Culture

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-28T150710.132
Beauté

Elle avait dévoilé son crâne pendant le concours Miss Grand, Safiétou Kabengele nous raconte les coulisses de son parcours de miss

Portrait of smiling young woman sitting on bed using E-book reader
Culture

Pour la BD, les romans ou tout-terrain : comment bien choisir sa liseuse ?

[Image de une] Horizontale (26)
Vie quotidienne

Black Friday : le guide ultime pour trouver l’aspirateur laveur fait pour vous et enfin mettre le Swiffer au placard

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-15T163147.788
Livres

Samah Karaki : « C’est la culture sexiste qu’il faut questionner, pas la présence ou l’absence de l’empathie »

[Image de une] Horizontale (24)
Culture

3 raisons de découvrir Agatha, le nouveau thriller psychologique à lire de toute urgence

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-16T173042.478
Culture

Louise Chennevière (Pour Britney) : « La haine de la société pour ces femmes est immense. Cela m’a donné envie de la décortiquer. »

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-17T105447.652
Culture

Pourquoi on a adoré Culte, la série qui revient sur la création de Loft Story ?

4
© Charlotte Krebs
Féminisme

Mona Chollet : “Se sentir coupable ne mène vraiment à rien”

3
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-19T102928.481
Santé mentale

« Toutes ces musiques ont été écrites sous antidépresseurs » : Lisa Pariente raconte sa dépression

[Image de une] Horizontale (18)
Vie quotidienne

Ménage de rentrée : la serpillère 2.0 existe et avec elle, vous allez mettre le Swiffer au placard 

La pop culture s'écrit au féminin