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Ce tic de langage est genre vraiment pénible

Les tics de langage vont, viennent, ne se ressemblent pas sauf sur un point : ils polluent l’expression et finissent par développer un pouvoir d’irritation extrême.

À la lecture de ce titre, deux cas de figure se dessinent.

« Ah, ENFIN, quelqu’un le dénonce ! Je n’en peux plus de l’entendre ponctuer chaque phrase ! »

Ou alors : la curiosité te poussera à cliquer sur le lien pour savoir contre quel tic de langage madmoiZelle entend rager aujourd’hui.

Si tu fais partie du premier cas de figure : je compatis. Respire par le ventre et pose la main droite sur un dictionnaire.

Si tu fais partie de la deuxième catégorie : je viens en paix. Je n’ai pas ici l’intention de « rager » contre qui ou quoi que ce soit, je me présente plutôt dans la posture du médiateur*, celui qui chercherait à comprendre une situation conflictuelle, rassembler les parties prenantes autour de la table dans le but de résoudre le problème.

*Je ne dis pas « médiatrice » car ça me rappelle les heures les plus sombres de mes cours de géométrie en 5ème, et je n’aime pas être assimilée à une droite quelle qu’elle soit. (Blague mathématique ET politique, je me fatigue).

À présent que ce cadre diplomatique et cordial est posé, entrons dans le vif du sujet.

Le tic de langage, une invasion d’un genre nouveau

Avais-tu remarqué à quel point TOUT LE MONDE utilise le mot « genre » dans, genre, une phrase sur deux ?

Genre on ne peut plus s’en passer, tu vois, en mode « genre is the new eeeuuuh ».

Voici une liste non exhaustive des utilisations abusives du mot « genre » :

  • une virgule, une respiration dans la phrase : « et là genre je l’ai regardé genre je sais plus quoi faire de toi »
  • une exclamation : « mais genre ! »
  • une comparaison : « il était là genre j’suis le boss tu vas faire quoi »
  • une hésitation : « J’me disais qu’on pourrait, genre… mater un film ? »
  • une fausse nuance : « il y avait un genre d’embrouille » (non en fait y avait une embrouille ou y avait pas d’embrouille, il n’y a pas « un genre d’embrouille », c’est quoi sinon ? Une embrouille qui n’est pas vraiment une embrouille ?)
  • une mauvaise utilisation du synonyme à une sorte de, un type de : « c’est le genre de contexte où le mot pourrait être utilisé, mais il l’est encore à mauvais escient. »
  • absolument aucune raison, mais j’te cale des « genre » dans une phrase sur deux.

Pourquoi mener des batailles de ce genre ?

Pourquoi me suis-je lancée en croisade contre l’abus de genre, me direz-vous ? Après tout, qu’est-ce que ça peut bien me foutre que tout le monde l’emploie à outrance autour de moi ?

Certes, ça commence à m’agacer très profondément, mais d’autres ressentent des envies de meurtres lorsqu’on les expose à des bruits de mastication, par exemple.

Je pourrais simplement prendre sur moi, ignorer les gens qui usent du genre à toutes les sauces, et vivre ma vie en toute quiétude.

Sauf qu’à la différence de bien des tics de langage auxquels j’ai été confrontée, ce « genre » transcende les frontières de mes cercles sociaux.

Je l’entends absolument partout. Au bureau bien sûr, où nous nous refilons régulièrement des tics de langage, mais également PARTOUT AILLEURS.

Je ne sais si c’est l’oeuvre d’un ou plusieurs youtubeurs, d’influenceuses et d’influenceurs sur les réseaux sociaux, mais ce « genre » semble avoir contaminé une proportion de population jamais égalée.

Cette analyse hautement scientifique repose sur des données factuelles rigoureusement récoltées auprès de moi-même et au moins une autre personne vivante. Merci de ne pas contester la validité de cette évaluation du désastre linguistique que représente l’invasion du genre.

Le genre de tic bien ancré dans ta langue

Je l’entends tellement que je n’arrive même plus à utiliser « genre » lorsqu’il pourrait légitimement l’être. Par exemple, en synonyme de : une sorte de, un type de.

Je me suis rendu compte que même dans ces cas, le mot « genre » était souvent invoqué de façon abusive.

« Une sorte de, un type de » ou effectivement « un genre de » servent à rappeler un contexte ou une catégorie similaire. Il y a donc un précédent à la phrase, dans lequel je présente un cas.

Puis, dans un 2ème temps, j’amène une situation particulière, qui présente une filiation avec le cas général que j’invoquais précédemment.

Mais dans la vie, TOUT ne peut pas être ramené à une situation générale. Les mots ont un sens. Par exemple, si je dis :

« J’ai eu une idée, on pourrait faire un genre de kermesse où… »

Clairement, je m’apprête à expliquer en quoi mon idée de kermesse est différente de l’image classique de la kermesse, c’est-à-dire avec stand de tir et pêche aux canards, n’est-ce pas.

Donc je n’ai pas en tête « un genre de kermesse », j’ai en tête une kermesse, dont je m’apprête à énoncer les spécificités.

À quoi sert le « un genre de » dans ma phrase ? À rien.

Pourquoi tu t’excuses d’avoir une voix unique ?

Attention ! Loin de moi l’idée de proférer en ces lieux une leçon de bonne morale, façon « sois gentille, dis merci, fais un bisou » : le problème des tics de langage n’est pas que « c’est pas joli dans la bouche d’une fiiiiille », pour reprendre un théorème connu.

Le problème des tics de langage, c’est leur impact sur la langue, et plus particulièrement, l’usage que tu en fais personnellement.

Utiliser « genre » dans toutes tes phrases, c’est amener en permanence une fausse nuance à ton propos. Toujours.

Au lieu d’exprimer l’unicité de ton point de vue, tu cherches constamment à raccrocher ton expérience à un cadre connu de ton interlocuteur.

  • Tu sais, c’est le genre de film où
  • Tu vois, c’est ce genre de mecs
  • J’ai genre une nouvelle passion
  • J’avais une idée, genre on pourrait

Tu viens diluer tes idées avec ce mot qui n’a plus d’autre sens que d’en enlever à ton propos.

Tu aimes ce livre, ce film ou cette série pour leurs caractéristiques, bien sûr, mais avant tout pour le lien unique que tu y trouves, entre eux et toi, ce qui fait toi, seule et unique personne à avoir cette perspective.

Pourquoi tu t’excuses de l’exprimer, pourquoi tu ternis cet unique point de vue, dans un GENRE de généralité ?

C’est la question que je me posais cet été, lorsque j’avais travaillé sur mes propres tics de langage. Il y avait « genre », bien sûr, parce que la pandémie faisait rage l’année dernière déjà.

J’ai aussi tendance à dire « vraiment » et « en fait », qui trahissent un manque de confiance en mes propos, un besoin imprescriptible de ramener mes idées à une réalité tangible.

« Vraiment », comme dans « pour de vrai, non mais j’te jure, c’est très sérieux », et « en fait », littéralement : dans les faits.

J’ai pas totalement éradiqué mes tics de langage, parce que ça demande du temps, de l’énergie et beaucoup d’application d’épurer son expression. Mais je les vois, désormais, je me rends compte que c’est la troisième phrase de suite que je commence par :

  • En fait, …
  • Non mais concrètement,…
  • Enfin vraiment, ce que j’avais en tête…

L’usage des synonymes me permet d’éviter la répétition, même si au fond, je n’ai pas complètement « déraciné » le tic. Mais je progresse !

Envoie STOP GENRE au 2018-2019

Est-ce qu’on se donne tous et toutes la main, qu’on fait une immense ronde dans le monde francophone et qu’on se dit : finissons-en une fois pour toutes avec le tic « genre », déclaré officiellement fléau linguistique de l’année 2017 ? Et qui menace d’éradiquer 45% du vocabulaire connu avant la fin de l’année 2018 ?

Une fois encore ces estimations sont tirées d’une rigoureuse analyse scientifique menée auprès de moi-même, fais-moi confiance, on court à la catastrophe.

Comment arrêter de dire «genre» un mot sur trois ?

J’avais une idée hyper pragmatique, quoiqu’un peu radicale : on implante une puce dans le cerveau des gens (par exemple derrière l’oreille, comme dans la série 3%), et on décide d’un quota de « genre ».

Quand une personne explose son quota, la puce lui explose la tête. Simple, basique.

Apparemment cette méthode n’est pas envisageable dans une République démocratique, il faut un régime totalitaire, dictatorial ou une théocratie pour pouvoir mettre en place un tel dispositif.

Enfer et damnation.

Comment arrêter de dire « genre », genre tout le temps ?

Je me suis fait une raison, et j’ai réfléchi à une série de suggestions non violentes, voire carrément ludiques pour réussir à endiguer l’overdose de genre.

Voici une liste non exhaustive des méthodes anti-genre à mettre en place, seul·e ou en collectivité.

Tu dis genre, tu raques

La « swear jar » : piquée dans les séries américaines, cette technique d’auto-discipline permet d’allier gestion budgétaire et amélioration linguistique.

À chaque fois que tu dis « genre », tu mets 50cts dans le bocal. Si tu es sévèrement atteint·e par l’épidémie, commence peut-être par 10cts, et augmente l’amende à mesure que tu arrives à enlever les « genre » intempestifs de ton vocabulaire. Si tu es déjà une ninja du langage, passe directement à 1€ le genre.

Avantage : cette méthode marche aussi bien en solitaire qu’en collectivité. Tu peux installer le bocal du genre dans ta coloc, ton bureau, ou juste ta chambre si tu as décidé de devenir une meilleure personne envers et contre le reste du monde.

Autre avantage : à la fin, tu vas pouvoir te payer un bon resto, un week-end en France, ou une semaine de vacances à l’île Maurice (selon le degré d’avancement de ta contagion).

Inconvénient : tu risques de te retrouver sérieusement à découvert. Et d’accumuler des kilos de pièces jaunes.

Tu dis genre, je t’interromps

Le buzzer : une méthode collective que je qualifierais de « fun et vindicative ».

Je m’explique : l’un des principaux inconvénients de cette épidémie de « genre », c’est la pénibilité de cette répétition aux oreilles de celles et ceux qui échappent à la contagion.

En activant un buzzer au son particulièrement agaçant, tu permets aux personnes sourdes à l’abus de genre d’être à leur tour incommodées par la répétition.

Car peut-être n’entendent-elles pas qu’elles disent « genre » douze fois par heure, mais elles se rendront très vite compte qu’entendre douze fois un son de buzzer débile a quelque chose d’assez agaçant. Euphémisme.

Avantage : tu n’es plus la seule personne saoulée par la répétition abusive de « genre ».

Inconvénient : tu risque de finir pendu·e par les tripes en place publique. Tes collègues ou tes camarades de promo, excédés, pourraient bien se liguer contre toi au lieu d’arrêter de dire « genre ». Car de nos jours, il est bien plus aisé de mener une attaque en bande organisée que d’éradiquer un tic de langage.

Pour ne plus dire genre, réfléchis avant de parler

Troisième méthode : ralentis ta vitesse d’élocution. Les tics de langage sont des automatismes, et un débit de parole élevé t’amène à te reposer sur des automatismes pour construire rapidement un propos.

Action, réaction : ralentis ton débit de parole, pour te donner le temps de construire tes phrases en les nettoyant de tout tic de langage indésirable.

Et si l’on en profite pour t’interrompre, aucun souci : au lieu de dire « mais genre, laisse-moi finir ! », adopte cet automatisme-réflexe : « ne m’interromps pas s’il te plaît, je n’ai pas fini ! ».

Avantage : ta qualité d’élocution et la clarté de ton propos vont bénéficier d’une amélioration exponentielle.

Inconvénient : tu supporteras de moins en moins les paresses d’expression des autres.

Pour ne plus dire genre : l’introspection

Dernière méthode : l’introspection. Prends le temps de réfléchir aux raisons qui t’amènent à pomper les tics de langage que tu entends tout autour de toi.

Qu’est-ce qui te pousse à adopter les mêmes schémas auxquels tu es exposé·e ? Pourquoi as-tu le sentiment qu’on ne t’écoute pas, qu’on ne te comprends pas ?

C’est l’une des raisons qui favorisent l’adoption des tics de langage : l’adoption d’un schéma d’expression semblable à celui des autres. C’est particulièrement évident avec « genre » :

«— Tu vois le genre ? — Ouais, je vois le genre. »

Puisque l’expression est floue, chacun y met ce qu’il veut à l’intérieur. Et davantage de personnes peuvent y projeter leurs propres représentations.

Alors, à toi d’y réfléchir. Pourquoi tu dis « genre », « en mode », « en fait » dans toutes tes phrases ?

Quand tu auras trouvé la réponse, tu entendras non seulement tes propres tics, mais en plus, ceux des autres.

Et j’ai envie de te dire : bienvenue du côté lumineux de la Force!

Quels sont tes tics de langage ? Est-ce tu fait partie de ces gens qui ont réussi à se départir du « genre » et autres « en mode » ? Viens témoigner dans les commentaires !

À lire aussi : Prendre la parole en public, ça s’apprend — Conseils & astuces


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Les Commentaires

23
Avatar de Loutrinel
10 avril 2018 à 21h04
Loutrinel
Non, genre ?
0
Voir les 23 commentaires

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