Flora Dequenne habite en Belgique, à Mons. Elle est sortie d’une Haute École en janvier 2016, et depuis, elle cherche du travail, avec son diplôme en poche.
Sur son profil LinkedIn, elle a publié ce texte, qu’elle m’autorise à reproduire ici, et qui raconte si bien le blues et la frustration générés par l’écart entre les attentes d’une jeune diplômée… Et la réalité d’un monde du travail
qui peine à intégrer les jeunes talents.
Car Flora n’a que 22 ans (normal pour une jeune diplômée), et pas énormément d’expérience (rien de surprenant à cet âge). Au téléphone, elle reste positive, optimiste, déterminée dans sa recherche d’un poste dans la communication, ou l’animation.
Elle aime écrire, rencontrer de nouvelles personnes et apprendre à leur contact. Sur Internet, elle publie presque brut un journal presque quotidien d’une gamine presque adulte.
En ce moment, elle m’explique être en train de faire une formation de Community Manager, pour se spécialiser encore, et augmenter ses chances de trouver un emploi…
Burn-out du premier emploi, ou l’éloge des diplômes
« J’ai mal au dos, ça doit être parce que j’ai passé les 18 dernières années sur les bancs de l’école, passant, d’année en année, d’une petite chaise bleue à une tablette bancale en auditoire, sur laquelle quelqu’un avait écrit que « l’école c’est pour les faibles ». J’ai passé 18 ans à apprendre, évoluer, me cultiver. J’ai lu, écrit, créé. Ri. Pleuré. Je suis devenue une petite adulte.
Et puis un soir de février, au milieu du hall gris rempli de souvenirs, un grand type en chemise-cravate m’a tendu la main et m’a donné une feuille A4. Une feuille. A4, par dessus le marché, le format le plus classique, le plus redondant que le monde ait fabriqué.
Une feuille A4. Avec mon nom dessus, ma date de naissance et une petite phrase un peu bateau qui annonce que ça y est ! Je suis grande : je suis officiellement apte à travailler dans la communication.
Heu, attendez, on peut faire une pause ? C’est un diplôme, c’est ça ? 18 longues années dans 4 écoles différentes, pour que Monsieur le Directeur me donne un papier en faisant semblant de sourire, et on me dit que je peux y aller, ça y est, je peux avoir un travail ? Je suis prête, terminée, façonnée ? Compétente ?
Oui, oui, c’est vrai, j’en connais des choses. J’en enregistre, des informations. Elles sont fraîches et lisses au fond de ma petite tête. J’ai un diplôme. On me remercie sobrement, on me raccompagne jusqu’à la porte, on lance un petit « revenez nous voir à l’occasion » et d’un coup, la porte est fermée, j’ai cette feuille A4, l’avenir devant moi et le trottoir sous mes pieds. J’ai un diplôme.
J’avais un diplôme en mains. Enfin, je l’ai toujours, mais au fond d’un tiroir. Parce qu’en 8 mois, personne ne me l’a jamais demandé. C’est ma petite fierté à moi, mais personne ne veut la partager. Personne ne veut voir. Personne ne veut savoir.
J’ai 22 ans, un diplôme de communication, une spé’ en animation socioculturelle et pas d’emploi. Pas d’emploi et des centaines de mails auxquels personne ne répond. Pas d’emploi et des candidatures spontanées passées sous silence. Pas d’emploi.
Et à peine quelques entretiens d’embauche. Et des interlocuteurs qui restent silencieux. Un Iphone qui ne sonne pas. Un Gmail qui ne m’envoie une notification que quand Indeed me propose de postuler pour devenir planteur de poteaux. On dit qu’on me rappellera. On ne me rappelle pas.
Avant j’étais trop grosse. J’ai perdu 55 kilos. Et mon jeans 36 ne m’a pas donné de travail. Avant j’étais timide. J’ai appris à parler en public. Et mon flot de paroles ne m’a pas donné de travail. Avant, j’avais peur de parler anglais. J’ai maintenant un niveau B2. And my english has not given me work.
Avant, j’étais trop jeune. J’ai soufflé des bougies. Et mon âge ne m’a pas donné de travail.
« Bonjour, un grand menu Master en Communication quadrilingue, option langue des signes, avec un grand 5 ans d’expérience, permis camion, supplément ketchup ».
Extrait des Trouvailles de l’Internet n°289
Voilà ce que j’entends en entretien. Ce que je lis sur les annonces. Ce que je reçois par e-mail quand j’ai la chance d’avoir une réponse. Alors non. Je n’ai pas encore ma propre voiture mais je peux me déplacer, je suis forte et indépendante. Je n’ai pas de master, mais j’ai été sur le terrain dès ma première année, je sais filmer, monter, écrire, parler, faire du direct.
Non, je ne parle pas néerlandais. Mais je peux apprendre, si vous me laissez une chance. Je ne suis pas le fameux « junior avec 5 ans d’expérience qualitative ». Je sors de l’école. Mais j’ai fait des stages qui ont été merveilleux, j’ai été utiles dans trois sociétés différentes. J’ai prouvé ma valeur. Et je rêve qu’un premier employeur puisse croire assez en moi pour tenter de nouveau.
J’ai 22 ans, un diplôme de communication, une spé’ en animation socioculturelle et pas d’emploi. Mais un sourire sans faille. Une motivation hors norme. Une capacité d’adaptation à toute épreuve. Je cherche un emploi. Et personne ne m’avait dit que ce serait si compliqué. Ça ne m’arrêtera pas. »
La durée moyenne de recherche (et donc de chômage) entre la fin des études et le premier emploi est « de 1 à 2 ans dans la communication », me dit-elle. C’est long, 1 à 2 ans sans salaire, sans pouvoir se projeter, sans réussir à construire ses projets faute de pouvoir se poser…
Son rêve serait de devenir écrivain, mais c’est d’abord un travail qu’elle cherche, pas un rêve qu’elle poursuit (tant mieux si elle finit par réussir à combiner les deux !). Le journalisme, la rédaction, ou même l’animation : tant qu’elle peut écrire et rencontrer des gens, apprendre à leur contact, Flora sera comblée.
« Je suis peut-être trop expansive pour le moule dans lequel la société veut me faire entrer », commente-t-elle.
Elle ne serait pas la première jeune diplômée à voir son enthousiasme et sa motivation testées à l’usure d’un parcours d’embauche qui s’éternise.
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