La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances prévoyait la mise en place obligatoire du CV anonyme pour les candidatures à un emploi dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Mais pour pouvoir entrer en application, certaines dispositions – dont celles qui concernent le CV anonyme – doivent être précisées par un décret.
La loi a été adoptée en 2006, et aucun décret n’a été pris. Plusieurs associations, dont SOS Racisme, avaient déposé un recours devant le Conseil d’État. Le gouvernement est censé prendre les décrets d’application « dans un délai raisonnable ». Or dans ce cas, le Conseil d’État a effectivement constaté que huit ans écoulés depuis le vote de la loi ne constituaient pas un « délai raisonnable ».
Il a donc fixé un ultimatum au gouvernement, qui a désormais six mois pour prendre les mesures nécessaires à l’application de la loi.
Le CV anonyme devra être mis en place dans les six mois
Les entreprises de cinquante salariés et plus devront donc bientôt procéder à leurs recrutements par le biais de CV anonymes.
Il s’agit de faire disparaître les informations personnelles telles que le patronyme, l’adresse postale, le sexe, l’âge (et donc de ne pas mettre ses expériences professionnelles trop anciennes pour un senior, afin de ne pas être discriminé sur l’âge), et tous renseignements qui n’ont finalement aucun lien avec les compétences, mais qui peuvent pourtant influencer la décision du recruteur.
S’appeler Fatima ou Sarah n’est pas une compétence, et cette donnée n’apporte aucune information au recruteur quant au profil de la personne, ses qualités, ni si elle dispose des compétences requises pour le poste.
Habiter dans le 93 ou le 92 n’est pas non plus une donnée pertinente. Si le candidat habite loin de l’entreprise, c’est son problème, ce n’est pas au recruteur de décider par défaut, pour lui, et de lui refuser le poste à ce motif.
Et pourtant, les discriminations à l’embauche sont une réalité, difficilement quantifiables mais bien persistantes.
Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
Justine analysait déjà le problème des discriminations à l’embauche, et les effets possibles du CV anonyme dans un article paru en 2011. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le CV anonyme ne semble pas être la panacée :
« Les CV anonymes n’empêchent pas la discrimination lors de l’étape de l’entretien d’embauche. Si un recruteur est capable de balancer le CV de quelqu’un parce qu’il a une adresse estampillée ZUS, je doute qu’il soit à même de ne pas discriminer en entretien.
Par conséquent : si nos employeurs/recruteurs/décideurs ne sont pas à même de traiter les candidats équitablement, si la société n’apporte pour réponse que de « cacher » des caractéristiques (et si on les cache, qu’est-ce que ça veut dire : que c’est un peu honteux ?) en anonymisant nos CV, c’est que la discrimination est banalisée et touche tout le monde. La réflexion doit se placer ailleurs, bien en amont et toucher à notre éducation à tous. »
La ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports a publié un message sur sa page Facebook, en réaction à la décision du Conseil d’État : si la méthode du CV anonyme devra entrer en vigueur dans les six mois, ses modalités d’application restent à définir. Najat Vallaud-Belkacem compte le faire en concertation avec « les partenaires sociaux et les associations » :
Et toi, qu’en penses-tu ? As-tu été victime de discrimination à l’embauche ? As-tu participé à des recrutements, as-tu été témoin de discrimination ? Viens en parler sur le forum !