Publié le 18 décembre 2017
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Samedi 15 décembre 2018 se tenait l’élection de la Miss France 2019, celle qui aura donc la responsabilité de représenter notre beau pays au fil d’événements divers et variés.
Le concours Miss France est-il sexiste ?
Le concours divise encore et toujours plus, particulièrement cette année, placée sous le signe de #MeToo. Ça pique le féminisme de voir une émission dont le concept est de déterminer le physique féminin le plus parfait et à même de représenter la France.
Cela avait d’ailleurs fait l’objet d’un article sur madmoiZelle qui évoquait toute la difficulté d’être féministe mais de tolérer une émission sexiste, en allant jusqu’à la savourer comme une madeleine de Proust.
Moi, ce samedi 16 décembre, j’étais devant ma télévision avec des amies, en train de manger une raclette. Je ne suis pas une fidèle du concours, mais l’enthousiasme de mes amies (tout à fait éclairées sur la question du sexisme) était communicatif.
Alors moi aussi, je me suis mise à avoir mes préférées et à souhaiter qu’elles aillent le plus loin possible.
Si mes quelques visionnages par le passé étaient intellectuellement très passifs, aujourd’hui, j’ai clairement l’œil plus aiguisé sur ces questions de sexisme et de clichés.
Alors c’est aussi avec beaucoup de méfiance que je me suis aventurée dans ce concours de beauté, pièce historique créée en 1920 !
L’élection, pour sa globalité, ne brillait pas par ses qualités progressistes. Néanmoins, j’ai quand même ciblé au fil de l’émission quelques points très positifs qui me font penser que nous avons tout de même là un concept qui pourrait être utilisé de manière très intelligente et beaucoup plus moderne.
L’élection Miss France : La fierté régionale à l’œuvre
L’élection de Miss France est un événement d’ampleur nationale, très ancré dans les mœurs et les pratiques. Comprenez ici qu’on ne risque pas de mettre fin à une tradition comme celle-ci dès demain.
La cérémonie de ce 16 décembre a été inaugurée par le chanteur Ed Sheeran, qui n’avait pas tout à fait l’air de comprendre ce qu’il faisait là, surtout en train de chanter I’m in love with the shape of you au milieu d’une vingtaine de femme. Vous le sentez, ce petit goût de malaise pour commencer ?
Toutefois, ce que je retiens, c’est qu’ils ont ouvert le concours avec le défilé des Miss en tenue traditionnelle. La fierté régionale est très revendiquée à l’élection de Miss France – et c’est logique, car on a toutes et tous un côté chauvin, moi-même je me réveille tous les matins sur le son de la Marseillaise (c’est faux).
Avec Miss France, on retrouve l’esprit de l’Eurovision ou d’un match de foot (où les compétences artistiques et sportives ne sont pas tellement primordiales dans la ferveur des supporters).
À lire aussi : J’aime l’Eurovision, et au fond, peut-être que toi aussi !
Je vous avoue apprécier ce folklore et la fierté revendiquée des candidates de leurs origines régionales qui ont fait leur culture et leur construction personnelle.
C’est d’ailleurs cette fierté couplée à une mobilisation certaine qui a vraisemblablement porté les trois dernières Miss élues provenant du Nord-Pas-de-Calais à la victoire ces quatre dernières années, et particulièrement Maëva Coucke, Miss France 2018, déjouant cette année tous les pronostics.
En revanche, cette séquence plutôt ludique sera la seule acceptable de la soirée. L’avalanche de gros plans sur les cuisses, les seins et les fessiers des Miss qui suivront ne cesseront de m’agacer tout au long de l’émission.
Courage, il y aura d’autres points intéressants !
Un concours Miss France pour mettre des jeunes femmes en avant
Le problème des Miss n’est pas tant le concept de concours que ce que l’on en fait.
Miss France a toutes les clés pour être un superbe moyen de mettre en avant des jeunes femmes et d’en faire des modèles, exemplaires et inspirantes pour les plus jeunes – et pas uniquement pour leur couronne étincelante.
Ceci, je l’ai réalisé lorsque Jean-Paul Gautier a osé poser la question que l’on n’imaginait pas être posée dans Miss France : « Peut-on être Miss et féministe ? ».
Devant la mine décomposée d’Eva Colas, Miss Corse, j’ai bien cru au naufrage en direct et au feu d’artifice final et anticipé de la gêne.
Pourtant, elle ne s’est pas laissée démonter et elle a particulièrement bien défendu sa cause. Voici les propos rapportés par Europe 1 (et on passera sur sa confusion parce que ça arrive de bafouiller):
Je suis très fière d’être candidate à l’élection de Miss France et d’avoir l’opportunité de prendre la parole en public.
Au-delà d’un concours de beauté, Miss France, c’est vraiment l’opportunité de mettre en avant des jeunes femmes, de montrer qu’elles sont fortes, indépendantes et modernes, qu’elles sont bien dans leur tête et dans leur corps.
[…]
Je pense que je n’aurais jamais eu l’occasion de prendre la parole si des icônes comme Simone Veil ou George Sand, que vous connaissez bien à Châteauroux, ne s’étaient pas battues pour la liberté d’expression des femmes.
Je pense que ce serait un bel hommage de dire ce soir, haut et fort, à tout le monde que, oui, les Françaises sont belles.
Et elles sont aussi très courageuses, déterminées et libres de défiler en bikinis.
Oui, c’est vrai, on tend à l’oublier, et moi la première, et à s’assourdir en criant très fort au sexisme et au patriarcat. Ces jeunes femmes ont le droit de défiler en bikini devant des millions de téléspectateurs si elles le veulent (et si elles s’en sentent capables parce qu’il faut le faire).
Personne ne les force, et je ne pense pas que ça soit une question d’éducation non plus. Miss Ile-de-France a par exemple précisé au cours de la cérémonie que devenir Miss n’était pas un rêve de petite fille mais est devenu un rêve de jeune femme.
Les juger pour leur participation à ce concours (principalement de beauté, oui) demanderait à remettre en question sa notion propre de féminisme. Cultiver sa beauté extérieure (ce qui demande tout de même énormément de rigueur, demandez à mes fourches), la mettre en valeur, n’est pas exclusif vis-à-vis de la beauté intérieure.
Ça n’est pas non plus avilissant, c’est la liberté de chacun•e de disposer de son corps et de l’exposer comme il ou elle l’entend.
En plus, je dois admettre avoir pris plaisir à découvrir des candidates comme Miss Provence, Miss Réunion ou encore Miss Champagne-Ardenne qui avançaient sur scène avec une assurance éblouissante, et dont le sourire paraissait franc, naturel et pétillant.
En fait, ça faisait du bien de voir des jeunes femmes bien dans leurs pompes !
Des jeunes femmes ambitieuses et entreprenantes au concours Miss France
Pour reprendre l’idée que ce que l’on fait du concours est une mauvaise piste, il est clair que le problème actuel réside surtout dans la réalisation, le montage, et le côté très voyeur des caméras, qui vont se focaliser avec plus ou moins de subtilité (plutôt moins) sur les attributs des candidates.
Le caractère très formaté des corps a encore aussi de nombreux efforts à entreprendre pour être à l’image des Françaises et de toutes leurs morphologies (voire même de leur handicap), et même de leurs styles, de leurs sensibilités. Trop de cheveux longs ondulés tue les cheveux longs ondulés.
Stop.
Ce qui est aussi extrêmement frustrant, c’est le manque d’approfondissement des profils des candidates, alors qu’elles semblent être des jeunes femmes engagées – et je ne parle pas du cliché de la Miss qui est pour la paix dans le monde, c’est aujourd’hui plus fin que cela.
Pour reprendre les propos d’Eva Colas, Miss France est un moyen de donner la parole à des jeunes femmes, de montrer qu’elles sont ambitieuses et sûres d’elles.
Pourquoi ne pas leur en donner davantage la possibilité ?
À lire aussi : Prendre la parole en public, ça s’apprend — Conseils & astuces
J’imagine une cérémonie de Miss France qui, tout au long de la soirée, montrerait des parcours de jeunes femmes qui entreprenennent, qui se sont fixées des objectifs ambitieux dans leur vie (carrière professionnelle ou non), voire pour les gens autour d’elles, qui feraient partie d’association ou qui contribueraient d’une manière ou d’une autre à faire évoluer la société.
J’adorerais voir des jeunes femmes cheffes d’entreprise, qui ont fait de leur passion un métier, ou d’une épreuve une force.
C’est très dommage que tout cela soit relégué au second plan dans les portraits, qui préfèrent privilégier les plans où les jeunes femmes font des tours sur elle-même au ralenti.
Le concept d’un Miss France idéal saurait privilégier des profils qui se donnent les moyens d’arriver à leurs fins, des jeunes femmes qui ont la tête bien faite et qui sont en mesure d’éveiller les consciences sur des problématiques actuelles.
L’élection Miss France, un concours raciste ?
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Miss France serait celle qui ne commet pas ce faux pas de samedi dernier (certes dénué de mauvaise intention mais qui n’en demeure pas moins raciste à une heure de grande écoute) d’affirmer que sa prédécesseuse a une « crinière de lionne ».
Quand Maëva Coucke évoque les anciennes Miss en disant qu’elles étaient tour à tour « brune », « blonde », « à la crinière de lionne », alors pourquoi pas « rousse », Alicia Aylies est la seule à être désignée par un animal.
Et de fait, dans la société, les femmes noires sont souvent comparées à des animaux de la savane. C’est en cela que la comparaison pose problème.
Pour comprendre ce qu’est le racisme ordinaire, rendez-vous sur cet article.
Il semble qu’il y ait un frémissement de changement des mentalités avec le concours, mais à mon sens, il est à la fois insuffisant et pas tout à fait malin.
Ce n’est pas en sélectionnant davantage de jeunes femmes qui font des licences ou des écoles de commerce plutôt que des CAP, comme il a l’air de le faire aujourd’hui, que le concours va évoluer dans le bon sens. Je trouve ça au contraire excluant.
Miss France pourrait être l’occasion d’élire une femme inspirante sur des critères très différents, bien loin de ceux qui régissaient le concours en 1920, et sans forcément écarter le critère de beauté, car encore une fois, il n’est pas contradictoire avec la qualité du cerveau, et il a le droit d’avoir de l’importance pour des jeunes femmes.
Mais j’aurais envie, à l’avenir, de mieux connaître leur vie, ce qui les anime au quotidien, de savoir où elles puisent leur courage de monter sur scène pour défiler devant tant de paires de yeux et comment elles peuvent, à leur manière et par ce qu’elles sont, m’inspirer au quotidien.
Et toi, que pense-tu de ce concours ? Es-tu d’accord avec moi ?
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Clairement Madmoizelle se concentre sur le féminisme et ne fait qu'évoquer les questions de racisme de tant en tant. Alors ça peut être difficile de comprendre ce genre d'intervention quand on est pas particulièrement sensibilisé à la question. Disons que de la même façon que je peux m'insurger quand par une tournure de phrase (qui dans notre société sexiste est perçue comme étant de l'ordre de la politesse ou des compliments) quelqu'un me ramène à ma condition de fâme ("mademoiselle", "tu es belle", "tu es bonne a marier", etc.), une personne racisée, si elle est éveillée à l'anti-racisme (ce qui n'est pas toujours le cas, de la même façon que beaucoup de personnes féminisée ne sont pas sensibilisées au féminisme), ne va pas apprécier ce type d'allusions polies et bienveillantes non plus ("t'a une crinière de lionne", "t'es belle pour une noire", etc.).
Alors autant "t'es belle pour une noire" il suffit de peu pour comprendre où est le problème dans cette phrase, autant il faut s'intéresser un peu au sujet et être un peu plus informé de la culture coloniale dans laquelle on vit pour comprendre en quoi parler d'une "crinière de lionne", même si c'est une image qui peut aussi s'utilisé sur des blancs aujourd'hui, c'est vraiment une expression raciste. Comme déjà dit dans l'article ça ramène la personne à un statut d'animal mais au delà de ça c'est même l'animal sauvage, c'est l'imagier de la savane, de l'Afrique, alors que les personnes à qui on dit ça sont tout l'opposé : des êtres humains, des êtres civilisés, des français, qui doivent se battre tout les jours pour être reconnus comme tel. Et ce genre d'expressions viennent les torpiller au quotidien.
De plus, assumer ses cheveux de nature crépu, très volumineux et épais, c'est loin d'être évident pour une personne racisée (beaucoup de femmes en France ne peuvent pas vivre sans lissage ou autre, pour se donner une forme de cheveux plus semblable à celui de nos normes de beauté raciste, ça va de paire avec le blanchiment de la peau). Et c'est clair que complimenter de cette façon là leurs cheveux quand ils osent les assumer un minimum ça envoie pas un bon signal du tout. Dire "tu as des cheveux magnifiques" ou même s'abstenir de faire de remarques, c'est plus respectueux.
J'ai fais des phrases trop longues mais j'espère que je suis compréhensible ^^'
En tout cas je dit pas qu'il faut jeter la pierre à ceux qui utilisent ces expressions hein! C'est normal de dire des boulettes sans penser à mal. L'important c'est que ceux qui ne les apprécient pas puissent le dire et expliquer pourquoi (or sur un plateau télé c'est pas possible, de la même façon que quand ça sors de la bouche de ton patron par exemple (vécu...)).