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Cette expo d'art féministe lutte contre le manque de parité dans le web3 // Source : I am Je$$yFries / JessyJeanne
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Cette expo d’art féministe lutte contre le manque de parité dans le web3

Du 10 au 15 mars 2023 se tient l’exposition « I am… » | Art, Women & Web3, à la Galerie IHAM à Paris, pour laquelle 5 curatrices ont sélectionné des œuvres NFT de 25 artistes femmes et non-binaires. Des tables-rondes y sont aussi organisées pour mieux comprendre cet espace artistique et ce marché grandissant qui manque de parité, comme nous l’explique l’une des curatrices, Marie-Odile Pantoja Falais, alias @imagine_moi.

Avez-vous compris ce que sont les NFT ? Le marché de l’art, lui, oui, et des artistes, curateurs et curatrices, collectionneurs et collectionneuses aussi, comme en atteste une nouvelle exposition féministe événement, « I am… » | Art, Women & Web3, du 10 au 15 mars 2023 à la Galerie IHAM (46 boulevard Henri IV, 75004 Paris). En présentant 25 artistes femmes et non-binaires, l’expo met en lumière le manque de parité dans le milieu, tout en faisant de la pédagogie sur comment acheter de l’art NFT sans se faire arnaquer. « Il y en a pour tous les budgets et de l’art pour tous les goûts », nous explique justement une des curatrices de l’expo, Marie-Odile Pantoja Falais. Rencontre.

Un NFT (de l’anglais non-fungible token) ou jeton non fongible est une donnée valorisée composée d’un type de jeton cryptographique qui représente un objet (souvent numérique), auquel est rattachée une identité numérique (reliée à au moins un propriétaire). Cette donnée est stockée et authentifiée grâce à un protocole de chaîne de blocs (blockchain), qui lui accorde par là même sa première valeur. Un jeton non fongible est souvent présenté comme un titre de propriété, consigné dans un registre numérique public et décentralisé.

Interview de Marie-Odile Pantoja Falais, curatrice de l’exposition « I am… » | Art, Women & Web3

Madmoizelle. Comment vous présentez-vous ?

Marie-Odile Pantoja Falais, alias @imagine_moi. Je suis Marie-Odile, je suis franco-brésilienne. Je fais partie de ces enfants francophones qui parlaient une autre langue à la maison avec leur parent immigré et je pense que c’est une richesse. Pendant mes études en Histoire de l’Art, j’ai été très heureuse de centrer mes deux années en Master recherche sur le Brésil afin de me plonger de manière académique dans l’une de mes propres cultures. 

Après quelques années à travailler dans le marché de l’art, je travaille aujourd’hui en stratégie et création de contenu pour les réseaux sociaux en freelance. Je fais aussi des vidéos en marque blanche. Je partage du contenu art et culture sur mes comptes @imagine_moi, en français sur TikTok et en anglais sur Insta.

Qu’est-ce que le collectif GXRLS REVOLUTION et quels sont ses objectifs ?

Gxrls Revolution est un collectif cofondé par JessyJeanne et Annelise Stern, avec pour mission de visibiliser les artistes femmes et non binaires dans le web3 à travers trois grands projets : la curation d’un catalogue, l’éducation en ligne, et des évènements artistiques en physique et dans le metavers. D’ailleurs, avant cette première exposition, Gxrls Revolution avait déjà participé à NFT London [foire d’art contemporain de NFT, ndlr] en proposant des artistes.

Chacune des 5 curatrices a proposé des artistes pour le premier catalogue que nous avons coécrit avec Joséphine Louis, Léa Duhem, JessyJeanne et Annelise. C’est un catalogue qui regroupe des statistiques et des textes sur la parité dans le web3, un historique, des textes pour apprendre ce que sont les NFTs, un guide sur comment en acheter, des conseils de collectionneusesIl est gratuit et disponible en ligne.

Gxrls Revolution présente du 10 au 15 mars l’exposition « I am… » | Art, Women & Web3 : pouvez-vous la présenter ?

À l’heure où le pseudonymat est roi sur internet, cette exposition donne à voir ce que les artistes dévoilent ou cachent derrière un pseudo, un anonymat possible dans le web3. C’est fou, car, parce que c’est de l’art digital, donc on a pu réunir 25 artistes des 4 coins du monde pour cette expo, sans besoin de transporter quoi que ce soit.

Aussi, en étant 5 personnes à la curation de cette exposition, on a eu des manières différentes d’aborder ce thème. JessyJeanne s’est intéressée à la construction d’une identité numérique, notamment sur les réseaux sociaux. Annelise Stern s’est concentrée sur l’autoportrait. Joséphine Louis soulève la question : à quoi ressembleront les identités de demain ? Tandis que Léa Duhem présente des artistes pour qui le corps est souvent objet et sujet de la représentation.

Et vous qui faites partie des 5 curatrices, quel a été votre approche personnelle pour ce thème d’exposition « I am… », justement ?

J’ai rencontré JessyJeanne et Annelise sur Instagram. Nous suivons et nous soutenons dans nos projets et c’est au début de l’année 2021 que nous avons plongé dans le web3. C’était au moment des premiers articles sortis sur la vente d’un NFT de Nyan Cat, puis la vente historique par Christie’s de Everyday : the first 5 000 days par l’artiste Beeple.

J’ai été très heureuse d’avoir été invitée pour la première édition de ce catalogue, j’aime beaucoup partager le travail d’artistes dont j’admire les œuvres et là, c’était l’occasion de faire converger mes études d’histoire de l’art, ma passion et l’envie de participer à la visibilité de leur travail.

J’ai voulu aborder le thème par le biais d’une quête où deux chemins s’ouvrent à nous : un théorique par l’héritage culturel, l’autre empirique par l’acceptation des émotions et sentiments. Se connaît-on vraiment ou est-ce que l’on fantasme la personne que l’on veut être ? Il y a des sujets qui me touchent et qui me traversent, j’aime en parler sans forcément être frontale, pour mieux être écoutée ou faire entendre d’autres histoires. L’héritage culturel est pour moi important, car quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, il donne une envie d’entendre ces autres histoires, de les comprendre. Grâce aux réseaux sociaux, on a accès à des récits de personnes étiquetées comme « minorités ». Moi-même entre deux cultures, je suis fascinée par l’idée d’explorer l’identité à travers ce prisme artistique. Je ne retrouverai jamais les traces de mon arrière-grand-père qui était esclave au Brésil, les registres ont été brûlés, je n’ai que les récits de ma mère, mais il y a quelque chose de l’ordre de la réparation dans la façon dont les artistes narrent leur propre culture.

En quoi le web3 peut représenter une belle opportunité pour les femmes artistes, et pour les collectionneuses ?

Le web3 permet aux personnes du monde entier, disposant d’une connexion à Internet, d’accéder à des communautés et ressources permettant de les aider dans leur carrière professionnelle.  Par exemple, Gxrls revolution embarque des artistes dans le web3, à travers des workshops, et contribue à leur visibilisation auprès d’une large sélection de collectionneuses et collectionneurs au travers d’expositions en partenariat avec des grandes personnalités du milieu du web3. En effet, cette première exposition physique organisée par le collectif est coproduite par Jean-Michel Pailhon, collectionneur d’art et ex-cadre chez Ledger [une start-up française qui conçoit et commercialise des portefeuilles de cryptomonnaies physiques destinés aux particuliers et aux entreprises, ndlr].

Pour les collectionneurs et collectionneuses, c’est une nouvelle facette du web, ça veut dire que je peux collectionner des œuvres d’artistes en Amérique latine, au Nigéria, ou en Indonésie, sans logique de proximité, avec de la transparence. En plus, grâce à ces nouvelles marketplaces, les artistes mettent le prix auxquels iels ont décidé de vendre leur œuvre. Alors évidemment, beaucoup parlent d’arnaques dès qu’ils entendent NFT, mais c’est un raccourci loin d’être systématique. Ce qu’il faut entendre avec NFT, c’est la technologie qui me permet d’acheter une œuvre en certifiant que je l’ai achetée, à combien, et tout le monde peut le voir. L’artiste peut mettre dans son smart contract, combien de royalties lui reviendront sur chaque revente si je décide de revendre l’œuvre, donc l’artiste n’est pas lésé•e dans le second marché.

Et puis surtout, l’art numérique existe depuis bien longtemps, il a juste été mis en lumière par les ventes de ces dernières années, mais la spéculation n’a pas attendu les NFTs pour exister dans le monde de l’art, ni les arnaques d’ailleurs.

En quoi les œuvres NFT sont aussi particulièrement intéressantes pour vous en tant que curatrice ?

En tant que curatrice, je peux découvrir des milliers d’artistes qui travaillent des milliers de sujets différents et qui peuvent donc donner lieu à de nouvelles manières de faire des expositions avec des œuvres de partout dans le monde sans aucun voyage en avion. Et pour ceux qui parlent de la catastrophe écologique que représentent les NFTs, c’est comme reprocher à la dernière goutte d’eau versée de faire déborder un vase déjà rempli. Les milliers de foires d’art physiques nécessitent déjà des milliers d’avions pour transporter des œuvres, des tonnes de caisses en bois, des musées qui font des expos avec des œuvres qui viennent du Mexique et du Japon

Que diriez-vous aux personnes tentées à l’idée d’acheter des NFTs mais qui n’y connaissent rien et craignent de se louper ?

Je leur dirais que c’est comme acheter de l’art dans une galerie, mais pour les personnes introverties : pas besoin de parler à qui que ce soit ! Je plaisante (rires) ! Notez les noms des artistes que vous voyez en expos pour les retrouver ensuite. Il faut ouvrir les yeux, faire ses petites recherches, les artistes communiquent énormément sur Twitter, ils et elles postent leurs nouvelles œuvres avec les liens où les trouver et les acheter. On peut regarder quelle marketplace proposent quel art, se faire un petit dossier de signets sur son navigateur pour ne pas oublier. On peut être sensible à acheter sur une marketplace plus qu’une autre, car les blockchains ne sont pas toutes les mêmes et surtout, elles ont des projets différents. Prenez toujours le temps de consulter l’historique de l’œuvre pour voir si c’est l’artiste qui propose à la vente ou si c’est un tiers, peut-être qu’une œuvre proposée par l’artiste directement sera moins chère. Il y en a pour tous les budgets et de l’art pour tous les goûts. 

Mais tout de même, petit point prévention : ne donnez jamais vos seed phrases (c’est la phrase qui sert de mot de passe pour se connecter à votre wallet) et ne cliquez pas sur des liens que vous n’avez pas demandé à recevoir.

Vous-même, vous collectionnez de l’art numérique : quel conseil auriez-vous aimé avoir avant de commencer ?

En effet, je collectionne, mais j’ai eu de la chance, j’ai eu les meilleurs brassards du monde pour plonger dans le web3 : les conseils d’un autre collectionneur, Brian Beccafico, qui est aujourd’hui spécialiste des NFT pour la maison de ventes aux enchères Sotheby’s. Si on ne sait pas par où commencer, ce qui est assez génial c’est de pouvoir regarder ce que les gens ont dans leur collection, c’est un livre ouvert. J’ai commencé comme ça, pour découvrir des artistes, puis par un effet de sérendipité, on va découvrir une artiste, regarder les artistes de son cercle ou de sa collection et voilà, tous les jours c’est une découverte. On ne peut pas vraiment se tromper si on achète ce que l’on aime.

Quels sont les enjeux concernant les femmes artistes dans le numérique ?

On ne leur propose pas assez de prendre part, je pense. On ne leur demande pas assez leur réseau peut-être. Il est facile de dire « oui mais le web3 c’est genderless, y a que le talent qui compte », oui je veux bien mais quand on remarque que les mêmes personnes sont toujours invitées à faire des projets ou parler, au bout d’un moment, il faut ouvrir les yeux. NFT Paris [forme de foire d’art contemporain NFT qui s’est tenu le 24-25 février 2023, ndlr] c’était plein de mec en hoodie noir, à tel point que tu remarques directement quand il y a quelqu’un qui n’est pas un homme.

JessyJeanne dirait qu’il y a beaucoup de personnes qui pensent que s’il y a si peu d’artistes femmes dans le web3 c’est parce que c’est un monde qui est proche de celui de la finance et que les femmes ne sont pas intéressées par ce domaine. Bien sûr que c’est que c’est un monde très masculin, à première vue et qui peut paraître complexe de prime abord, et donc intimidant pour les artistes femmes.

C’est pour ça que c’est important de créer des communautés en ligne afin de s’entraider et créer des opportunités/projets ensemble. Globalement, au lieu d’attendre qu’on leur pose des questions, je dirai qu’il faut faire. Tout simplement. On ne vous invite pas à parler ? Eh bien prenez la parole dans l’espace que vous vous créez.

Exposition « I am… » | Art, Women & Web3, du 10 au 15 mars 2023 à la Galerie IHAM (46 boulevard Henri IV, 75004 Paris), gratuite et en entrée libre.

  • Vendredi 10 mars 23 de 18h à 22h : vernissage public.
  • Samedi 11 mars 23 de 15h à 17h : table-ronde : « Elles collectionnent de l’art numérique ».
  • Dimanche 12 mars 23 de 15h à 17h : atelier d’initiation gratuit « J’apprends à acheter des NFTs ».
  • Lundi 13 mars 23 de 18h à 19h : table ronde de : « Artistes femmes, on en est où en 2023 ? »

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Les Commentaires

2
Avatar de adita
12 mars 2023 à 22h03
adita
Totalement d’accord avec ma voisine du dessus.
Je rajouterais que l’article mentionne plein de mots sans les définir: Curation? Curatrice? Voir même NFT, Web3 ou Blockchain, je connais un peu le web3 et l’article m’a semblé nébuleux alors j’imagine pas pour celles qui n’ont aucune idée de ce que c’est…
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